
Corruptions : LA CRISE ÉCONOMIQUE INFLIGE-T-ELLE UNE «DOUBLE PEINE» AUX ENTREPRISES MONDIALES ? Climat propice aux détournements d'actifs, aux fraudes comptables ou à la corruption
La crise économique et financière inflige-t-elle une «double peine»
aux entreprises mondiales ? Déjà affectées par la perte de chiffre
d'affaires parfois dramatique, ces sociétés sont, avec la crise, selon
l'étude mondiale sur la fraude en entreprises réalisée par le cabinet de
conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), confrontées à un risque
d'escroqueries plus élevé. Selon cette étude, 40% des 3 000 entreprises
sondées dans 44 pays considèrent que la crise économique «crée un climat
propice» à la fraude (détournements d'actifs, fraudes comptables ou
corruption). Dans le lot, 30% d'entre elles ont été victimes de
malversations au cours des douze derniers mois. Au sein des sociétés de
plus de 1 000 salariés, ce taux grimpe à 46%. Soit près d'une entreprise
sur deux ! Et sur l'échantillon restreint des victimes, 43 % ont
remarqué que les fraudes avaient augmenté sur la période par rapport au
passé. Mais si un contexte économique tendu peut assez logiquement
inciter certaines personnes dans le besoin à devenir malhonnêtes, les
conclusions de cet observatoire sont cyniques pour les chefs
d'entreprise. Car la responsabilité de ces malversations leur échoit
plus ou moins directement. De fait, la source de ces fraudes est en
majorité interne à l'entreprise et serait le fruit de la pression que
les directions exercent sur leurs salariés. «Dans une période de crise,
les objectifs fixés aux employés sont plus difficiles à atteindre», dit
un cadre du département litiges et investigations de PwC. Dans un
contexte de licenciements massifs, «les salariés ont peur de perdre leur
job, alors ils fraudent», ajoute-t-il. Si le détournement d'actifs reste
la fraude la plus fréquente, -67% des cas dans le monde, ce sont les
malversations comptables qui ont progressé le plus, passant de 27% en
2007 à 38% en 2009. La manipulation permet en effet d'habiller les
comptes afin de ne pas être pris en défaut par sa hiérarchie. En
moyenne, 31% des fraudes comptables dépassent 1 million d'euros, contre
18% pour les détournements de fonds.
Hausse des fraudes en perspective
En outre, l'étude révèle une évolution inquiétante du profil du
fraudeur. Il ne s'agit plus seulement des employés tentés de «chiper»
par-ci par-là, mais de plus en plus des cadres, voire des cadres
supérieurs de l'entreprise – 42% des entreprises disent avoir été
victimes de fraudes par cette catégorie de salariés en 2009 contre 26%
en 2007. Cette catégorie de salariés serait, notamment en période de
crise, au centre de ce que PwC qualifie de «triangle d'or de la fraude».
Ils auraient à la fois «l'opportunité», la «rationalité » et la
«motivation» de frauder. L'opportunité, car la plupart d'entre eux ont
connaissance des règles internes de l'entreprise : si la société
déclenche une alerte au-delà d'un écart de plus de «X» milliers d'euros,
ils fraudent en dessous de ce montant sans être «trop» inquiétés. La
rationalité, car la plupart ont la possibilité de produire de fausses
notes de frais pour camoufler leurs escroqueries. Et enfin la
motivation, car ce sont à ces cadres que l'on fixe des objectifs jugés
parfois intenables. La reprise économique suffira-t-elle à remettre les
choses en ordre ? Rien n'est moins sûr. Nombre de sociétés anticipent
une hausse des fraudes au cours des douze prochains mois. «Cela est
d'autant plus préoccupant, souligne l'étude, que les entreprises
sous-estiment en général le risque réel.»
LS
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