Reportage : CHALETS DE ROUIBA (DOMAINE MEDEGHRI)
Les favelas de la peur
Reportage r�alis� par, Mehdi Mehenni


Pour les malfrats et les jeunes d�s�uvr�s de Rouiba et ses environs, le domaine Medeghri, o� sont implant�s des chalets de familles sinistr�es du s�isme de mai 2003, constitue un repaire id�al pour se �relaxer�. Drogue, alcool, prostitution et ins�curit� sont au menu forc� des familles qui vivent en ces lieux, qui se transforment, d�s la tomb�e de la nuit, en un v�ritable lieu de d�bauche.
A quelques dizaines de m�tres d�un barrage fixe de la police, sur la p�riph�rie de Rouiba, situ� � quelque 20 km de la capitale, o� sont implant�s 223 chalets, c�est la loi du plus fort qui r�gne d�s la tomb�e de la nuit. Apr�s le relogement de plusieurs familles sinistr�es, quelque 100 chalets demeurent � l�heure actuelle inoccup�s, depuis presque trois ans. Selon les habitants de ce site, interrog�s sur les lieux, la majorit� de ces chalets, dont les plus retir�s, se sont transform�s en des abris pour les jeunes voyous, drogu�s, alcooliques, couples et autres d�linquants qui en l�absence de contr�le imposent leur loi. �Quand la majorit� des chalets �taient pratiquement tous occup�s, on avait, certes, des probl�mes, mais pas de ce genre. Il y avait de jeunes d�linquants, des bandits, des voleurs, des bagarres� comme partout, mais il y avait plus au moins une certaine qui�tude. On pouvait quand m�me g�rer le site, car ils �taient tous des voisins. Aujourd�hui, nous avons affaire � des bandits et malfrats �trangers qui n�ont aucun respect ni consid�ration pour les habitants�, atteste un r�sidant. Selon un autre locataire, habitant au milieu de quelques chalets abandonn�s, c�est vraiment l�enfer d�s la tomb�e de la nuit. Des dizaines de jeunes voyous d�barquent pour s�adonner � l�alcool et � la drogue, des soir�es qui se transforment g�n�ralement en des bagarres g�n�rales o� les insultes et les gros mots sont les principales carac-t�ristiques dominantes. �Pour un p�re de famille, il est vraiment difficile de vivre dans une telle situation. D�autant plus qu�on ne peut absolument rien faire face � ces voyous. Ils mettent de la musique � fond � une heure tardive, chantent, ram�nent des filles, prof�rent des injures� et juste derri�re mon domicile. Parfois je me retrouve dans l�obligation de quitter mon chez-moi pour ne pas assister � ce supplice en famille. Ma femme et mes enfants mettent la t�l� � fond pour ne pas entendre leurs vulgarit�s�, a-t-il t�moign�. En effet, derri�re le chalet de cet habitant, des matelas, de grands cartons, des bouteilles d�alcool, des centaines de m�gots et de bo�tes de chique sont partout �parpill�s. Il ne s�agit plus d�un site r�serv� pour les sinistr�s, mais plut�t d�un lieu de rendez-vous des damn�s de la soci�t�. A vrai dire, c�est un v�ritable lieu de d�bauche � ciel ouvert ! D�autres ont carr�ment fait de ce site un lieu de r�cup�ration de fer, de plomb et de cuivre pour ensuite les revendre. De petites commissions qui leur permettent de s�approvisionner en drogue et en alcool, pr�cisent les habitants du site. Selon ces derniers, bien que le seul gardien dont dispose le site et quelques locataires qui tentent tant bien que mal de pr�server les lieux essayent de leur faire face, le plus souvent, ils parviennent � leurs fins. �Ils sont incontr�lables. Pour �tre francs, on n�arrive pas � les affronter. Ils sont tr�s dangereux et compl�tement inconscients de leurs actes ; ce sont tous des drogu�s� Le seul rem�de c�est l�intervention des services de s�curit�, qui, il faut le dire, ne se soucient gu�re du calvaire que nous vivons au quotidien�, clame un groupe de citoyens. Selon ces derniers, ces chalets inoccup�s ne sont pas seulement envahis par de jeunes bandits, mais il y a beaucoup de familles sans toit qui rentrent par effraction. Aux derni�res nouvelles, un inspecteur de police principal a forc� la porte d�un chalet abandonn�, pour s�installer avec sa famille. Il n�a lib�r� les lieux qu�apr�s l�intervention des services de s�curit�, qui se sont �tonn�s, affirment les habitants du site, de voir un repr�sentant de la loi commettre une telle infraction.
Les chalets, ce provisoire qui dure

