Entretien : Nordine A�t Hamouda, justicier et impr�cateur ?
�Je ne pense pas �tre courageux, j�essaie juste d��tre honn�te�
Entretien r�alis� par Arezki Metref


D�put� RCD et vice-pr�sident de l�APN, fils du colonel Amirouche, Nordine A�t Hamouda a incontestablement gagn� un pr�nom. Ses interventions � l�APN, diffus�es par Internet, sont de v�ritables traitements de choc qui d�montent le r�gime en pi�ces d�tach�es. Lucides et courageux, pour beaucoup, provocateurs, pour quelques-uns, ses propos agacent ces derniers, d�stabilisent d�autres et vont droit au c�ur de tr�s nombreux Alg�riens qui ne manquent pas l�occasion de lui faire savoir combien ils lui savent gr� de dire tout haut, et � la face des gouvernants, ce qu�ils sont oblig�s, eux, la majorit�, de penser tout bas.

Orateur au langage direct et sans appr�ts, Nordine A�t Hamouda ne fait pas dans la dentelle, pas plus qu�il ne laisse indiff�rent. Avec des partisans acharn�s d�un c�t�, et des adversaires tenaces de l�autre, il ne sait pas susciter de positions m�dianes. Il est comme f�ch� avec le juste milieu. Ce fonceur sait surprendre. Cela a �t� le cas lorsqu�un d�put� s�en est pris � Hocine A�t Ahmed, profitant de l�impunit� dont il croyait b�n�ficier en l�absence de d�put�s du FFS. C�est Nordine A�t Hamouda, irrit� que des demi-soldes d�un syst�me de planqu�s s�en prenne � un homme de la stature du premier responsable de l�Organisation sp�ciale dans les ann�es 1950, qui se dressera pour d�fendre l�image d�un nationaliste avec les id�es duquel on peut ne pas �tre d�accord � un moment donn� mais qui ne m�rite pas ces attaques. Le d�put� du RCD rappellera � ce sniper surprot�g� qu�en d�fendant le pr�sident du FFS, il s�inspire aussi de cette vieille sagesse kabyle qui rappelle que �je n�aime pas mon fr�re, mais je n�aime que quelqu�un le frappe�. Son vrai combat � l�APN, c�est, au fond, de rappeler que le statut de d�put� est compl�tement expurg� de sa substance naturelle : la dignit�. D�put� depuis plus de 10 ans, il fait ce terrible constat. Du fait d�un syst�me de cooptation et de client�lisme qui passe par les urnes � double fond, l�APN est dans sa majorit� non pas soumise mais asservie au pouvoir politique au point de s�illustrer comme le seul parlement au monde � n�avoir jamais � mais jamais ! � refus� de voter une loi venant du gouvernement. Cela ne s�est jamais vu ailleurs ! Du coup, l�APN n�est m�me pas une chambre d�enregistrement puisque, dans celle-ci, il y a au moins l��cho qui peut �tre sur une autre port�e que la parole qu�il prolonge. Nivellement par le bas, formatage dans la production en s�rie, les d�put�s sont fabriqu�s � la cha�ne pour �tre interchangeables dans l��crasement. Sur les bancs d�une Assembl�e plurielle par souci d�un pluralisme de fa�ade, Nordine A�t Hamouda rappelle constamment � ses voisins de trav�es la longueur de la cha�ne qu�ils portent. Il s�en prend sans gants au syst�me qui, depuis 1962, se succ�de en tirant une l�gitimit� d�voy�e d�un mouvement national et d�une guerre de lib�ration bidonn�s comme de vulgaires choses. Le nombre impressionnant de faux moudjahidine, un autre record mondial, l��l�vation de la statue de h�ros � des personnages au pass� approximatif, sont autant d�arguments qu�il n�h�site pas � brandir pour surligner l��tat de d�liquescence morale qui favorise cette dissolution de toute valeur nationaliste dans les eaux troubles des int�r�ts imm�diats. Quelle utilit� peuvent, en d�finitive, avoir ses �lectrochocs ? S�ils ne ravivent pas l�expression d�mocratique et pugnace dans une Assembl�e hypnotis�e et consentante, ses prises de parole permettent de se souvenir que la position naturelle d�un d�put� est de se tenir droit, au moins pour ne pas contraindre la colonne vert�brale.
A. M.

