Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Minarets suisses et beffrois libyens
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


C'est Tarik Ramadan, le fr�re musulman imberbe, qui doit exulter : sous pr�texte de lutter contre l'extr�misme, la Suisse vient de rendre un inestimable service aux fondamentalistes musulmans. Ces derniers ont beau jeu de crier aujourd'hui � l'islamophobie et de d�noncer un nouvel �pisode du choc des civilisations inaugur� par un pays th�oriquement neutre.
Oui, c'est avec la plus bienveillante neutralit� que les banques suisses acceptent d'accueillir l'argent des musulmans d�tourn� par des dirigeants tout aussi musulmans. C'est un argent qui d�gage une telle odeur suffocante de rapine et de morts que les Suisses eux-m�mes en sont indispos�s. Les Suisses savent par exp�rience que l'argent n'est pas inodore, contrairement aux affirmations de Vespasien, et ils r�fl�chissent depuis longtemps aux moyens de s'en accommoder. Ils ont aussi la certitude que les voleurs arabes et musulmans ne sont pas pr�s de retirer leurs d�p�ts des banques suisses qui leur assurent s�curit� et confidentialit�. Leur foi dans le syst�me suisse rivalise avec leur croyance en Dieu, ses anges, ses proph�tes, et au jugement dernier. C'est pourquoi, les d�tenteurs de comptes en Suisse, pour certains pourvoyeurs de fonds des activistes islamistes, ne l�veront pas le petit doigt pour changer leur code banque. Ils se contenteront d'attiser en vous la ranc�ur et la col�re contre les Helv�tes, coupables d'islamophobie, un mot destin� � terroriser davantage ceux qui ont vraiment peur de l'Islam. Ou pour �tre plus clairs, devrait-on parler de la peur des musulmans que certains appellent aussi �musulmanophobie �. Cette peur, plus vraie, plus r�elle n'est pas seulement l'apanage des non-musulmans, mais pourrait �tre celle des musulmans eux-m�mes. Ceux qui sont inquiets devant la mont�e du fondamentalisme et de la soumission aveugle de leurs coreligionnaires � ses lois. Mais pour ne pas s'embrouiller davantage, gardons islamophobie pour d�signer ce sentiment de peur, pour la commodit� et parce qu'il a quelque chose de stigmatisant pour celui qui le ressent. Et puis, ce mot contient une charge r�quisitoire non pas seulement contre la Suisse, mais contre toute l'Europe, accus�e de reprendre le chemin des croisades. Ce qu'il y a d'amusant dans ces histoires de minarets, c'est qu'ils ne servent strictement � rien l� o� ils sont �rig�s, � part � servir de rep�res architecturaux ou d'�pouvantails... suisses. Ou bien parlera- t-on d�sormais de minarets suisses, comme on parle de l'Arl�sienne ou de ch�teaux en Espagne. Depuis Bilal, le premier muezzin de l'Islam, on a fait de progr�s, notamment gr�ce aux conqu�tes de l'�lectronique. Aujourd'hui, un muezzin n'est plus oblig� de grimper p�niblement l'escalier en colima�on qui m�ne au sommet du minaret pour aller lancer son appel � la pri�re. Il peut le faire, � partir de chez lui (1), en actionnant un microphone et sans quitter ses pantoufles ou ses claquettes. Jadis, des insens�s ont construit la tour de Babel, par orgueil et par vanit�, et non pas pour se rapprocher de Dieu. Ils ont �t� s�v�rement punis par le ciel avant d'�tre reni�s par leur post�rit�. La m�me vanit� et le m�me orgueil poussent encore aujourd'hui � �difier des minarets de plus en plus hauts, pour en imposer � son voisin... marocain (2). De nos jours, des haut-parleurs judicieusement dispos�s sur les terrasses des immeubles sur�lev�s remplacent ais�ment les minarets tout en permettant d'imposer le respect aux mosqu�es alentour. Il n'y a rien de tel pour alimenter les cacophonies du vendredi, o� seule la divine providence peut se retrouver. Pour en revenir � la Suisse, il faut sans doute pr�ciser que c'est encore la vanit� et l'orgueil qui sont � l'origine de cette histoire. Cela s'est pass� � Langhental, dans le canton de Berne, o� un imposant temple