Le Soir des Livres : BENJAMIN STORA AU SOIR D�ALG�RIE :
La France ne veut toujours pas regarder en face son histoire coloniale


Le Soir d'Alg�rie: Cette histoire de l'immigration alg�rienne en France est parue une premi�re fois, en 1992 chez Fayard, sous le titre Les Immigr�s alg�riens en France. Pourquoi cette r��dition presque vingt ans plus tard ?

Benjamin Stora : Ce sont les �diteurs qui d�cident d'une r��dition en fonction des demandes, en rapport avec des situations particuli�res. Au d�but des ann�es 1990, l'histoire de l'immigration alg�rienne int�ressait peut-�tre moins en France. Vingt ans apr�s, les jeunes ont envie de conna�tre le destin de leurs grands-p�res. Il existe une exigence, un d�sir de s'inscrire dans une filiation. La soci�t� fran�aise a chang�, elle se montre beaucoup plus attentive aux origines, aux cultures diff�rentes. Et les gens qui appartiennent � des communaut�s particuli�res sont, eux aussi, beaucoup plus attach�s � leur propre histoire personnelle. J'ai �t� sollicit� par Hachette qui a jug� bon de remettre sur le march� ce type d'histoire. Donc, il existe forc�ment des demandes.
Dans la pr�histoire de l'immigration alg�rienne en France, vous mettez en �vidence le r�le des caf�s dans la gen�se du mouvement nationaliste. Quel est pr�cis�ment ce r�le ?

Dans l'histoire g�n�rale de l'immigration en France, et pas simplement dans l'immigration alg�rienne, les caf�s ont toujours rempli ce r�le de brassage social, de circulation, de lieu de rencontres. Cela a �t� le cas pour les Bretons, les Auvergnats, ce que l'on pourrait appeler l'immigration int�rieure en France. Cette tradition du caf�, comme une sorte d'agora publique, s�est enracin�e dans une histoire longue. Les Alg�riens ont poursuivi cette tradition. La premi�re fonction du caf�, c'est le rapport direct au travail. On va au caf�, car il est proche de l'usine. La r�gion parisienne, la r�gion lyonnaise, l'est de la France, le Nord, � chaque fois que se d�veloppe une implantation industrielle, on trouve une pr�sence importante de caf�s. On y d�jeune le midi, on y retrouve les camarades de l'atelier. Le caf�, c'est aussi la possibilit� de trouver un logement par les gens qu'on y rencontre. Un logement au-dessus du caf�, ce que l'on appelle le caf�-h�tel. Troisi�me fonction, le caf� est le lieu o� l'on discute politique. On y rencontre des compatriotes qui viennent d'autres r�gions, d'autres usines. C'est un lieu de circulation de la parole libre. C�est aussi le lieu de la r�union politique ou bien de la pratique religieuse. Il remplit ainsi �norm�ment de fonctions. Logement, travail, politique. Ce qui explique l'importance strat�gique du caf� dans l'histoire politique que l'on retrouvera ensuite pendant la Guerre d'Alg�rie, dans les ann�es 1950. D'ailleurs, les deux principales organisations alg�riennes, FLN et MNA, vont se livrer bataille pour le contr�le des caf�s. Qui contr�le le caf�, contr�le le quartier car � travers un caf�, on est au courant de ce qui se passe dans le quartier. Donc, la �ma�trise� des caf�s, leur encadrement, sont essentiels dans toute l'histoire de cette immigration, pratiquement jusqu'aux ann�es 1980. Pendant cinquante ans d'histoire, le caf� a rempli cette fonction. Ensuite, il d�cline comme tous ceux du pays. En l'espace de vingt ans, ils ont disparu. D'autres lieux de sociabilit� possibles sont apparus, Internet, Facebook... Une autre fa�on de faire de la politique �merge, de se rencontrer, qui provoque un affaiblissement du r�le du caf�. Dans le mouvement ouvrier de fa�on g�n�rale, le caf� a jou� le m�me type de fonction. L'immigration ouvri�re n'a pas �chapp� � cela. On peut faire l'histoire politique ou une g�ographie politique de l'implantation de l'organisation nationaliste alg�rienne � travers les implantations de caf�s.
Vous soulignez l'histoire conflictuelle entre la gauche fran�aise et le mouvement nationaliste. Comment les militants sont-ils pass�s d'une conception avant-gardiste de la lutte, sous l'influence du PCF, � un engagement nationaliste de type traditionnel ?

