Réconcilier l'Algérien avec son
histoire authentique
Dans notre pays, même l'histoire n'a pas échappé à la manipulation
dogmatique. Elle a servi de moyen pour écarter un tel ou un tel.
L'histoire officielle, écrite aux frontières, a longtemps occulté la
mémoire de plusieurs braves hommes qui ont construit l'Etat-nation
algérien.
Une histoire officielle écrite sur mesure pour servir ceux
qui, au lendemain de l'indépendance, ont pris les Algériens, fauchés par
la première guerre, en otages sous la menace de leurs blindés. Des
révolutionnaires sont contraints de quitter le pays, faute d'espaces de
liberté et de liberté d’expression. Les exemples que vous donnez sur
l'intégrité de Boumediene cachent une réalité beaucoup plus dérangeante.
Il faudra probablement citer d'autres faits historiques, tels que
l'assassinat de Krim, Khider, Abbane, l'exil de Boudiaf (inconnus des
siens jusqu'en 1992). Le parcours d'un homme politique est une
succession d'éclats de réussites, d'échecs, de machinations politiques.
Seule l'histoire (critiques, pas celles des salons) saura dire les
bonnes et moins bonnes choses qui sont faites. J'ose espérer que ce
livre sera le premier d'une longue série d'autres qui saura réconcilier
l'Algérien avec son histoire authentique. J'espère qu'il lancera des
débats constructifs sur notre perception de l'histoire. La nostalgie
d'une époque n'a jamais été le garant d'une étude objective et critique
d'une histoire.
Je félicite Saïd Sadi pour cette initiative.
Ahmed
«Le monstre Boukharrouba»
«La stratégie de confiscation du destin algérien décidée et menée
par le clan Boussouf» : Sadi citera le recours de Boumediene à la mort
symbolique du héros de la Wilaya III par la séquestration de son corps,
avec cette métaphore qui résume l’acharnement qui a ciblé le colonel de
la Wilaya III : «Privé de vie par l’armée coloniale, Amirouche était
interdit de mort par Boumediene.» «Le silence des élites qui accompagna
la découverte de ce qu’il faut appeler une forfaiture annonçait la
dérive morale et le naufrage intellectuel dans lesquels se débat la
nation, un demi-siècle après son indépendance», ajoutera l’auteur pour
qui cette façon de concevoir notre histoire en projetant notre
responsabilité sur d’autres «a amplifié et compliqué les dérives qui
réduisent l’Algérie à un Etat virtuel, une société atomisée et une
nation en sursis, devenant, du même coup, une menace géostratégique pour
la Méditerranée occidentale et l’espace périsaharien.» Mais M. Sadi ne
connaît rien du clan d'Oujda de Boussouf qui commença par Abane Ramdane
et transmit ensuite le flambeau au monstre Boukharrouba qui, au-delà
Amirouche qui lui faisait peur même mort, ne s'arrêta devant rien pour
le pouvoir, tout le pouvoir et rien que le pouvoir en éliminant nos plus
grands héros vivants : Khider, Krim Belkacem, Chabou, Medeghri. Même
Slimane l'Assaut, qui passait son temps à trinquer dans les bars
d'Alger, lui fit si peur qu'il le fit balancer du haut d'un hélicoptère,
que même Bigeard ou Trinquier ne purent faire. Ce clan d'Oujda de
Boukharrouba est au pouvoir et même les langues de bois d'hier se sont
mises à le honnir maintenant.
M. Soltani, fils et frère des héros des Aurès
Réponse à M. Soltani
Avez-vous une seule preuve de ce que vous avancez comme accusations
très graves ? Nous avons donné hier deux exemples frappants qui
éliminent la thèse du soi-disant «penchant sanguinaire » de l’homme :
comment ce «monstre» peut-il laisser la vie sauve à l'homme qui lui a
tiré dessus ? Et comment cet «assassin» peut-il aussi laisser vivant un
président qu'il venait de destituer ? Certes privé de liberté, M. Ben
Bella peut néanmoins témoigner qu'il n'a jamais été l'objet d'un
comportement blessant ou revanchard. Feu le général Belhouchet, qui
s'occupait de sa détention, continuait de lui rendre visite en
l'appelant «M. le Président» et en veillant à ce que son séjour soit le
plus confortable possible... D'ailleurs, on ne dit pas assez le rôle
joué par ce général dans le mariage de M. Ben Bella avec Mme Sellami qui
vient de s'éteindre... Quant à la langue de bois, c'est aussi parfois la
langue de la fidélité à la Révolution et à sa seule matrice idéologique
: par le peuple et pour le peuple. Nous avons compris socialisme, vous
avez compris libéralisme. Nous avons compris industrialisation du pays,
vous avez compris exporter des légumes et importer des machines… Vous
noyez le poisson derrière cette appellation de «clan d'Oujda». Il y a
autant de différence entre la politique économique des années 70 et
celle d'aujourd'hui qu'il y a entre Tito et Bush! Il faudra alors
peut-être parler de deux «clans d'Oujda» pour satisfaire votre haine de
tout ce qui sent Boumediene. Quant à la comparaison avec Bigeard, vos
frères héros de la Révolution – nous nous inclinons à leur mémoire –,
apprécieront, de là où ils sont… Si je passe votre message, c’est que je
considère que, vous aussi, avez droit à exhiber votre «langue de bois».
Je vous assure que j’ai reçu ce matin des dizaines de lettres qui me
remercient d’avoir tenté de défendre la mémoire de Boumediene. Comme
j’ai écrit hier sur le sujet, je ne veux pas utiliser les colonnes de
mon journal pour présenter un seul point de vue. Nous acceptons la
contradiction et vos points de vue sont toujours les bienvenus. J’ai
répondu à M. Saïd Sadi avec politesse et tout le respect dus à sa
stature. Je n’ai pas le souvenir qu’un autre journaliste «indépendant»
ait affiché publiquement sa préférence pour le leader du RCD autant que
moi. Le slogan que nous avons choisi pour notre journal interdit toute
appartenance à un parti politique mais je vous assure que le jour où je
le quitterai (la retraite approche), j’irai au RCD s’il veut de moi. A
moins que les admirateurs de Boumediene n’y soient pas les bienvenus.
Mais, à cet âge-là, puis-je changer ? Je suis peut-être un imbécile qui
ne change pas et qui porte sa «langue de bois» comme une croix sur le
chemin de la nostalgie… Mais rassurez-vous, M. Soltani, dans peu de
temps, vous ne subirez plus mes écrits sur Boumediene… Et je crois même,
à lire toute notre presse, que plus personne ne parlera de lui en bien.
Ah, si, quand même, le professeur Chitour dans L’Expression!
Maâmar Farah