
Actualités : ALORS QUE DES CHANTIERS DE LOGEMENTS POUSSENT COMME DES CHAMPIGNONS Des familles entières jetées à la rue
Cela se passe en Algérie. Des familles entières sont quotidiennement jetées à la rue, à quelques jours du mois sacré, un mois censé être celui de l’entraide et de la tolérance. Pour contrecarrer ces expulsions, souvent «arbitraires et expéditives», le comité «SOS Familles expulsées» s’est réuni hier, au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), pour lancer un appel aux autorités à l'effet de revoir les dispositions de la loi relative aux expulsions. Près de 300 familles sont sur le point d’être expulsées au niveau d’Alger seulement. Parmi elles, 170 ont déjà reçu des mises en demeure, alors qu’il y a à peine quelques jours, 17 familles ont été jetées à la rue, et que 6 autres qui occupaient depuis plus de 30 ans leur logement à Staouéli seront expulsées ce mercredi. «Ces derniers temps, nous avons constaté un chiffre record d’expulsions. C’est pour cette raison que nous avons décidé de relancer le comité SOS Familles expulsées, qui a déjà activé en 2002», a indiqué Nourredine Belmouhoub, un membre actif de la LADDH, qui a présidé cette rencontre. Selon ce dernier, bien que certaines expulsions sont réglementaires, elles font toujours des victimes. «Je trouve vraiment désolant que des gens se retrouvent à la rue, après que l’Etat n’a pas été en mesure de les reloger», a-til clamé. En effet, cette rencontre a été marquée par la présence de quelques cas édifiants, à savoir des familles déjà expulsées ou en voie de l’être. Un citoyen de Miliana, père de famille et âgé de 42 ans, s’est retrouvé du jour au lendemain à la rue. «A mon âge, je dors sous une tente à même le trottoir, avec ma femme et mes gosses. Je n’aurais jamais cru que cela puisse m’arriver un jour dans mon pays. Je suis vraiment touché dans ma dignité. Je n’ose plus regarder les gens en face. J’ai honte, c’est presque tout le monde qui me connaît à Miliana», s’est-il lamenté. En dépit de toutes les correspondances qu’il a adressées aux différentes instances concernées, ce pauvre malheureux occupe toujours les trottoirs de sa ville natale. Plus grave encore, une femme âgée de 78 ans (sœur de chahid) a été expulsée il y a quelques jours avec toute sa famille du logement qu’elle occupait depuis 46 ans, sis 5, rue Mohamed-Alliat, à Kouba. Son fils Amine, les larmes aux yeux, dira à l’assemblée : «Croyez-moi, il n’y a pas plus pénible que de voir sa mère jetée à la rue. C’est comme si on m’avait transpercé le torse avec un couteau.» Cette famille qui s’est vu déposséder de son logement injustement a adressé plusieurs requêtes aux hautes autorités, mais à ce jour, aucune suite n’a été donnée. Sur cette affaire, Nourredine Belmouhoub a tenu à rappeler que l’article 507 bis du Code civil stipule clairement que «les personnes physiques âgées de 60 ans révolus à la date de la publication de la présente loi (27 mai 2007 ndlr) et qui peuvent prétendre au droit au maintien dans les lieux à usage d’habitation au titre de la législation antérieure continueront d’en bénéficier jusqu’à leur décès». Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, ce décret présidentiel n’est point appliqué. Mais le cas qui a suscité le plus d’étonnement parmi l’assemblée reste celui d’un citoyen qui, au moment où son père âgé de 93 ans et gravement malade (atteint d’une maladie incurable) était entre la vie et la mort, sa sœur à emmené son père malade chez le notaire pour lui faire signer la vente de sa villa contre une somme dérisoire. Une fois le père décédé, elle envoya un huissier de justice pour mettre sa mère, âgée de 82 ans et gravement malade, ainsi que son frère à la porte. Un avis d’expulsion, assorti d’une mise en demeure, leur a été envoyé le 18 juillet. Bien que les concernés aient tenté d’expliquer à la justice que le père ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales et physiques pour effectuer une telle transaction, la justice s’est prononcée en faveur de l’expulseur. Ainsi, quotidiennement, des femmes des enfants et des familles entières sont jetées à la rue. Selon Belmouhoub, le discours du gouvernement est totalement différent de ce que l’on constate sur le terrain. «On ne loge pas les gens avec des discours. On ne fait pas le bonheur de ses citoyens avec des discours», a-t-il martelé. De l’avis de ce dernier, la justice se doit aujourd’hui de revoir sa politique sur ce chapitre, car on ne peut expulser des gens de leur domicile aussi banalement. «Dans un Etat de droit, démocratique et musulman, on ne jette pas des familles à la rue sans un motif valable ou une solution de rechange», a-t-il conclu. Enfin, s’il y a lieu de tirer des conclusions, il faut dire que si avec tous les chantiers de logements qui ont été lancés et les 1,5 million de logements inoccupés qui ont été dénombrés lors du cinquième recensement général de la population et de l’habitat du 26 avril 2008, des familles continuent à habiter la rue, c’est qu’il y a vraiment de quoi foncer sur une unité des gardes-côtes. Mehdi Mehenni
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