Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Le football, entre Dieu et Iznogoud
Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com


Non ! Contrairement aux gens heureux montr�s et remontr�s par l'ENTV apr�s le match, je n'ai pas le c�ur � pavoiser. D'abord, parce que j'ai l'impression tr�s nette que les Fennecs sont tomb�s dans un guet-apens savamment pr�par�. Certes, l'�gypte �tait tr�s forte dans cette comp�tition, et je pense sinc�rement que c'est la meilleure �quipe d'Afrique � l'heure actuelle.
Seulement, l'�gypte ne se contente pas d'avoir d'excellents joueurs et un bon staff technique. Les dirigeants du football �gyptien savent pertinemment que cela ne suffit pas face � un adversaire aussi redoutable que l'Alg�rie. Nous connaissons aussi depuis toujours la r�putation sulfureuse de ces dirigeants, v�ritables Iznogoud(1) des coulisses de la CAF. Alors, en plus de leurs atouts propres, les �gyptiens ont fait jouer leurs relations et us� des petites combines habituelles. Leur premier exploit a �t� de faire d�signer pour ce match le pire arbitre qui puisse se trouver en Afrique, et mieux encore, de nous le faire accepter. Car personne ne pouvait dire, � la veille de la rencontre, que Koffi Codjia �m�saventure� �tait un illustre inconnu. Il avait d�j� jou� deux sales tours � nos voisins tunisiens oppos�s au niveau des clubs � des formations �gyptiennes. Selon nos confr�res de Sport24.com, les Camerounais avaient �galement mis en garde le staff technique contre cet arbitre. C'est le �boy� des �gyptiens, et il ferait n'importe quoi pour les avantager. Qu'importe : sur la simple base de ses exploits avec la Tunisie, l'arbitre b�ninois aurait d� �tre r�cus�. Pourquoi n'a-t-on rien dit et rien fait c�t� alg�rien ?(2) Voil� qui est confondant. A moins d'imaginer que tout ce monde-l� �tait sur un nuage, ce qui emp�chait de voir la nu�e suspecte entourant M. Koffi Codjia. Ensuite, je n'ai pas pavois�, enfin, parce que non contents d'avoir magouill� et pris en d�faut l'ang�lisme alg�rien, les �gyptiens se sont acharn�s � enfoncer le clou. Le plus odieux, � ce jeu, est pour moi, le quotidien cairote Al- Destour. Sachant que Dieu, �Rabbina�, est � eux, et � eux seuls, les journalistes �gyptiens n'h�sitent pas � l'appeler au secours du vainqueur. �Le sort a voulu que nous puissions mesurer l'omniscience et la clairvoyance de notre Dieu, avec la miraculeuse qualification de l'Alg�rie aux demi-finales. Il �tait �crit qu'ils seraient battus par l'�gypte, que pouvions-nous y faire ? Ainsi est leur destin�e ! Dieu a voulu que les masses �gyptiennes descendent dans les rues, deux mois apr�s le "malheur sportif", apr�s le revers d'Omdorman, et la non-qualification pour le Mondial. Car les masses qui ont envahi les rues (et nous avec elles) avant que l'extraordinaire arbitre Koffi Codjia ne siffle la fin de la partie, ne l'auraient pas fait en si grand nombre. Elles n'auraient pas envahi les rues avec de telles proportions, m�me si nous avions remport� la Coupe d'Afrique pour la troisi�me fois cons�cutive. Les gens ont veill�, dans� jusqu'� l'aube dans les rues d'�gypte et de certains pays arabes. Il y avait en eux un volcan de col�re qui aurait fini en catastrophe s'il n'avait pas explos� lors d'une rencontre historique o� les joueurs �gyptiens se sont jou�s de leurs adversaires alg�riens. A tel point qu'il ne restait plus � Mohamed Zidan qu'� grimper dans les tribunes pour dribbler les spectateurs, apr�s avoir us� tous les adversaires sur le terrain�. Le journaliste voudrait bien finir sur une note plus diplomatique, mais chassez le naturel... : �Chacun des peuples a maintenant r�alis� ce qu'il d�sirait. L'Alg�rie a acc�d� � la Coupe du monde et l'�gypte lui a donn� une le�on de football qu'elle n'oubliera pas. Ainsi, l'�gypte ira en finale de la Coupe d'Afrique contre le Ghana. Le ma�tre (Shehata) et ses enfants vont ouvrir l'universit� artistique et technique du football. Celui qui veut s'inscrire � cette universit� n'a qu'� appeler au num�ro 1, 2, 3, 4... Mais tr�ve de moquerie, c'est quand m�me un peuple fr�re.