L'influence du parti communiste dans les ann�es 1920 �tait forte. Parti anticolonial � l'�poque, son influence dans le milieu des colonis�s a �t� d�terminante. Les premiers travailleurs immigr�s coloniaux se sont �veill�s � la politique par les mots d'ordre anticolonialistes lanc�s par le parti communiste, faisant r�f�rence � l'Indochine, � la Syrie, au Liban, � la Guerre du Rif avec la r�volte d'Abdelkrim 1924-25. Le parti communiste va recruter, � la fois, des ouvriers chinois, indochinois, marocains ou alg�riens. Ils vont assister aux r�unions, certains adh�rer au PCF. Cette influence n'est pas seulement id�ologique, elle va �galement s�exercer sur le plan organisationnel, se propager sous la forme des structures mises en place par le parti communiste. A l'�poque parti r�volutionnaire d'avant-garde, le PCF met en place des cellules dans une construction pyramidale sur le mode clandestin. Cette construction va influencer consid�rablement les premi�res organisations nationalistes alg�riennes, dont la plus c�l�bre est l'Etoile nord-africaine, dirig�e par Messali Hadj, lui-m�me pass� tr�s bri�vement par le parti communiste et qui va �tre marqu� durablement par ce type de structuration d'avant-garde. On ��duque� politiquement une avant-garde qui, ensuite, s'adressera � l'ensemble de la classe ouvri�re, de la population, des pauvres, etc. Ce sch�ma l�niniste �tait tr�s puissant apr�s la Premi�re Guerre mondiale. Il existait � la fois cette r�sonance du socialisme et ce souci des nationalistes alg�riens de parler pour le plus grand nombre. Cela, on le doit surtout � la personnalit� de Messali, le leader charismatique de ces ann�es 1930 jusqu'aux ann�es 1960 et qui avait ce souci de ne pas rester confin� dans le cercle �troit de ceux qui apportent au peuple le savoir. Messali est un homme du peuple qui a le souci de trouver les mots qui touchent le plus grand nombre, ce qui passe bien s�r par la langue arabe. C'est un tribun populaire de langue arabe avec ce paradoxe que, dans les ann�es 30, la majorit� des immigr�s alg�riens vivant en France sont des Kabyles. C'est ce paradoxe qui fait qu'il y a � la fois cette volont� de parler au plus grand nombre par la langue arabe dans une situation o� il y a beaucoup de Kabyles. D'ailleurs, si les Kabyles �taient majoritaires � 80 % dans cette population ouvri�re des ann�es 30, l'id�e nationale �tait, � ce moment, plus forte que la sensibilit� identitaire particuli�re kabyle. Le r�glement de la question coloniale emportait de loin l'adh�sion de tous, ind�pendamment des clivages r�gionaux. Ce ne sera plus vrai � la fin des ann�es 1940, puisque 1948-49, conna�t une crise importante. Mais, quand le mouvement national d�marre � la fin des ann�es 1920, la dimension unifi�e de la nation l'emporte, la sensibilit� particuli�re kabyle n'est pas exprim�e de mani�re �vidente. Elle est latente, mais elle n'est pas le moteur principal du rassemblement national, sinon Messali n'aurait pas pu �tre le leader incontest� dans une immigration alg�rienne ouvri�re majoritairement kabyle.
Comment le nationalisme d'avant-guerre conciliait-il son refus de l'assimilation et l'adoption des valeurs de la R�volution de 1789 ?

