
Actualités : FAOUZI LAMDAOUI, DEUXIÈME ADJOINT AU MAIRE D’ARGENTEUIL : «La vérité sur la mort de Ali Ziri devra être faite»
Faouzi Lamdaoui, deuxième adjoint au maire d’Argenteuil et
vice-président de l’agglomération d’Argenteuil, nous a fait part de son
sentiment sur la mort suspecte de Ali Ziri le 9 juin dernier.
Entretien réalisé par Khadidja Baba-Ahmed Le Soir d’Algérie : Ali Ziri, retraité algérien qui vit à
Argenteuil depuis près de cinquante ans, la ville dont vous êtes le
maire-adjoint, a trouvé la mort le 9 juin dernier après s’être fait
tabasser par la police de votre ville. Où en est-on dans l’élucidation
de cette triste affaire, qui touche un homme de 69 ans qui ne se serait
jamais particulièrement fait remarquer par la police ?
Faouzi Lamdaoui : Avant de répondre à votre question, je saisis
cette occasion pour présenter mes condoléances les plus sincères à la
famille du défunt. Pour l’instant, les policiers en cause bénéficient de
la présomption d’innocence. Toutefois, s’il est prouvé qu’ils sont
coupables, la loi devra être appliquée dans toute sa rigueur. J’ouvre
une parenthèse pour vous rappeler que la municipalité d’Argenteuil n’a
aucune autorité sur la police nationale qui dépend du préfet du
Val-d’Oise et in fine du ministère de l’Intérieur. Evidemment, cela ne
m’empêche pas de demander que toute la lumière soit faite sur ce drame
humain. D’après le conducteur du véhicule et témoin principal, il y a eu
des coups et des insultes. Cependant, je pense qu’il ne faut pas se
précipiter et attendre la fin des enquêtes pour situer les
responsabilités et entamer des actions concrètes s’il y a lieu. Il ne
s’agit pas de jeter systématiquement la pierre à toute la police qui
reste républicaine dans sa majorité. Malgré la pression qu’ils subissent
et des conditions de travail difficiles, la plupart des policiers
s’efforcent de faire leur travail dans les règles. D’après ses proches,
Ali Ziri n’avait aucun antécédent en 40 ans de présence en France. Ils
le décrivent comme «un homme très apprécié pour son humour et sa
sympathie, un retraité, tout ce qu'il y a de plus tranquille».
Personnellement, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que
justice soit faite. J’ai toujours dénoncé les bavures lorsqu’elles sont
durement établies, il y va de la sécurité de nos concitoyens, quelle que
soit leur origine.
Saisi, le parquet de Cergy- Pontoise répond qu’il n’y a pas lieu de
donner suite à cette affaire car il n’y aurait pas de suspicion de
bavure. Est-ce l’impunité pour des policiers à qui la hiérarchie fixe
des quotas d’arrestations et autres opérations dites de «sécurité» ?
Le procureur adjoint du parquet de Cergy-Pontoise a effectivement écarté
toute bavure. Personnellement, je pense qu’il faut être prudent et,
encore une fois, attendre la conclusion des enquêtes. Des informations
contradictoires circulent sur l’état d’ébriété du défunt, sur la cause
de sa mort, sur les insultes racistes… il n’y a que les enquêtes, les
expertises et les contre-expertises qui peuvent le déterminer. Il faut
rester serein et faire confiance à la justice. Au-delà des déclarations,
peut-être trop hâtives du parquet, l’affaire doit suivre son cours pour
que toute la vérité soit établie, toute la vérité. Il est vrai que
depuis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir, la police est sous tension. On
exige des policiers une certaine «productivité » : chaque policier doit
présenter, tous les jours, à ses supérieurs un quota de contraventions,
d'interpellations, de mises en garde à vue. Comme vous le savez, Sarkozy
a fait de la sécurité son cheval de bataille. La police est chargée de
faire une démonstration de force permanente pour montrer que le
gouvernement est puissant, inébranlable, implacable. Ce dernier
entretient plus que jamais la peur de l'uniforme et la terreur de la
matraque. Il s'agit bien d'une action d'intimidation psychologique à
grande échelle pour instaurer une société de contrôle et de
surveillance, pour rappeler à chaque citoyen que le gouvernement voit
tout, entend tout, réprime tout, les vraies fautes et les faux délits.
C’est cette politique qui est à l’origine de la multiplication des
bavures ces dernières années.
La ville d’Argenteuil est à forte concentration d’immigrés. Comment est
vécu ce triste événement par la population et, plus généralement, que
faites-vous à votre niveau en tant qu’élu socialiste, pour faire que
«Argenteuil ville citoyenne» ne soit pas un slogan vide de sens et que
la citoyenneté ne soit pas valable juste pour quelques-uns ?
C’est avec consternation et tristesse que la nouvelle a été
accueillie. Les témoignages que j’ai pu recueillir sur Ali Ziri le
décrivent unanimement comme un homme chaleureux et généreux. Les
habitants d’Argenteuil en général et les membres de la communauté
algérienne en particulier sont sous le choc. Partout en France, la
question de la citoyenneté est malmenée depuis l’arrivée de Sarkozy aux
commandes. Les populations des quartiers à forte concentration
d’immigrés sont malheureusement de plus en plus stigmatisées et
discriminées. C’est un véritable retour en arrière. Depuis la victoire
de la gauche à Argenteuil, en mars 2008, nous nous efforçons de
promouvoir le bien-vivre ensemble. Dans ce domaine comme dans d’autres,
il reste beaucoup de choses à faire. La municipalité n’est qu’un acteur
et n’a pas toutes les cartes en main. Toutefois, cela ne l’empêche pas
de remplir son contrat en matière d’égalité et de citoyenneté.
Croyez-moi, dans les conditions actuelles, c’est un vrai challenge !
Comment ont réagi les représentants consulaires algériens à cette
affaire ? Etes-vous en relation avec ces autorités ?
Oui, je suis en relation avec les autorités consulaires algériennes dans
le cadre de mes responsabilités. Ce que je peux vous dire, c’est que le
consul algérien à Pontoise, M. Tayeb Khouidmi, suit cette affaire avec
une attention particulière. Néanmoins, il ne compte se prononcer qu’à
l’issue des enquêtes en cours. C’est logique dans la mesure où on ne va
pas travailler sur des hypothèses et encore moins sur des suppositions.
Dans le cas où une quelconque bavure serait confirmée, je ne doute pas
que le consul prendra ses responsabilités et se constituera partie
civile.
Vous êtes d’origine algérienne : en tant que maire-adjoint chargé des
relations internationales et des jumelages, avez-vous, depuis votre
installation à ce poste de responsabilité, procédé à des jumelages avec
une ville algérienne ? Si oui, laquelle et qu’avez-vous entrepris avec
cette ville ?
Il y a effectivement des dossiers de jumelage en cours de préparation
avec des pays du Maghreb. Nous sommes aux affaires depuis seulement une
année, et c’est trop court pour boucler ce genre d’actions, surtout
qu’on doit les mener en concertation avec d’autres organismes et avec
les villes éligibles. En ce qui concerne l’Algérie, l’idéal pour nous
serait de mettre en place un jumelage avec une ville qui possède une
grande communauté installée à Argenteuil. Je ne peux pas pour l’instant
vous communiquer le nom d’une ville précise, car cela est à l’étude.
Néanmoins, j’ai bon espoir qu’un jumelage verra le jour dans les
prochains mois.
K. B.-A.
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