Bien que ces chalets ont une dur�e de vie qui ne d�passe pas les 18 mois, con�u sp�cialement et uniquement pour les sinistr�s du s�isme de mai 2003, on a l�impression que c�est devenu presque une solution de rechange pour les pouvoirs publics. Bien que ce soient de v�ritables sinistr�s et six ans apr�s la catastrophe naturelle qui a frapp� Boumerd�s, la capitale et ses environs, ils n�ont pas �t� relog�s et demeurent actuellement dans ces habitations pr�caires ; les chalets de ceux qui ont �t� relog�s ont �t� utilis�s dans d�autres contextes. En effet, sur ce site, on a relog� provisoirement des familles qui habitaient g�n�ralement des bidonvilles et ceux qui ont �t� d�m�nag�es de leurs maisons pour des projets d�utilit� publique. A titre d�exemple, les 41 familles de Sa�d-Hamdine, dont les fermes qu�ils occupaient sont destin�es actuellement � la construction d�un �difice public, ou les 11 familles de Z�ralda qui apr�s l�effondrement de leurs vieilles b�tisses occupent ces chalets devenus carr�ment inhabitables avec le temps, depuis presque six ans. C�est dire que ces chalets qui sont pourtant us�s servent de lieu de transit pour les familles sans abri ou les nouveaux sinistr�s, �en attendant la livraison du 1 million de logements que le pr�sident de la R�publique a promis pour le prochain quinquennat�. Six ans apr�s le s�isme, il y a lieu de constater que c�est vraiment du provisoire qui dure. Que ces chalets font dor�navant partie du d�cor. La logique veut qu�une fois une famille sinistr�e relog�e, le chalet qu�elle occupait doit �tre imm�diatement d�m�nag�.
A quoi ressemble la vie dans un chalet ?

S'il convient de poser cette question � un habitant occupant un chalet depuis plus de six ans, alors que sa dur�e de vie est fix�e � 18 mois, il r�pondra certainement : �A l�enfer !� Il s'agit, en effet, d'une b�tisse en pr�fabriqu� qui, apr�s l'expiration de sa dur�e de vie, peut �tre � l�origine de maladies tr�s dangereuses pour les personnes qui y vivent. Des baraques �troites de 25 m2, constitu�es d�une pi�ce cuisine et une salle de bain, o� durant l'�t� il fait tr�s chaud et l'hiver un froid de canard. Quant � l'humidit�, elle y est tout au long de l�ann�e. Contraints de vivre des ann�es durant au milieu des rats, des cafards, de la salet�, des maladies, du danger et des risques. Sur les lieux, au domaine Medeghri, des p�res de famille, ordonnances m�dicales � la main, affirment que depuis quelque temps, ils emm�nent leurs enfants chez le m�decin une � deux fois par mois, au minimum. �Nos enfants ont d�velopp� avec le temps des maladies tr�s graves. Les uns sont devenus asthmatiques, les autres allergiques, il y en a m�me qui souffrent actuellement de maladies de la peau contagieuses. Et le malheur c�est qu�on ne sait plus quoi faire. Avec la baisse du pouvoir d�achat et les salaires minables auxquels nous avons droit, on ne sait pas si on doit scolariser nos enfants, leur acheter des habits, les nourrir ou les emmener chez le m�decin�, proteste un groupe de sinistr�s. En effet, derri�re le site en question passe un oued qui d�gage des odeurs f�tides � plein temps, alors que les moustiques ce sont des nu�es innum�rables qui environnent le lieu. Les chalets sont compl�tement us�s et rouill�s. D�s qu�il pleut, la majorit� des familles sont inond�es. Enfin, il est n�cessaire de pr�ciser que les chalets de Rouiba ne sont finalement qu�un exemple parmi tant d�autres. Que ce soit � Bordj- El-Bahri, A�n-Taya, El-Marsa, Bordj-El-Kiffan ou El-Harrach, o� sont implant�s des dizaines de sites, c�est pratiquement le m�me constat. Chalets inoccup�s, mis�re, malvie, d�bauche et ins�curit� sont les principales caract�ristiques dominantes.
M. M.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable