Le Soir d'Algérie

Les citoyens de Baghlia, à l’est de la wilaya de Boumerdès, en ont plus qu’assez des exactions qu’ils subissent de la part des islamistes armés, et ils ont franchi le mur de la peur pour protester publiquement.
Hier, ils ont fait de Baghlia une ville morte. Tous les commerces ont fermé. A l’initiative des membres de l’association locale des commerçants, les marchands venus la veille du jour du marché (lundi) installer leurs étals ont été priés de ne pas décharger leurs marchandises. Les fonctionnaires des P et T et ceux de la Recette des contributions ont également observé une journée de grève en signe de soutien à la population. Cette protestation citoyenne dénonce l’enlèvement d’un fellah, R. Mohamed, âgée de 30 ans, par les islamistes armés de la katibat El Ansar affiliée à El Qaïda Maghreb islamique. La victime, selon nos informations, est entre les mains des terroristes depuis 18 jours et ses ravisseurs auraient exigé 2 milliards de centimes pour sa libération. Deux vendredis de suite lors de la grande prière, l’imam de Baghlia a fustigé les ravisseurs : «Le kidnapping de citoyens pour exiger une rançon est contraire à l’Islam et c’est un acte criminel. L’enlèvement d’une personne n’a été édicté ni par Dieu ni par le Coran. C’est tout simplement du banditisme», a déclaré l’imam dans son prêche, selon un fidèle. «En outre, il a exigé la libération sans conditions de la dernière victime, Mohamed R. en l’occurrence», relate notre interlocuteur. La société civile de Baghlia a, en plus de la journée de grève, délégué 11 personnes, accompagnées du P/APC, M. Idir, qui se sont rendus, hier après-midi, au cheflieu de la wilaya de Boumerdès pour transmettre les protestations des citoyens et dénoncer la violence des islamistes armés. Ladite délégation n’a pas manqué de dire au représentant du gouvernement que la sécurité des populations incombe à l’Etat. Faut-il rappeler que dans cette localité, une famille a été pratiquement décimée il y a une quinzaine de jours par l’explosion d’une bombe. Un père de famille a laissé quatre orphelins en bas âge suite à un acte criminel perpétré par les terroristes islamistes. Une dizaine d’autres personnes, entre enfants et adultes, ont été blessées. Aussi, un élément des services de sécurité a été tué et un commissaire blessé.
Triangle d’or
Il ne se passe pas un mois sans qu’il n’y ait pas un ou plusieurs enlèvements de commerçants ou de fellahs dans un triangle compris entre, à l’ouest Cap Djinet, au centre Baghlia-Sidi-Daoud, et à l’Est Dellys. C’est une portion du territoire qu’écume la katibat El Ansar. Les terroristes exigent chaque fois des sommes astronomiques pour la libération des victimes. Cette partie est de la wilaya de Boumerdès, particulièrement Baghlia, est située dans le Bas-Sebaou. Elle est réputée pour la richesse de ses terres agricoles, où le fameux raisin saben est cultivé à grande échelle. A cette activité hautement rentable, s’ajoute l’extraction illégale du sable des plages et de l’oued Sebaou. Cette dernière activité illicite rapporte des milliards aux pilleurs. Quant aux petits fellahs, ils sont systématiquement rackettés. S’ils ne payent pas la dîme islamique, ils verront leurs plants de vigne détruits avant la récolte. Dans la partie orientale de la wilaya de l’ex-Rocher Noir, des milliards sont brassés quotidiennement. De grandes sommes en liquides circulent en dehors des circuits bancaires mais gagnés de manière légale. Cependant des sommes énormes circulent dans l’opacité. Un grand nombre de personnes trouvent leur compte dans cette circulation illégale de capitaux. Dans une région riche, les fellahs honnêtes sont devenus les otages d’un mouvement islamique armé qui fait de ces localités un moyen de financer les terroristes qui prennent des miettes, et les «émirs» des sériates qui accaparent une grande partie de l’argent pour la blanchir par le biais de leurs familles. Une autre partie de ce butin sert à financer la collecte des informations, la surveillance des mouvements des services de sécurité et l’achat de matériel et de produits phytosanitaires pour la confection des bombes artisanales.
Ali F.