Le Soir d�Alg�rie : C�est quoi un d�put� en Alg�rie ?
Nordine A�t Hamouda :
Il faut malheureusement reconna�tre qu�il y a une diff�rence �norme entre un d�put� alg�rien et ses homologues dans des pays d�mocratiques. Un d�put� est cens� �tre �lu d�mocratiquement. Il vote des lois et exerce un contr�le sur les activit�s du Gouvernement. Chez nous, aucune �lection n�est d�mocratique. Vous savez bien que le pouvoir a d�cid� que le RCD et le FFS auront toujours moins de 19 d�put�s car la Constitution exige d�avoir au moins 20 d�put�s pour avoir le droit de prendre des initiatives dans l�Assembl�e. D�s lors que l�opposition ne peut pas intervenir, le d�put� en Alg�rie est per�u comme un alibi du gouvernement qui agit � sa guise. Mais il faut aussi dire que le travail des d�put�s du RCD ne rencontre pas l��cho voulu aupr�s de ceux qui suivent la vie parlementaire. Pour ces observateurs, seuls les clans qui se disputent le pouvoir dans le cadre du syst�me en place doivent figurer dans la sc�ne politique. Alors, entre la fraude, qui r�duit consid�rablement le poids de l�opposition, et les observateurs, qui attendent de voir leur tuteur reprendre le dessus, le d�put� qui a arrach� son poste de haute lutte et qui joue son r�le comme nous le faisons au RCD n�a pas de chance d��tre entendu dans les canaux traditionnels. Voil� pourquoi nous pr�f�rons m�diatiser nos activit�s par notre site. Il faut rendre un grand hommage aux citoyens qui reprennent nos interventions et qui se les envoient par leur t�l�phone mobile. Des initiatives comme la v�tre sont salutaires mais exceptionnelles.
Avez-vous le sentiment que les Alg�riens connaissent bien ce qu�est un d�put� ?

