Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
� la Saint Valentin, on claque des dents !
Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com


A tout seigneur tout honneur, parce qu'il r�gne et gouverne, Sa Majest� Football, qu'il nous �pargne ses coups francs, et pas nets, et qu'il nous garde � jamais dans ses dix-huit m�tres. Le football, ce n'est pas le ping-pong, il contribue plus � diviser les peuples qu'� les rassembler. Il y a alors des guerres de tranch�es, via les cha�nes satellitaires, des proclamations vengeresses � la une� des journaux. Les joueurs adverses sont, soit des mercenaires sans foi ni loi, soit des starlettes effarouch�es, ou bien encore des monstres sevr�s aux st�ro�des.
Tel qui rit vendredi... Les �gyptiens nous ont battus par un score lourd, c'est incontestable, ils ont m�me d�cid�, en guise d'humiliation supr�me, que la voiture pr�f�r�e des Alg�riens �tait l'Audi pour son logo aux quatre z�ros. La vengeance est un plat qui se mange froid, et le �g�n�ral hiver� a �t� envoy� par la providence pour nous offrir notre �ni�me revanche. Les �gyptiens grelottent sous les rigueurs du �blitzkrieg � glacial de f�vrier. Que peut faire la cigale, pour affronter la bise ? Lorsque les bouteilles de butane sont vides, et qu'il faille d�sormais grelotter, apr�s avoir tant et si bien dans�. Comme tous les comploteurs qui se respectent, les �gyptiens n'ont pas h�sit� � accuser l'Alg�rie, principalement, et l'Arabie saoudite, accessoirement, de cette p�nurie de gaz mortelle. Des �meutes pour �la� butane au sang chaud ont m�me provoqu� la mort d'un �client�, dans la banlieue du Caire. Les dirigeants alg�riens qui jubilent sous leurs barbes, destin�es � conjurer les scandales, nient toute implication. Il para�t que les fournitures de gaz alg�rien ont �t� stopp�es uniquement en raison de factures impay�es. Comment peut-on verser un pot-de-vin (l'arbitre b�ninois n'est pas musulman) cash et oublier de payer le gaz du chauffage. La cigale d�chante, mais les Alg�riens, barbus par vocation ou par opportunisme, font des entrechats. Il y a des jours o� les malheurs des peuples en bute � l'�pre hiver vous r�chauffent le c�ur. Malheur aux vainqueurs qui ont oubli� que la voiture aux quatre z�ros consomme beaucoup d'essence d'amertume et d'huile de ranc�ur ! Vous avez dit complot ? Oui, c'est trop facile d'accuser autrui, mais je crois sinc�rement que la main de l'�tranger, l'Arabie saoudite exempt�e, est pour quelque chose dans les malheurs actuels de l'�gypte. Pour notre confr�re �gyptien, Selim Azzouz, il n'y a pas l'ombre d'un doute que la p�nurie de bouteilles de gaz fait partie de la troisi�me mi-temps du dernier match de football entre les deux pays. Le journaliste raconte, dans sa chronique de samedi dernier, sur le quotidien londonien Al-Quds, comment �sa� butane a rendu l'�me, et le dernier souffle, dans ses bras. Il en parle avec tant d'�motion qu'il rappelle l'histoire du trappeur de l'Alaska, trop press� de conclure, et qui a crev� sa poup�e gonflable. En d�pit du froid qui s'est empar� de lui, � cette perte irr�m�diable, Selim Azzouz a encore la lucidit� de voir les choses en face. Il est, a priori, acquis � l'id�e d'un �coup bas� des Alg�riens, pour refroidir davantage les relations entre les deux pays. Cependant, ajoute-t-il, on ne peut pas accuser l'Arabie saoudite de collusion avec l'Alg�rie, puisque le royaume a observ� une �neutralit� positive, lors de ces p�rip�ties footballistiques. Alors que l'�gypte exporte son gaz vers Isra�l, le peuple �gyptien claque et grince des dents. Si on avait amen� le gaz dans tous les foyers, la joie de la victoire (en football toujours) n'aurait pas �t� ternie par la p�nurie de bouteilles. Un homme comme moi n'aurait pas �t� r�duit � pleurer �l'ounbouba � (le f�t de butane en �gyptien), sa ch�re disparue. Il ne se serait pas retrouv� � chanter � l'agonisante la m�lancolique chanson de Fa�za Ahmed, Set-Alhaba�b-Ya- Habiba (traduire, c'est trahir). Selim Azzouz n'en oublie pour autant le reste de l'actualit� qu'il suit sur les �crans t�l�, avec des travelings-panoramas de chroniqueur introverti sur sa propre affliction. En quelques lignes, � balles r�elles, il trucide le chanteur Amr Diab pour avoir attribu� la victoire de l'�gypte � la dynastie Moubarek. Apr�s avoir envoy� au purgatoire un quarteron d'animateurs de t�l�vision, ainsi que leurs invit�s prolixes, mais incompr�hensibles, il referme la dalle avec cette conclusion : �Sol-air � L'animatrice libanaise Maria Malouf s'est engag�e avec la cha�ne satellitaire Al- Libya, et celle-ci a ferm�. Elle a ensuite pr�sent� un programme sur l'antenne de La M�diterran�enne (Al- Mutawassit), qui a cess� d'�mettre, au bout de quelques jours. Et voil� qu'elle signe un contrat avec la cha�ne �gyptienne Al-Mihwar. Que Dieu nous garde !�. Dans ce froid polaire, auquel des Alg�riens n'ont pas �chapp�, en d�pit de leurs r�serves de gaz, il y en qui recourent aux bonnes vieilles m�thodes pour se r�chauffer. La technique du baiser langoureux est de loin le meilleur adjuvant pour compl�ter ou compenser la chaleur ambiante. Le quotidien �gyptien Al-Destour a publi� la semaine derni�re, et en premi�re page, une photo �difiante � cet �gard. Elle montre le joueur vedette �gyptien, Mohamed Zidan (sans e), faisant une d�monstration de chauffage autonome, en compagnie de son amie allemande. �Quelques jours apr�s avoir embrass� la main du Ra�s, Zidan embrasse sa copine danoise Tchayna�, titre le quotidien. La photo qui a �t� reprise sur le magazine allemand Bild a soulev� une grande pol�mique en �gypte, autour de la l�galit� religieuse du baiser. Il y en a qui jonglent avec la religion et ses fruits d�fendus, comme ils jonglent avec leurs chaussures. Zidan, l'�gyptien � la religiosit� exacerb�e, n'h�site pas � faire une entorse � sa charia, lorsqu'il s'agit de femmes. L� encore, le football apaise bien des consciences : il suffisait de pr�ciser que Zidan est mari� avec Tchayna, selon les r�gles du missiar. Ce type d'union charnelle avait �t� d�clar� licite par le mufti d'Al- Azhar, faut-il le rappeler. Ce mariage permet, en effet, aux m�les adultes de poss�der (au sens complet du terme) une femme dans chaque port. Or, Dortmund, dont l'�quipe au sein de laquelle joue Zidan, a �t� battue samedi par le Bayern (merci Rib�ry), poss�de effectivement un port. Quant au mariage, dit du missiar, ou br�ve visite, il ne fait pas l'unanimit� chez les th�ologiens, y compris parmi les plus misogynes d'entre eux. Et, comme par hasard, c'est � la veille de la Saint-Valentin que des mesures �encadrant s�v�rement� cette pratique, de plus en plus r�pandue, ont �t� annonc�es dans le royaume. Ceci parall�lement � la campagne habituelle men�e par les th�ologiens du monde arabe contre la c�l�bration de la Saint-Valentin dans tout le monde arabe. Vendredi dernier, les imams de Ghaza ont consacr� leur sermon hebdomadaire � la stigmatisation de la f�te des amoureux. La Saint-Valentin est la f�te des m�cr�ants, et ceux qui y sacrifient se mettent en porte-�-faux avec l'Islam. Les musulmans n'ont que deux f�tes : l'A�d-alfitr et l'A�d-aldhha, ont-ils proclam�. Une fa�on de dire que les appels des tubes digestifs ont la primaut� sur les �lans du c�ur. C'est le message de ces pr�cheurs de haine au monde : nous, les Arabes, nous sommes faits pour ha�r, nous ne pouvons pas aimer parce que le monde entier est ligu� contre nous. On pourrait ajouter : �Mais nous n'avons pas perdu le sens du commerce.� Pendant ces discours, les roses de Ghaza affluaient par containers entiers vers les villes d'Europe, pour la Saint Valentin.
A. H.

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