sikh a �t� �difi� en 2006, non loin de la mosqu�e locale. Voyant cela, la communaut� musulmane, � majorit� turque, a d�cid� d'�riger un minaret, pour ne pas faire figure de parent pauvre. En attendant le permis de construire, ils ont mis en place un minaret factice en bois d'une hauteur suffisante pour impressionner la droite populiste suisse. Cette derni�re a vu dans cette initiative, une revendication politique et religieuse, et pas seulement celle d'un droit � la visibilit�. Quant � savoir pourquoi les Suisses ont peur de l'Islam tout en appr�ciant l'argent des musulmans, il faudra sans doute chercher la r�ponse dans les pays musulmans eux-m�mes. Commen�ons par Khaddafi, notre voisin libyen, qui a des rapports tr�s particuliers avec la Suisse. Le Ra�s libyen ne peut pas interdire, en repr�sailles, la construction de beffrois en Libye, ni d'ailleurs en Arabie saoudite (3) ou en Alg�rie. Dans les pays arabes, la phobie des chr�tiens et des juifs ne s'exprime qu'une fois par semaine, lors des pr�ches du vendredi. Quant � la construction de clochers d'�glises, voire de synagogues, elle n'est pas � l'ordre du jour, et il n'existe pas de communaut� religieuse assez t�m�raire pour la revendiquer. Khaddafi a donc adopt� un profil bas en proposant que les institutions de l'ONU quittent la Suisse. On peut lui reprocher de mettre moins d'ardeur � d�fendre l'Islam, qu'il en a d�ploy� pour son fils Hannibal, lorsqu'il avait �t� arr�t� par les autorit�s helv�tiques. En juillet 2008, ce dernier avait �t� bri�vement incarc�r� pour avoir frapp� un membre de son personnel domestique. Pour riposter � ce crime de l�se-majest�, Papa Khaddafi avait suspendu ses livraisons de p�trole � la Suisse. Il avait �galement menac� de retirer tous ses avoirs des banques suisses. Affol�es, les autorit�s de Berne avaient remis en libert� l'h�ritier de Khaddafi, avec les excuses du pr�sident de la Conf�d�ration helv�tique lui-m�me. L'�crivaine kowe�tienne Dala� Al-Mufti s'�tonne du tapage organis� dans les pays arabes autour de cette affaire des minarets suisses. Dans le quotidien Al-Qabas, elle interroge : �Avez-vous oubli� que les sonneries des cloches d'�glise sont interdites au Kowe�t ? Avez-vous oubli� que la construction d'�glises est interdite dans certains pays arabes et codifi�e dans d'autres ? Avez-vous oubli� les invocations exprim�es dans nos mosqu�es tous les vendredis et appelant � les diviser, � les disperser et � les an�antir (les chr�tiens) ? Avez-vous oubli� les fatwas interdisant de souhaiter bonne f�te aux chr�tiens, que nos d�put�s nous offrent en cadeau tous les No�ls ? Avez-vous oubli� la loi, que nous sommes fiers d'�tre le seul pays � l'avoir vot�e, et qui interdit d'attribuer la nationalit� kowe�tienne aux non-musulmans ? Oui, la d�cision suisse est raciste et extr�miste, mais le racisme est-il l�gitime chez nous et ill�gitime chez eux ? Sommes-nous libres dans notre pays de proscrire, d'interdire et de rejeter, selon notre bon vouloir, alors qu'on exige d'eux de nous respecter, et de respecter notre religion et nos lois ? Les Suisses ont demand� d'interdire seulement les minarets. Ils n'ont pas interdit les mosqu�es ni les pri�res, ni un des piliers de l'islam. Comparez avec nos lois, et en toute objectivit� ! Alors, pourquoi cette obstination et cet extr�misme ?�
A. H.
(1) Un confr�re m'a racont� qu'un imam du Caire faisait l'appel � la pri�re de l'aube directement � partir de son lit. Il se rendormait aussit�t apr�s avoir r�veill� tout le voisinage, bien s�r.
(2) Evidemment, il vaudrait mieux que les deux pays rivalisent en mati�re de construction de minarets, faute de challenge plus enrichissant, plut�t que de guerroyer l'un contre l'autre.
(3) Il faut pr�ciser toutefois que les mosqu�es d�j� construites dans quatre villes de Suisse disposent d�j� de minarets. Le r�f�rendum ne remet pas en cause leur existence.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable