Chronique du jour : DECODAGES Et si on parlait des paradis fiscaux ? Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected]
La crise financi�re mondiale de l�automne 2008 et ses cons�quences
d�sastreuses sur l'ensemble des �conomies de la plan�te ont mis
au-devant de la sc�ne les paradis fiscaux (PF). On se rappelle les
attaques du pr�sident fran�ais, de la chanceli�re allemande et du
Premier ministre britannique lors de la r�union de Paris qui a regroup�
17 pays et qui pr�parait la r�union du G20 de novembre 2008. Dans leur
analyse des causes de la crise financi�re et des moyens pour s�en
d�gager, les paradis fiscaux ont �t� une pr�occupation majeure et m�me
pr�sent�s par certains comme facteur aggravant sinon d�clenchant.
Qu�est-ce qu�un paradis fiscal ? L�imp�t a toujours �t� mal vu, mal aim�
surtout de ceux qui, percevant des revenus �lev�s, doivent s�acquitter
de sommes importantes. La raison d��tre des paradis fiscaux est, comme
on peut s�en douter, d�abord fiscale. Le paradis fiscal offre d�abord et
avant tout comme prestation, une fiscalit� attractive, basse ou
carr�ment inexistante. Ces sites sont des lieux o� il y a peu
d�industrie, peu d�artisanat, peu d�agriculture autre que de
subsistance. De plus, il s�agit de territoires g�n�ralement de faible
superficie qui ne permettent aucune activit� �conomique susceptible de
faire vivre la petite population qui y r�side. L�activit� sur ces
territoires n�est pas �conomique, elle est financi�re : ces espaces se
sont sp�cialis�s dans la gestion des capitaux et les prestations de
services financiers. Bien �videmment, pour g�rer ces capitaux, il faut
commencer par les faire venir, les attirer.
Pour cela, l��l�ment d�cisif est une fiscalit� basse ou nulle. Un
rapport de l�administration fiscale am�ricaine ainsi que des travaux de
l�OCDE ont recens� six caract�ristiques des paradis fiscaux.
1) Une absence ou un faible niveau d�imposition.
2) Une libert� des �changes accompagn�e d�une monnaie liquide et solide.
Les devises de r�f�rence des paradis fiscaux sont tr�s souvent les
devises fortes du commerce international (dollar, euro, livre).
3) Un secret bancaire et un secret commercial in�branlable (un �paradis
bancaire�).
4) Un secteur financier tr�s d�velopp� par rapport � la taille du pays
ou la dimension de son �conomie.
5) De bonnes infrastructures de communication et de transport. Un bon
paradis fiscal dispose d�un a�roport international ou d�un acc�s facile
par la route.
6) Un tr�s faible maillage de conventions fiscales. (Cf. Thierry Cretin
: Les paradis fiscaux in la revue Etudes 2009/11).
Pour mieux cacher et �prot�ger� le b�n�ficiaire, les paradis fiscaux ont
une premi�re parade : le secret bancaire. Mais pour assurer une parfaite
discr�tion, il faut d�autres �l�ments et notamment la dissociation de la
personne physique de la personne morale dans le but de rompre la cha�ne
de la tra�abilit�. La technique juridique utilis�e alors est celle de la
soci�t� ��cran� dont la finalit� est de masquer la r�alit� �conomique.
Ces soci�t�s sont le plus souvent mises en �uvre pour contourner ou se
soustraire � une obligation, pour leurrer l�entourage (clients,
cr�anciers publics ou priv�s et jusqu�aux associ�s eux-m�mes). Bien
�videmment, se pose ici la question de l'illic�it� car il faut bien
admettre que la soci�t� simul�e constitue le premier pas vers la soci�t�
frauduleuse. Les paradis fiscaux h�bergent environ 2 millions de
soci�t�s �crans. Globalement, en 1997, les actifs d�pos�s et g�r�s par
les paradis fiscaux �taient de l�ordre de 4 500 milliards d�euros, en
2000, ils �taient d�environ 6 000 milliards et en f�vrier 2009, le
magazine fran�ais Le Point les chiffrait � 10 000 milliards. Les paradis
fiscaux offrent aux grands trafiquants internationaux un endroit o� ils
sont mis � l�abri de s�expliquer sur l�origine de leurs richesses, o� on
met � leur disposition les moyens juridiques d�occulter l�identit� des
b�n�ficiaires �conomiques, o� ils peuvent �tablir de multiples fusibles
qui emp�chent de remonter � l�origine des mouvements de fonds et aux
commanditaires. Les paradis fiscaux sont aussi, en un mot, des paradis
judiciaires. Quel avenir pour les paradis fiscaux (PF) Le sort des PF
est li� � celui du capitalisme financier. Si le doute est grand de voir
celui-ci profond�ment r�form� et encore plus dispara�tre, il est clair
que les PF ont encore de beaux jours devant eux. Aujourd�hui, deux
th�ses s�affrontent : celle qui d�fend la n�cessit� d�une action
vigoureuse contre les PF afin de permettre aux Etats de percevoir le
maximum d�argent pour les politiques sociales (il faut savoir en effet
que les paradis fiscaux sont tr�s souvent des enfers sociaux). La
seconde th�se est celle qui d�fend le principe de la taxation minimum et
de la limitation de la tendance naturelle des Etats � l�imposition
toujours plus importante. Il faut bien souligner pourtant qu�en
�chappant au contr�le des Etats, les paradis fiscaux (PF) limitent
d�autant les moyens d�action de ceux-ci. Pour conclure, on peut observer
que la probl�matique des PF est complexe. Elle touche au nerf de
l��conomie, l�imp�t �tant le moyen privil�gi� des Etats pour agir sur
celle-ci. De plus, cette th�matique des PF recouvre des r�alit�s
diff�rentes qui se superposent et o� s�entrem�lent les avantages d�une
fiscalit� douce, la s�curit� du secret et l�opportunit� du blanchiment.
Il faut bien rappeler que la crise financi�re de l�automne 2008, qui a
d�stabilis� l��conomie mondiale par des m�canismes tout proches de
l�escroquerie, a �t� favoris�e aussi par les paradis fiscaux qui ont
largement facilit� la circulation de la bulle financi�re.
A. B.
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