Cela est possible dans la mesure o� la question centrale est celle de la conscience nationale. Or, cette question ne peut s'exercer qu'en rapport avec l'application des principes �galitaires r�publicains, qui n'existent pas dans les colonies. Certains immigr�s alg�riens ont le sentiment que la France qu'ils �vivent� en m�tropole n'est pas la m�me que la France qu'ils vivent dans les colonies, une France de pr�pond�rants, de colons, de privil�gi�s. Une France qui m�prise les droits fondamentaux. Le mot d'ordre de la double France appara�t, un pays qui proclame des id�aux de libert�, de fraternit� et un pays qui opprime, pratique le racisme, la s�gr�gation. Sur le plan politique, �merge la volont� d'opposer une France qui �mancipe � une France qui opprime. Cela fait partie du jeu politique, mais dans une conviction enracin�e que l'Ind�pendance de l'Alg�rie est n�cessaire, in�luctable.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, comment expliquer le glissement de certains ind�pendantistes vers la collaboration avec le nazisme ?

Le principe, en forme de proverbe, qui s�impose dans les esprits est le suivant : �Les ennemis de nos ennemis sont nos amis.� C'�tait la pr�occupation principale de certains militants alg�riens, d'ailleurs �loign�s de la gauche fran�aise traditionnelle. Il faut bien pr�ciser qu'� l'�poque de l'effondrement de 1940, une petite partie aussi de la gauche fran�aise a vers� dans la collaboration. Des d�put�s socialistes ont vot� les pleins pouvoirs � P�tain. Certains dirigeants du parti communiste n�gocient avec les autorit�s allemandes la reparution l�gale de L' Humanit� dans l'�t� 1940. Une partie de la gauche fran�aise est pass�e du pacifisme int�gral � la collaboration. Les militants alg�riens qui suivaient cette gauche-l� n'ont pas �chapp� � ce mouvement de bascule, certains ont aussi vers� dans la collaboration. Mais, sous l'impulsion de Messali Hadj, la majorit� des militants politiques alg�riens ont refus� la collaboration, d�s 1940, et ont pr�f�r� rester ancr�s dans un camp d�mocratique. Ce choix historique de Messali a permis au mouvement nationaliste alg�rien de sortir indemne de la Seconde Guerre mondiale, car une partie de ses dirigeants avait choisi la collaboration. Le prestige personnel de Messali et son choix d'appartenance au camp d�mocratique r�publicain, contre les puissances de l'Axe, a permis, d'autant plus facilement, l'effacement des pratiques collaborationnistes dans les ann�es 1940-1943. Apr�s 1943, la plupart des hommes politiques, alg�riens et fran�ais, sont pour la r�sistance et contre le r�gime de Vichy, tout le monde se retrouve du c�t� des Alli�s. De m�me, la direction nationaliste alg�rienne s�adapte � la nouvelle donne, en rapport avec la pr�sence am�ricaine en Alg�rie, la prise de pouvoir de Charles de Gaulle � Alger.  Mais l'effondrement militaire fran�ais, en juin 1940, a laiss� des traces. Pour beaucoup de nationalistes au Maghreb et au-del�, c'�tait la d�monstration que la France �tait fragile et qu'elle pouvait �tre renvers�e. Le choc est immense chez les peuples colonis�s et, bien s�r, chez les militants anticoloniaux. La d�faite fran�aise de 1940 a �t� vue aussi comme un encouragement au nationalisme politique qui existait dans les ann�es 1940-1941.
Aujourd'hui encore on parle peu de la participation des Alg�riens � la r�sistance. Comment expliquer cette impasse ?