Malheureusement non, car les Alg�riens dans leur majorit� n�ont pas acc�s aux d�bats de l�Assembl�e. Le ministre Khoudri vient m�me d�interdire la pr�sence des journalistes lors des d�bats en commission. Il faut aussi dire qu�ils n�ont de rapport avec leur d�put� que si celui-ci est capable de leur r�gler un probl�me d�ordre personnel. Or cela n�est qu�une partie de la mission du parlementaire. Pour voir ce que peut faire un d�put�, il faut pouvoir suivre ce que font les quelques d�put�s du RCD qui n��coutent que leur conscience quand ils interviennent. Or, je viens de le dire, pour la majorit� des observateurs, m�me quand ils ne sont pas directement dans le pouvoir, la vie politique ne doit pas sortir des clans du syst�me.
Politiquement parlant, l�Assembl�e dont vous faites partie est-elle r�ellement pluraliste ou alors la pr�sence de d�put�s d�autres couleurs politiques que celle de la n�buleuse de l�Alliance pr�sidentielle n�est-elle qu�une sorte de leurre ?
Il y a deux mani�res de voir les choses. Soit on se dit que le pouvoir est ferm� d�finitivement et alors seule la violence doit �tre utilis�e. Soit on se dit que la violence est la culture du pouvoir, qu�il n�y a pas de chance de sortir le pays de la crise en utilisant ses armes. Le FIS l�a essay� et on conna�t le r�sultat. Ce sont ceux qui ont bloqu� et ruin� le pays qui disent que si nous disparaissons, nous avons pr�par� pire que nous. A partir de ce moment-l�, il faut prendre ses responsabilit�s. Occuper le moindre espace dans les institutions pour porter la voix des justes en sachant que les d�put�s de l�alliance auront toujours la majorit�, qu�ils l�veront la main comme le faisaient les b�ni-oui-oui dans la m�me enceinte � l��poque coloniale. Dans cette p�riode de fuite et de d�mission, les citoyens savent que des d�put�s sont rest�s dignes et courageux, qu�ils ont d�nonc� le viol de la Constitution, la corruption, l�attribution occulte des march�s, la r�pression des travailleurs livr�s � un syndicat maffieux� Ce travail, nous le faisons car il faut prouver aux citoyens qu�il est possible de se battre. Cela est important car nous devons montrer � nos concitoyens que le jour o� ils pourront voter librement, c'est-�-dire que le jour o� des observateurs en nombre et en qualit� pourront emp�cher les voyous qui volent le peuple de bourrer les urnes, ils pourront avoir des d�put�s dignes de confiance. Mais je voudrais insister sur le fait que cette surveillance internationale est refus�e par beaucoup de gens qui sont aujourd�hui contre Bouteflika mais qui veulent que la fraude profite � leur chef de clan. Ces gens sont plus dangereux que tous les Bouteflika r�unis car ils trompent les Alg�riens en travaillant au maintien du syst�me sous couvert d�alternance.
Comment sont per�us les d�bats de l�APN ?
Les d�bats de l�APN sont ennuyeux. M�me avec sa majorit�, le pouvoir utilise souvent le recours � l�ordonnance non pas parce qu�il a peur d�un vote n�gatif mais justement pour �viter des d�bats o� nous pourrions intervenir pour d�noncer les abus et leurs cons�quences. Mais tout le monde attend avec impatience les interventions des d�put�s du RCD. La preuve en est qu�� chaque intervention d�un d�put� RCD, la salle conna�t un remou ou un incident d�audience.
Quelle est, en gros, la composante de l�APN en mati�re sociologique ? Qui sont, en fait, les d�put�s ?
D�une mani�re g�n�rale, la composante de l�Assembl�e couvre les client�les du syst�me qui s�vit depuis l�ind�pendance. Contrairement � ce que l�on a souvent dit, les crit�res de s�lection sont rigoureux. Il faut �tre corrompu ou soumis ou les deux pour �tre retenu. Dans le monde rural, les candidats se recrutent dans les r�seaux familiaux ou d�affaires. En ville, c�est plus instable car les chefs de clan qui se disputent la rente doivent tourner pour faire manger les troupes. Mais, globalement, on sait qu�il y a peu de femmes et peu de jeunes. Peut-�tre que ces groupes sont moins faciles � manipuler. Je vais vous dire quelque chose que tout le monde susurre en cachette mais qui va choquer les �observateurs�. Si on enl�ve le RCD et le FFS, la plupart sont d�accord pour attendre leur tour et profiter du pouvoir. En dehors de ces deux partis, je n�ai pas entendu des responsables s�engager et encore moins prendre un risque pour le changement de r�gime.
Y a-t-il un profil g�n�ral du d�put�, selon vos observations in vivo, et quel est le parcours type pour en devenir un ?

Il n�y a pas un profil g�n�ral du d�put�. C�est l�individu qui se met au service d�un chef de clan qui lui-m�me pr�te all�geance � des groupes occultes. Il assure de faire et de dire tout ce qui lui sera demand�, y compris de violer la Constitution. En retour, il peut commettre toutes sortes d�abus sans �tre inqui�t�. L�important dans le syst�me alg�rien est donc la loi du milieu. Nous avons au sein de l�h�micycle des analphab�tes jusqu�au professeur de m�decine (les analphab�tes se reconna�tront). Pour le RCD, nous privil�gions l�engagement politique et la loyaut� envers les principes et le programme du RCD. Malheureusement, m�me nous, nous ne sommes pas �pargn�s par les pressions ou les tentations. Il est tr�s dur de rester digne et honn�te dans un pays o� le pouvoir encourage depuis un demi-si�cle la corruption et la trahison. Cette situation rend encore plus grands ceux qui ont su r�sister dans un milieu aussi pourri. Pour r�pondre � votre question d�une mani�re simple, pour devenir un bon d�put�, il faut avant tout �tre un bon militant, loyal et convaincu.
Quel est le comportement type du d�put� lors des d�bats ? Propositions, contre-propositions, positions critiques, suivisme aveugle� ?

