
Vox populi : Et maintenant que vais-je faire ?
Je suis Algérienne âgée de 22 ans, j’ai soutenu l’été dernier ma thèse de fin d’études, et aujourd’hui, je suis «Ingénieure d’état»... Attention !! Non seulement, ingénieure mais encore d’Etat ya’nasse ... Euh, et ça veut dire quoi au juste ??? Dieu merci, je n’ai jamais raté d’année, j’ai eu tous mes examens du premier coup et avec de bonnes notes. En soutenant ma thèse de fin d’études, j’ai obtenu une très bonne mention. J’ai eu droit à des applaudissements, à des félicitations du genre «mabrouk aâlik, lakouba l’el magister ou doctorat inch’Allah», aux encouragements m’incitant à continuer mes études. Pourquoi m’arrêter là ? Je suis jeune, j’aime cette discipline et j’ai la volonté pour poursuivre le combat. Je me suis préparée pour l’examen qui allait se dérouler dans une école nationale, parce qu’en fait, à l’institut où j’étudiais, on se chargeait juste de la graduation. On forme des ingénieurs, on leur donne des diplômes, on les met dehors. Allez oust, débrouillez-vous les jeunes, vous êtes grands maintenant ! Du coup, on se retrouve tous dehors (les répétitifs et les studieux, les rachachines et les honnêtes, les pistonnés et les mahgourine, les débrouillards et les rakdines...) et chacun entame une nouvelle vie. Maâlinache. Enfin, bref. J’ai passé mon examen le plus normalement du monde ; en allant consulter la liste des admis, quelques jours plus tard, j’étais plutôt confiante. Quelle fut ma surprise en voyant mon classement, c’était vraiment frustrant. D’autant plus que je ne pourrai jamais connaître ma note ou revoir ma copie, ni même avoir le barème ou la correction de l’exam. Ce fut une grande déception... Maâlinache. Ensuite, je suis restée quelque temps à la maison, mais vous savez, les gens ne m’ont pas laissée tranquille. Au bout de deux mois, je ne voulais plus répondre au téléphone ou rencontrer les gens afin de m’épargner ces questions débiles : «Kech khedma ?», «wach t’as fini tes études ? Que compte tu faire à présent ?»...Maâlinache. Beaucoup de mes collègues, du moins les plus pistonnés et donc les plus chanceux d’entre eux, étaient déjà casés, alors j’ai décidé d’aller moi aussi chercher du travail. Mais où ? Comment ? Et chez qui ? Je ne savais pas ; donc je me suis rendue au fameux bureau de main-d’œuvre, armée de mon fameux diplôme. J’ai attendu près de deux heures avant de sortir avec la fameuse carte bleue... Oh my God. Quelques mois plus tard, le téléphone a sonné, au bout du fil, une fameuse voix m’a annoncé qu’il y avait peut-être un petit boulot pour moi ; une fois là-bas, j’ai dû attendre gentiment mon tour avec mes frères et sœurs chômeurs de tous les âges, de toutes disciplines... Maâlinache. On m’a proposé un poste de travail, comme convenu. Je me suis rendue à l’adresse du recruteur, il s’est avéré que c’est un monsieur qui travaille à son propre compte, autrement dit «un privé» ... oh la la, ça craint ! Déjà toute petite, j’entendais les gens parler d’un monstre n’ayant aucune pitié, faisant travailler les gens comme des esclaves, ce monstre n’était autre que «le privé». J’étais là assise devant ce monstre... euh pardon, je voulais dire face au monsieur ; après m’avoir posé quelques questions, mon futur patron a pris enfin la peine de m’expliquer le travail : «C’est simple tu travailleras de samedi à jeudi...» Ah bon ? ..Maâlinache. «Tu commenceras ton travail à 8 heures du mat et terminera à 5 h du soir...». Il est men niyetou ? Maâlinache, allez à mon tour de lui poser une question : au fait Monsieur le privé, pour le salaire, kifach ? Et de me répondre : «Ça aussi, c’est simple, yak c’est eux (bureau de main-d’œuvre) qui vont te payer...», Ah non... hna alina, rak merregtha, vous appelez les 12 000 DA une paie. «Alors je vous rajouterai 5 000 DA de ma poche, ça vous dit jeune ingénieure ?»... Non, ça ne me dit rien ! A vous d’en juger chers amis. Ingénieure algérienne indépendante
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