Au moment de l'exode des populations fran�aises, la plupart des ouvriers alg�riens ont quitt� la France. Ils ont rembarqu� � Marseille. Il y avait 80 000 Alg�riens en France en 1939 et plus de la moiti� sont rentr�s en Alg�rie. Parmi ceux qui sont rest�s, un peu moins de la moiti� d'entre eux ont �t� affect�s � la construction du mur de l'Atlantique, entre 1940 et 1942. Il ne restait plus grand monde dans les usines de m�tallurgie de la r�gion parisienne. Les maquis, sur le plan politique, �taient organis�s essentiellement par deux courants, le courant gaulliste et le courant communiste. Le premier �tait totalement inconnu dans les milieux alg�riens, il appartenait � une certaine classe sociale fran�aise. Le monde communiste, quant � lui, �tait en opposition tr�s violente avec les nationalistes alg�riens. Avant 1939, la plupart des responsables communistes �taient oppos�s � l'ind�pendance de l'Alg�rie et ils suspectaient les nationalistes alg�riens d'�tre du c�t� de Doriot, le transfuge passant du PCF au fascisme. Ils les traitaient de fascistes. De ce fait, pour un Alg�rien ouvrier, entrer dans un maquis dirig� par les communistes, c'�tait un peu comme les trotskystes fran�ais qui refusaient de monter dans des maquis dirig�s par des staliniens, de peur de se faire ex�cuter. Donc, cette dimension forte de l'affrontement id�ologique entre nationalistes et communistes explique aussi le niveau de participation relativement peu �lev� dans la r�sistance officielle jusqu'en 43. Les nationalistes alg�riens font confiance � leur propre force. Ils sont pour l'Ind�pendance et ils savent que les communistes ne sont pas pour l'ind�pendance. La r�sistance fran�aise pensait � la pr�servation de l'Empire, les trois couleurs, la sauvegarde de la France. Il y avait une part de nationalisme fran�ais dans la r�sistance fran�aise. La seule place �tait d'�tre communiste dans la MOI. L'affiche rouge, ce sont tous des militants de la jeunesse communiste. Or pour un Alg�rien en 1942 et 1943, comment �tre communiste alors que pendant les dix ann�es pr�c�dentes, ce ne furent que des affrontements id�ologiques tr�s forts. Lorsqu'a �t� proclam� le PPA � Nanterre, le 11 mars 1937, imm�diatement l' Humanit� a fait campagne sur le th�me PPA cousins germains du PPF de Doriot. Le Parti communiste fran�ais avait plus que de la m�fiance � l'�gard du PPA. L'inverse �tait aussi vrai. Les ph�nom�nes de r�sistance sont plut�t le fait d'individus qui ne sont pas organis�s et qui ont jou� des r�les relativement importants dans tel ou tel maquis, � la Mosqu�e de Paris, mais, � ma connaissance, il n'y a pas eu d'engagement en tant que tel d'une communaut� ou d'un groupe politique alg�rien dans la r�sistance.
Quelle a �t� la place r�elle de l'Islam dans le mouvement ind�pendantiste ?

Elle est r�elle, mais pas aussi importante qu'on voudrait le croire aujourd'hui. Beaucoup de ces Alg�riens militants, ouvriers, nationalistes ont des pratiques religieuses tr�s d�tach�es par rapport � l'orthodoxie traditionnelle. Beaucoup vivent en m�nage avec des Fran�aises. Plus de la moiti� des dirigeants de L'Etoile nord-africaine vivent avec des Fran�aises, pratiquent une religion, je dirais, tr�s la�que. On n'est pas dans un mouvement radical, religieux avec une observance, une contrainte. Chacun est libre de pratiquer la religion comme il l'entend. Cela va se durcir pendant la Guerre d'Alg�rie. ` Le rapport � l'Islam est davantage un rapport d'instrumentalisation nationaliste qu'un rapport de conviction orthodoxe. D'ailleurs, ceux qui vivaient en Alg�rie se m�fiaient des militants �migr�s parce qu'ils �taient suspects d'�tre europ�anis�s, subissant trop la la�cit�, en particulier. Mais la plupart se vivaient bien �videmment comme musulmans.
Vous faites le parall�le entre les revendications des Beurs et l'histoire militante de leurs parents. O� se situe la jonction ?