Dans leur �crasante majorit�, les d�put�s lors des d�bats sont d�un suivisme aveugle. Le summum du suivisme a �t� per�u par les Alg�riens lors du vote sur la r�vision de la Constitution qui a donn� la pr�sidence � vie � Bouteflika. Seuls les parlementaires du RCD ont vot� contre. Juste apr�s le vote, beaucoup d�entre eux sont venus me voir pour me dire : �Nordine, j�aurais voulu voter comme vous, mais moi j�ai des enfants � nourrir�, comme si cela pouvait justifier quelque chose. Ma r�ponse a �t� tr�s dure : �Je vous comprends, moi je n�ai que des caniches � la maison�. Vous pouvez voir sur notre site que nous interpellons les ministres � travers des questions �crites ou orales, que nous d�non�ons les d�rives de la loi de finances, que nous boycottons la pl�ni�re quand il y a violation des statuts� Naturellement le gouvernement ne r�pond pas en g�n�ral, mais l�important aujourd�hui est de dire que tous les Alg�riens n�ont pas d�missionn�. Il y a toujours eu des gens qui ont combattu pour la libert� et la dignit�. Mais il y a ceux qui militent pour faire aboutir un projet et ceux qui g�rent des carri�res. Quand on lutte pour l�int�r�t g�n�ral, c�est plus facile pour les autres g�n�rations de se battre.
Politiquement, l�APN vous para�t-elle utile � autre chose qu�� donner l�impression que le r�gime est parlementaire ?

Beaucoup d�amis nous posent cette question, et notre r�ponse est toujours la m�me. Oui, notre pr�sence � l�APN est utile, et, pour �tre provocateur, puis-je me permettre de vous poser cette question : et vous, et votre journal, ne donne-il pas aussi l�impression que le r�gime est d�mocratique ? Pour ma part, je suis de ceux qui pensent qu�il faut �tre dans toutes les institutions �lues pour porter la parole des d�mocrates, car c�est la seule voie pour faire reculer l�arbitraire. Il y a deux autres solutions : se taire ou prendre le maquis.
A combien revient le fonctionnement de l�APN � l�Etat alg�rien ?

Le budget allou� au fonctionnement de l�APN est de l�ordre de 50 milliards de centimes, m�me s�il n�est pas possible de chiffrer de fa�on pr�cise un tel budget car une partie est engloutie dans des d�penses non r�guli�res. Mais je vais vous dire : ce n�est pas le prix du fonctionnement d�un parlement qui doit poser probl�me si celui-ci joue son r�le correctement. Il n�y a pas de d�mocratie sans vie parlementaire s�rieuse. Il faudra un jour consentir � doter l�Assembl�e d�un si�ge digne de ce nom, avec des bureaux pour les d�put�s, pour leur permettre de recevoir les citoyens. Il faudra pr�voir un budget pour ouvrir des permanences parlementaires dans les circonscriptions et payer des assistants qui doivent rester � la disposition des citoyens pendant que le d�put� est � l�Assembl�e. Maintenant, pour le travail de caution que fait l�APN aujourd�hui, son co�t est inutile. Mais pour une v�ritable assembl�e, il en faudra sans doute bien plus. Mais une fois encore, c�est la libert� des �lections qui d�terminera la l�gitimit� de toutes les institutions. Pour nous, cela passe par une surveillance internationale massive et qualifi�e. Aujourd�hui, c�est � cette proposition que nous jugeons les acteurs politiques. Ceux qui sont contre la surveillance internationale des �lections ne sont que des exclus du syst�me qui veulent revenir pour bouffer et maintenir les choses en place, c'est-�-dire laisser le peuple dans la mis�re.
Pensez-vous que les d�put�s disposent de trop d�avantages imm�rit�s proportionnellement � leur mission ou non ?
Cela d�pend de ce que vous appelez des avantages imm�rit�s. Les d�put�s du RCD reversent une bonne partie de leur salaire � leur parti.
Venons-en � vous. Vous �tes le fils du Colonel Amirouche, et certains disent que cela vous procure une certaine immunit�. Que r�pondez-vous � cette lecture ?

