Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Le clan et l�argent de Sonatrach
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr


Dans la compromettante formule de Chakib Khellil, y avait-il simplement un lapsus r�v�lateur ou bien �tait-ce clairement un appel au secours ? Lorsqu�on est ministre d�une R�publique et que l�on s�exprime officiellement, le moindre propos engage votre sinc�rit� jusqu�� �tre d�bit� sur vos �non-dits�.
�Je ne me suis jamais senti vis� dans cette affaire, ni moi ni le clan pr�sidentiel�(1), disait-il aux journalistes qui l�interrogeaient. Une assertion dans laquelle le mot �clan� fait froncer les sourcils en haut lieu. De par sa connotation p�jorative, il est peu recommandable � l�usage, notamment quand il s�agit de d�fendre la chose publique et de se pr�valoir des servitudes de l�Etat. De m�me que le terme �coterie�, avec son odeur de souffre, est interdit dans le lexique des hommes de pouvoir, celui-l� est franchement banni de leur vocabulaire par la traditionnelle hypocrisie de la politique. Or le contexte dans lequel ce ministre a eu recours � ce vocable constitue un impair significatif. L�opinion, qui n�est pas aussi assoupie qu�il se dit, a tout de suite not� cet �cart de langage. Elle, qui sait parfaitement ce que le tribalisme peut valoir d�avantages � ceux qui le cultivent, a d�sormais sous les yeux une illustration vivante et agissant. Car au-del� de l�interpr�tation s�mantique des paroles de ce ministre, n�y aurait-il pas quelques allusions de sa part ? Le clan, cette loge quasi ma�onnique �difi�e sur une certaine id�e du bouteflikisme, est, cette fois, cit� en tant que tel. Sans euph�misme, sans paraphrase ni jargon d�appareils. Le vocable est bref dans son orthographe mais lourd de signification de la part de celui qui l�a usit� sciemment par une sorte de transgression d�une omerta. Pris dans la temp�te d�un scandale national, ce membre influent du r�gime exige implicitement la rescousse de l�ensemble des pr�toriens. Comme s�il d�sirait � la fois b�n�ficier de leur solidarit� et dans le m�me temps les convaincre que les r�v�lations sur l�affaire Sonatrach ne causeront pas seulement sa propre perte. Bien plus qu�un plaidoyer pro-domo, il adresse un message crypt� au premier cercle qui serait tent� de le sacrifier pour la grande cause collective. Ne se contentant pas de mettre en garde la �famille�, il se fait �galement procureur de la presse et des experts qui se sont exprim�s. Tous complices, selon lui, par leurs �interf�rences� (sic) dans la s�r�nit� de la justice. Un d�lire de plus, �videmment. Comme si le devoir du journaliste n�est plus de poser des questions et surtout d�exiger des r�ponses mais d�escamoter les turpitudes des puissants. Quant aux sp�cialistes dont il fustige l�opportunisme, comment peut-il oublier qu�ils eurent trop de fois raison contre sa politique �nerg�tique mais, h�las, furent �cout�s bien tard. En effet, lorsqu�en la circonstance, il met de l�ironie � brocarder l�analyse d�un ancien vice-pr�sident de Sonatrach (�tout le monde conna�t Chakib Khellil mais qui parmi vous conna�t Hocine Malti ?�, dit-il), peut-il en dire autant de Ghozali lorsqu�en octobre 2002, celui-ci instruisit le proc�s d�un certain� Chakib Khellil qui s�appr�tait � brader la souverainet� �nerg�tique de l�Alg�rie ? L�homme qui l�avait violemment critiqu� � cette �poque n��tait pas un illustre inconnu. Aussi lorsqu�il est parti en croisade contre ce qui allait se commettre � travers la loi que pr�parait l�actuel ministre, il se retrouva presque seul. Aussi avait-il fallu attendre l��t� 2006 pour que le chef de l�Etat admette l�immense erreur et abroge un texte dont ce ministre en a �t� l�inspirateur, l�architecte et le promoteur. Etonnamment, le d�saveu du pr�sident de la R�publique ne lui fut pas pr�judiciable dans sa carri�re. Il garda son poste et la confiance de celui qui l�a d�sign� et pour qui il a pourtant �t� d�un mauvais conseil ! C�est dire que le ciment du �clan�, qu�il nomme d�sormais, est en b�ton. D�ailleurs, l�aplomb qu�il met � claironner son refus de d�missionner t�moigne de la protection politique dont il b�n�ficie. Alors que le faisceau des accusations converge sur son nom, il se refuse de s�expliquer sur le fond, faisant valoir son statut de ministre bien au-dessus des actes d�intendance. Un louvoiement avec la v�rit� du terrain qui ressemble � une maladroite d�robade quand la r�alit� est tout autre. Car il n�est un secret pour personne, aussi bien dans la sph�re politique que dans le milieu des affaires, qu�il exer�ait un contr�le �troit sur cet empire. L�affaire de Sonatrach n�est pas une banale question de corruption mais une atteinte au nerf vital du pays. Par ses nombreuses ramifications, il y en a une qui touche � la cr�dibilit� ext�rieure de l�Etat, affaiblissant ainsi ses capacit�s de n�gociations et d��change. Face � ce d�sastre majeur, le pr�sident de la R�publique, a-t- il encore le droit et la latitude d�observer une pareille r�serve ? La question est solennellement pos�e car dans la solitude de son magist�re, on peut s�imaginer qu�il est, ces derniers temps, un peu plus seul � juger, jauger et trancher. Or cette silencieuse attitude qui dure exasp�re aussi le pays. Il enrage que le plus officiel des officiels ne s�adresse pas � la nation. A force de nier certaines �vidences en se r�fugiant dans le mutisme, il pousse le pays � la d�pression. Certes tout pouvoir se con�oit initialement dans les coteries, mais il ne se l�gitime par la suite que dans le suffrage. Or, l�on ne gouverne bien et dans la dur�e qu�en mettant � l��preuve les hommes et les femmes � qui furent d�l�gu�s des charges et des missions. Parlez donc Monsieur le Pr�sident, l�Etat est litt�ralement en danger ! Etant au-dessus de tout soup�on, votre �clan� � vous n�est-il pas la communaut� nationale ?
B. H.
(1) El Watan du 3 f�vrier (p. 3)

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