Ce que l'on a appel� les Beurs, ce sont les enfants de cette g�n�ration militante arriv�e en masse en France apr�s la Seconde Guerre mondiale et qui a v�cu la Guerre d'Alg�rie, le racisme au quotidien, les pers�cutions polici�res. Ces enfants, dans les ann�es 1970, d�but des ann�es 1980, ont eu le sentiment de la r�p�tition du rejet. Ils ne voulaient pas revivre l'humiliation v�cue par leurs p�res. Il y avait m�me, pour certains, cette volont� de revanche. C'est donc un sentiment tr�s fort qui a commenc� � habiter beaucoup de jeunes hommes et femmes � la fin des ann�es 1970, en France, lorsqu'ont �clat� les crimes racistes, les arrestations arbitraires, etc. La France des ann�es 1970 �tait une France tr�s dure sur ce plan, avec beaucoup d'engagements militants, les gr�ves d'ouvriers, d'immigr�s, la multiplication des bavures polici�res. Le souvenir de la Guerre d'Alg�rie �tait tr�s proche dans la m�moire de ces enfants qui avaient 20 ans � cette �poque-l� et qui se sont lanc�s dans la construction d'une fronde politique, citoyenne, � travers Radio Beurs, la marche des Beurs de 1983, etc. Il y a eu toute une effervescence avec cette volont� que soit mis fin � ce souvenir traumatique des pers�cutions de la Guerre d'Alg�rie subies par les p�res. Cette volont� de justice par rapport � ce qu'avaient v�cu les parents. Il y a eu cette volont� de savoir, ce retour sur la p�riode de la guerre, avec � la m�me �poque, la jonction avec, la cause palestinienne. Deux causes li�es. La manifestation du 17 octobre 1961 comme symbole de cette humiliation, de cette pers�cution, a �t� au c�ur de ce retour du souvenir. Ce qui a donn� naissance � toute une s�rie d'associations comme Au nom de la m�moire, avec Medhi Lallaoui dans les ann�es 1980. Le retour de la m�moire de la Guerre d'ind�pendance et de l'immigration est revenue tout au long de ces ann�es 1980 et ce n'est pas un hasard si j'ai soutenu ma th�se d'Etat en 1991, au c�ur donc de ces batailles de retour de m�moire. Le travail d'historien ne peut pas �tre s�par� des enjeux politiques du moment. Les enjeux politiques de cette �poque �taient de se rapproprier cette histoire.
O� en sommes-nous trente ans plus tard, quelles perspectives pour cette immigration ?
En vingt ans, il y a eu un d�veloppement du processus migratoire. La trag�die alg�rienne des ann�es 1990 a pes� sur la soci�t� alg�rienne. Mais la sortie de cette p�riode n'a pas permis le r�tablissement et le mouvement a continu�. Il y a aussi, sur le plan politique, cette sensation de perte d'espoir. Ce ne sont pas n�cessairement les plus pauvres qui partent, il y a aussi des gens qualifi�s, des femmes, des personnes �g�es. On n'attend pas que les choses aillent mieux, on s'en va. C'est le sympt�me d'une crise de soci�t� dans une situation o� les fronti�res, en 20 ans, se sont ferm�es. L'espace Schengen existe depuis une vingtaine d'ann�es. Plus on ferme, plus il y a transgression, avec une aggravation de la crise �conomique en France et en Europe. Une nouvelle cat�gorie de migrants entre en concurrence avec les cat�gories plus anciennes. Il peut y avoir fracture entre les diff�rentes vagues migratoires. Du point de vue de la soci�t� fran�aise, je n'ai pas le sentiment qu'on ait fait un travail important sur l'apport de cette immigration alg�rienne, sur sa singularit�. On a l'impression que les Alg�riens ne veulent pas s'int�grer, on fait abstraction de leur histoire particuli�re qu'est l'histoire coloniale. On ne veut jamais la regarder en face, ce qui cr�e un foss� d'incompr�hension et on ne peut pas dire qu'en vingt ans cela se soit am�lior�. Le regard n'a pas forc�ment chang� malgr� toute les batailles des ann�es 1980, sur la citoyennet�. Il y a au contraire, d�bat sur �l'identit� nationale�, sur les exclusions, la d�finition d'une nation dans le rapport � l'exclusion de l'autre. La seule possibilit�, c'est d'essayer de transmettre cette histoire, donner ce savoir complexe qui permette d'att�nuer les barri�res de la peur.
Propos recueillis par Meriem Nour

Bio
Benjamin Stora est professeur des universit�s � Paris XIII et � l�Inalco. Il a publi� une trentaine d�ouvrages qui portent principalement sur l�histoire du nationalisme alg�rien, l�immigration et la guerre d�ind�pendance. Ses deux ouvrages r�cemment publi�s en 2009 sont : Le Myst�re de Gaulle, son projet pour l�Alg�rie (Ed Robert Laffont), et les Immigr�s alg�riens en France, une histoire politique (1912-1962), Edition Hachette litt�ratures.

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