� Apr�s avoir lu �a, et bien d'autres textes cauteleux, du m�me style revanchard, on a h�te de rejouer le match d'Omdorman. Au passage, j'apprends que les deux fils Ala et Djamel Moubarek avaient recrut� 1 200 mercenaires, ou gardes du corps soudanais, pour assurer leur seule protection. Les deux h�ritiers et leurs proches, qui ont quitt� le stade bien avant le coup de sifflet final, ont ensuite regagn� Le Caire � bord de l'avion personnel d'un industriel, et parlementaire �gyptien, sp�cialiste des march�s douteux. C'est pourtant Ala qui avait d�clench� la campagne de haine anti-alg�rienne et appel� au lynchage. On sait aujourd'hui que le bruit et la fureur, entretenus pendant des semaines, ont servi au moins � quelque chose : la Fifa n'a toujours pas inflig� de sanction � l'�gypte pour l'attaque de supporters �gyptiens contre le bus de l'�quipe nationale au Caire. Et ne me dites pas encore que je suis contre le r�tablissement de l'entente fraternelle avec l'�gypte. Une entente que je vois plut�t comme un arrangement entre deux clans, sur le dos des deux peuples. Pour en revenir aux manifestations de rue, il y a, � mon avis, deux fa�ons de manifester sa vraie ou fausse joie : l�une contenue et digne comme � Alger, l'autre d�brid�e et violente comme � Marseille. De part et d'autre de la M�diterran�e, deux fa�ons diff�rentes d'�tre alg�rien, et surtout de l'exprimer. On dira encore que c'est une minorit� de trouble-f�tes qui a d�cid� de provoquer des incidents, mais o� �tait alors la majorit� � ce moment-l� ? Ce n'est qu'un d�tail, mais qui a son importance, parce que depuis quelques ann�es, on explique tout par ce �deus ex machina� : un groupuscule incontr�l�, une poign�e de fanatiques, etc. Il y a dans la France d'aujourd'hui des d�rives inqui�tantes qui tendent, selon moi, � stigmatiser souvent la communaut� alg�rienne ou d'origine alg�rienne. On en voit trop qui veulent �tre plus Alg�riens que les Alg�riens et plus musulmans que les musulmans. Cela ne s'arr�te pas � quelques �chauffour�es entre des jeunes, brandissant le drapeau alg�rien, et des policiers. Il y a d'abord et avant tout cette incroyable mansu�tude � l'�gard de groupes religieux fanatiques agissant au vu et au su de tous. Un imam tol�rant et ouvert, expuls� manu militari de sa mosqu�e par des jeunes fondamentalistes, ce n'est pas nouveau. Sauf que cela se passe aujourd'hui en France, un pays la�que, enlis� dans des d�bats byzantins sur les nuisances du voile int�gral. Un d�bat qui �touffe les voix de ceux qui continuent � s'�gosiller, en vain : �Attention, c'est comme �a que tout a commenc� en Alg�rie !�
A. H.
(1) Pour les non-initi�s, Iznogoud est un personnage de bande dessin�e, c'est le grand vizir qui veut devenir calife � la place du calife. Il incarne le comploteur inv�t�r�, dont les conspirations se retournent d'ailleurs souvent contre lui. Ici, il a gagn� quand m�me une place en finale.
(2) Pour ne pas �tre en reste, et pour ne pas jouer les rabat-joie : merveilleux, sublime Sa�dane, je rends hommage � votre splendeur, � votre sens tactique, � vos dons de visionnaire, je m'incline devant votre g�nie cr�ateur, mais bougez de votre banc, nom d'une pipe ! Qu'on puisse vous voir !

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable