Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Des morts sans s�pulture officielle


Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Lorsque le football focalise l�attention de tout un pays, il devient presque ringard d��voquer les sujets qui f�chent et nous divisent.
Un pays qui d�file sous la banni�re du sport, ignorant souverainement la r�gence et les �sagesses �clair�es� de ses r�gents, n�est-il pas en train de reconstruire son identit� nationale sur les d�combres d�un demi-si�cle de politiques ravageuses et mensong�res ? En tout cas, c�est ce que notre confr�re Libert� nous a donn� � comprendre finement dans une de ses r�centes �ditions. D�ailleurs, les t�nors du pouvoir avaient vite compris l�avantage � tirer d�un pareil engouement. Eux qui ont enterr� � la sauvette et sans la moindre solennit� une trentaine de victimes du terrorisme ne surent-ils pas profiter d�une �tr�ve des stades� pour commettre un �ni�me outrage � la m�moire de ces obscurs soldats de la R�publique ? Gr�ce � la sur-m�diatisation du fait sportif, ils se d�fauss�rent des reliquats de leurs mauvaises consciences et firent m�me mieux (ou pire), n�h�sitant � r�cup�rer l�exaltation populaire en se l�appropriant en tant qu�expression de leur bonne gouvernance ! C�est � cela que se r�sume la fantastique semaine qui vient de s�achever : une explosion de bonheur inesp�r� gr�ce � ce suppl�ment d��me qu��tant le sport et dans le m�me temps l�inopportune ing�rence de la �maison du pouvoir� faisant main basse sur la spontan�it� juv�nile quand elle avait autre chose � accomplir ailleurs. Celles d�abord de donner du clairon fun�bre en face des catafalques des gendarmes et patriotes trucid�s afin de glorifier leur martyr, ensuite de saluer d�une mani�re officielle la m�moire d�un certain Cherif Belkacem qui vient de tirer sa r�v�rence. Une bonne r�publique se reconna�t justement � ce genre d�usage auquel la n�tre vient de se soustraire absurdement. Un manquement pr�judiciable � la grandeur d�un quelconque pouvoir m�me quand il s�explique ou bien se justifie par des anciennes querelles. Une f�cheuse inclination � entretenir une haine rance alors que la mort vient de clore les vieux malentendus. C�est qu�avec le pr�sident actuel, le disparu en question a partag� une tranche d�histoire r�cente. Il est vrai que leur compagnonnage fut rarement serein uniquement pr�serv� par la complicit� dans le partage de parcelles d�un pouvoir issu d�un coup d�Etat. Emergeant au premier plan au lendemain du fameux 19 juin 65, leurs trajectoires diverg�rent rapidement. La disgr�ce pr�coce de l�un et la travers�e ult�rieure du d�sert par l�autre n�att�nu�rent, cependant, pas leurs ressentiments r�ciproques. En 1999, la m�me braise de la pol�mique ressurgira des cendres mais tr�s vite la chape de plomb choisira de faire taire l�un et d��pargner l�autre jusqu�� lui permettre de conqu�rir le pouvoir supr�me. Dix ann�es se sont �coul�es depuis cette p�rip�tie sans que, pour autant, se solde un vieux compte. Intacte dans le souvenir du �vivant�, cette malsaine rivalit� l�aurait donc emp�ch� aujourd�hui d�exprimer des condol�ances officielles ! Pour anecdotique qu�il soit, le fait illustre parfaitement la marque de fabrique de nos dirigeants. Que le hasard de la mort s�y soit m�l� cette fois n�en est que plus significatif. Sans analyses pointues, n�est-on pas en mesure de comprendre, � travers cette posture, pourquoi le r�gime a des difficult�s � s�adapter aux r�gles saines de la contradiction ? Et pourquoi il ne peut pas se d�barrasser de sa matrice qu�est le coup d�Etat m�me s�il s�est fait violence de le cocher du calendrier festif en 2005. C�est � ce niveau que se situe le d�bat sur l��thique de l�Etat actuel, lequel, faute d�avoir vir� sa cuti des antiques filiations, continue � s�y r�f�rer secr�tement. Autrement dit, le pr�sident de la R�publique, lui-m�me, continue � appr�hender son magist�re avec les m�mes instruments que ceux des ann�es 1960 et avec les m�mes reflexes qui furent les siens � cette �poque comme l�indique si bien son indiff�rence muette � l�annonce du d�c�s d�un homme du clan ayant eu le tort d�avoir voulu lui faire de l�ombre. Tant et si bien que, culturellement, il a toujours consid�r� que les mutations amorc�es en 1988 et la r�sistance d�mocratique � l�islamisme de la d�cennie 1990 ont fini par �tre appr�ci�es n�gativement comme autant de d�rives ayant contribu� � l�affaiblissement de l�autorit� centrale. Celle, d�ailleurs, qu�il a vite r�duit � l�omnipotence du �premier� homme auquel est d�volue la source d�inspiration pour d�signer ce qui est �bon et juste� pour la communaut� et ce qui est douteux, hors-la-loi et qu�il faut combattre. Ainsi, comme dans un jeu de miroir, qui refl�te le pass� et d�termine notre pr�sent les acteurs d�un coup d�Etat datant de 44 ann�es contiennent � censurer un pays avec leurs egos disproportionn�s au moment o� la soci�t� commence � s�inventer une nouvelle patrie gr�ce au football ! D�cid�ment, ces �t�s alg�riens sont toujours des saisons paradoxales.
B. H.

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