Ceux qui pensent cela sont des ingrats, des taupes du pouvoir ou les deux. Ils connaissent mon parcours. Dois-je leur rappeler que j�ai connu des licenciements parce que, pr�cis�ment, en tant que fils du colonel Amirouche, je n�ai pas voulu me taire, et que j�ai connu les prisons de Tizi- Ouzou, de Blida, de M�d�a et de Berrouaghia. De vous � moi, connaissez-vous beaucoup de fils de h�ros de la lutte de lib�ration nationale qui ont mon parcours ? Peut-�tre que si j�avais une sabli�re, pris des milliers d�hectares, vol� des millions de dinars, alors ces gens trouveraient cela normal. Encore une fois, cela n�a �t� ni la culture de mon p�re ni la mienne. Et ceux qui disent cela sont en g�n�ral ceux qui ont particip� au traquenard qui a co�t� la vie � mon p�re au moment o� il se rendait � Tunis pour leur demander des comptes et surtout exiger qu�ils rentrent se battre au pays. Ce sont les m�mes qui ont s�questr� la d�pouille d�Amirouche pendant 20 ans sans �tre inqui�t�s qui trouvent anormal que je continue le combat de mon p�re. Mais les langues se d�lient, des t�moignages sortent. Non ! Pour �tre bien vu par le makhzen alg�rien, il ne faut surtout pas �tre le fils du colonel Amirouche qui s�est battu pour une Alg�rie qui est le contraire de celle d�aujourd�hui.
Vos interventions � l�APN, diffus�es par Internet, sont de v�ritables r�quisitoires du r�gime, de ses hommes surtout. Pourquoi ce ton ?

Quel ton voulez-vous que j�adopte avec un r�gime qui nous opprime depuis 1962 ? La situation est si grave pour le pays. L�Alg�rie est au bord d�une d�sint�gration sociale et peut-�tre d�une d�sint�gration tout court. Les citoyens qui m�nent depuis dix ans un combat contre le terrorisme sont humili�s. Ce r�gime a �d�mocratis� la corruption, et vous voulez que je sois serein ? Ce que j�ai dit lors de ma derni�re intervention � l�occasion du d�bat sur la loi de finances, je le pense sinc�rement : j�ai peur pour le pr�sent et l�avenir de mon pays. Avec ce r�gime, nous allons tout droit vers l�explosion de l�unit� nationale. J�ai bien peur que l�Alg�rie, telle que nous la connaissons, n�existera plus pour nos enfants. Et nous, nous n�avons pas de pays de rechange.
Comment ces interventions sont-elles re�ues par vos adversaires politiques ?

En g�n�ral et en priv�, les gens me f�licitent pour mon courage mais terminent souvent par une petite phrase : �Fais attention � toi, ces gens-l� sont capables de tout�. Dans le lot, certains sont sinc�res, d�autres ne sont que des �missaires de leur chef pour intimider. Mais il y a toujours, lors de mes interventions, le ministre charg� des Relations avec le Parlement, un homme assez peu recommandable et dont le pass� obscur est tr�s bien connu � Batna, qui manipule deux d�put�s de sa r�gion pour essayer de me d�stabiliser. Comme par hasard, ces d�put�s ont d�j� des dossiers au sein de la justice. Mais le probl�me, ce n�est ni ce ministre ni ces d�put�s. Le probl�me, c�est le syst�me qui a fait du premier un ministre et des deux autres des parlementaires alors qu�ils devraient �tre en prison.
Dans la rue, les Alg�riens viennent vous f�liciter pour votre courage. Que leur r�pondez-vous ?

