
Corruptions : CONCESSION DES TERRAINS DU DOMAINE PRIVÉ DE L'ETAT ET DES BIENS IMMOBILIERS DES EPE Pourquoi privilégier les pratiques du gré à gré ?
La cession des terrains du domaine privé de l'Etat a fait l’objet d’une ordonnance – ce qui a exclu le Parlement d’un débat à ce sujet, et donc sans possibilité d’amendement. Même les biens immobiliers constituant des actifs
résiduels des entreprises publiques dissoutes et excédentaires des
entreprises publiques économiques (EPE) sont concernés par cette
ordonnance n°08-04 du 1er septembre 2008 fixant les conditions et
modalités de ces concessions, ordonnance parue au Journal officiel n°49
du 3 septembre 2008.
Selon l’argumentaire du gouvernement, pour les besoins de projets
d'investissement et sous réserve du respect des instruments d'urbanisme
en vigueur, les terrains relevant du domaine privé de l'Etat disponibles
sont concédés, sur la base d'un cahier des charges, aux enchères
publiques ouvertes ou restreintes ou de gré à gré au profit
d'entreprises et établissements publics ou de personnes physiques ou
morales de droit privé, et les biens immobiliers constituant des actifs
résiduels des entreprises publiques dissoutes et excédentaires des
entreprises publiques économiques sont soumis aux mêmes conditions.
Encore heureux que sont exclues du champ d’application des dispositions
de cette ordonnance les catégories de terrains suivantes : les terres
agricoles, les parcelles de terrain situées à l’intérieur des périmètres
miniers, les parcelles de terrain situées à l’intérieur des périmètres
de recherche et d’exploitation des hydrocarbures et des périmètres de
protection des ouvrages électriques et gaziers, les parcelles de terrain
destinées à la promotion immobilière et foncière bénéficiant de l’aide
de l’Etat et les parcelles de terrain situées à l’intérieur des
périmètres des sites archéologiques et culturels. Mais pourquoi avoir
privilégié les pratiques du gré à gré dans cette opération, sachant que
cette procédure va favoriser l’opacité et va piétiner les règles d’une
saine concurrence ? L’article 7 de ce texte est édifiant à ce sujet :
sont éligibles à la concession de gré à gré les projets d'investissement
qui présentent un caractère prioritaire et d'importance nationale ;
participent à la satisfaction de la demande nationale de logements ;
sont fortement créateurs d’emplois ou de valeur ajoutée ; et qui
contribuent au développement des zones déshéritées ou enclavées.
Cultiver le gré à gré dans ce type de concession est d’autant plus grave
que ces terrains seront définitivement cessibles dès la réalisation
effective du projet d'investissement et de sa mise en service.
Tout doit passer par le Conseil des ministres !
Il a fallu attendre 8 mois pour que paraissent les textes
d’application de cette ordonnance, décrets exécutifs du 2 mai 2009
(parus au Journal officiel n°27 du 6 mai 2009) qui confirment et
amplifient les pratiques du gré à gré. Aussi bien pour les terrains
relevant du domaine privé de l'Etat que pour les actifs résiduels des
entreprises publiques autonomes et non autonomes dissoutes et des actifs
excédentaires des entreprises publiques économiques, la concession peut
être octroyée de gré à gré, après autorisation du Conseil des ministres
sur proposition du Conseil national de l'investissement. Et les projets
d'investissement jugés éligibles au gré à gré sont soumis au Conseil
national de l'investissement par le ministre chargé de la promotion des
investissements ou le wali territorialement compétent. Le gré à gré qui
doit être l’exception devient la règle, comme c’est malheureusement déjà
le cas dans l’application du code des marchés publics. Le gré à gré est
normalement d’usage que dans les dossiers de grande urgence, ce qui
n’est pas le cas dans les projets d’investissement, projets qu’il ne
s’agit pas aussi d’encourager à n’importe quel prix ! Le gouvernement va
même plus loin dans les textes d’application de l’ordonnance en listant
les projets d'investissement susceptibles de bénéficier de la concession
de gré à gré : ce sont ceux qui présentent un caractère prioritaire et
d'importance nationale tels que les investissements productifs pouvant
contribuer à la substitution aux opérations d'importation dans des
secteurs stratégiques de l'économie nationale ; qui participent à la
satisfaction de la demande nationale de logements à travers des
opérations entrant dans le cadre de la politique de l'habitat ; qui sont
fortement créateurs d'emplois ou de valeur ajoutée et qui se traduisent
notamment par la réduction du chômage dans la région et le transfert
technologique ; ou qui contribuent au développement des zones
déshéritées ou enclavées dont la liste est fixée par le Conseil national
de l'investissement. Et pourquoi confier au Conseil des ministres, dont
les réunions sont extrêmement rares et de plus en plus espacées,
l’autorisation du gré à gré? Cette institution a par ailleurs bien
d’autres priorités que de décider si tel ou tel terrain doit être cédé à
tel investisseur et pas à un autre.
Djilali Hadjadj
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