Il n�y a aucun courage � avoir � parler dans son propre pays. Des citoyens � l�instar de Djaout sont morts pour avoir dit et �crit la v�rit�. J�avais du courage quand j�ai milit� en 1980 et que la police nous pourchassait, ou en 1985 quand j�ai �t� traduit devant la Cour de s�ret� de l�Etat, poursuivi de l�article 77 qui pr�voyait la peine de mort. En ce temps-l�, il est vrai qu�il fallait �tre courageux pour s�opposer au syst�me du parti unique. Dire la v�rit� actuellement, c�est juste �tre honn�te avec soi-m�me et avec ses �lecteurs. Je ne vois pas quel courage il faut avoir pour venir � l�Assembl�e parler, passer en direct � la t�l� et la fin du mois �tre pay�. Je ne pense pas �tre courageux, j�essaie juste d��tre honn�te.
Une des questions sur laquelle, � raison, vous ne laissez rien passer, c�est celle des faux moudjahidine et la falsification de l�histoire de la guerre de Lib�ration pour la r�cup�ration et la fabrication minute de h�ros. Cette question vous occupe-t-elle en tant que d�tournement d�un fondement symbolique ou en tant que manipulation politique ?

Les deux. Cette question est un fondement symbolique qui est sacr� pour moi. Mais nous savons tous que c�est sur cette question que le r�gime a fond� et voulu l�gitimer son existence. C�est depuis 1982 que j�essaie avec d�autres camarades de combattre la manipulation du pouvoir de ce dossier. Je voudrais faire au passage une petite remarque. Quand j�ai soulev� ce scandale � l�Assembl�e, ce fut un d�luge d�attaques. Quelques semaines plus tard, l�historien Mohamed Harbi intervient � Constantine pour dire la m�me chose, ce qui est tr�s bien, personne n�a rien trouv� � redire. Qui peut m�expliquer cette diff�rence de traitement ? Le pouvoir alg�rien, pour s�attaquer aux v�ritables fils de chahid, a cr�� de faux fils de chahid, qui, en plus, pr�sident ces associations. Pour s�attaquer aux v�ritables moudjahidine, il a cr�� de faux moudjahidine. Le pouvoir, pour s�attaquer aux v�ritables h�ros, a cr�� de faux h�ros. Boussouf et Boumediene, qui ont �t� les pr�curseurs de ce d�tournement, sont toujours prot�g�s et excus�s. Mais le peuple n�est pas dupe. Quand j�entends le chef de l�Etat annoncer qu�il y aura en Alg�rie une histoire officielle, j�ai froid dans le dos. Je vous parie un kilo de sardines � Bouharoun que dans les prochains livres on nous affirmera que les plus grandes batailles de la lib�ration nationale se sont d�roul�es au Mali. Vous savez, quand on d�tourne l�histoire avec tant d�acharnement, cela veut dire que l�on est capable de tout. C�est pour cela que, sur ce sujet, il ne faut jamais faire la moindre concession.
Quelle est, selon vous, l�image que les Alg�riens ont des d�put�s ?
L�image que renvoie le d�put� dans la soci�t� est globalement n�gative. Il est le reflet de cette majorit� de d�put�s arrivistes qui doivent tout � l�administration et qui sont surtout caricatur�s par les mains lev�es synonymes de soumission et d�asservissement aux parrains qui les ont d�sign�s. Triste record dans le monde, l�Assembl�e alg�rienne n�a jamais rejet� un quelconque projet pr�sent� par le gouvernement.
Je vous laisse le mot de la fin�
Dans ma derni�re intervention au sein de l�h�micycle, j�ai dit que nous sommes assis sur un volcan. Je le pense profond�ment. C�est pour cela qu�il est plus qu�urgent de trouver des solutions radicales et imm�diates � la crise de confiance qui r�gne dans notre pays. Dans le cas contraire, nous allons tout droit vers de graves probl�mes qui pourront hypoth�quer notre pr�sent, mais pire, m�me l�avenir de ce pays. Ce sera mon mot de la fin. L�Alg�rie, telle que nous la connaissons aujourd�hui, risque de ne pas exister dans un avenir proche.
A. M.

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