Mondial : LA COUPE DU MONDE DE MOHAMED BENCHICOU
Quassamen, le temps de marquer deux buts


Aujourd�hui � 15 heures nous monterons � l�assaut d�une nation qui domine le monde, le temps d�un match, puisqu�il ne nous reste plus que le football pour �voquer nos r�ves, seulement le football, ayant �gar� les autres serments, m�me Qassamen, deux buts � marquer, seulement deux buts, Yebda, Djebbour ou Boudebouz...
Nous monterons � l�assaut d�une nation qui domine le monde, le temps d�un match, et j�oublierai que cent millions d'Arabes sont n�s en m�me temps que Barack Obama, cent millions d'Arabes sont n�s en m�me temps que l'ind�pendance de leurs pays et aucun d'eux n'est pr�sident. Aujourd�hui � 15 heures, j�oublierai qu�un demi-si�cle a suffi pour abolir le racisme aux Etats-Unis d'Am�rique, r�tablir les Noirs dans leurs droits civiques et installer un Noir � la Maison Blanche, un demi-si�cle a suffi pour que les Blancs c�dent la place, et qu�un demi-si�cle n'a toujours pas suffi pour que les vieux autocrates arabes c�dent la place. J�oublierai que Barack Obama, 47 ans, devint le premier Noir �lu pr�sident des Etats-Unis la semaine o�, en Alg�rie, le commandant Abdelaziz Bouteflika, 72 ans, viola la Constitution pour rester au pouvoir. M�me l'Am�rique avait bris� ses cha�nes vieilles de 6 si�cles : un Noir pr�sident ! L'Am�rique, mais pas l'Alg�rie... Aujourd�hui � 15 heures nous monterons � l�assaut d�une nation qui domine le monde, le temps d�un match, dans le mythique Loftus Versfeld Stadium de Pretoria, sur la route qui m�ne � Soweto et aux ghettos de l�honneur, quand Steve Biko jurait qu�il n�y aura plus d�enfant qui regretterait d��tre n� noir, sur la route qui m�ne � Soweto, �il vaut mieux mourir pour une id�e qui survivra, plut�t que de vivre pour une id�e qui finira par mourir �, disait-il� Nous monterons � l�assaut d�une nation qui domine le monde �Nkosi Sikelele Afrika�, disait-il, �Que Dieu b�nisse l�Afrique�, nous avons oubli� nos serments, Qassamen, nous chanterons Qassamen, deux buts � marquer, seulement deux buts, Yebda, Djebbour ou Boudebouz, puisqu�il ne nous reste plus que le football, nous chanterons Qassamen et eux entonneront The Star-Spangled Banner, eux la nation qui domine le monde� Mais comment chanter Qassamen quand on l�a oubli� ? �Par les foudres qui an�antissent, par les flots de sang pur et sans tache, par les drapeaux flottants qui flottent sur les hauts djebels orgueilleux et fiers, nous jurons nous �tre r�volt�s pour vivre ou pour mourir, et nous avons jur� de mourir pour que vive l�Alg�rie !
T�moignez ! T�moignez ! T�moignez !�
Cet apr�s-midi, � 15 heures, j�oublierai qu�au palais Zighoud, ils ont pi�tin� la Constitution sous Qassamen, ils ont vot� pour Bouteflika pr�sident � vie, la t�te basse, sous Qassamen, la semaine o� Barack Obama devenait pr�sident des Am�ricains, d�mocratiquement �lu sous The Star- Spangled Banner. Le temps d�un match. Deux buts � marquer, seulement deux buts� Yebda, Djebbour ou Boudebouz, puisqu�il ne nous reste plus que le football, deux buts au Loftus Versfeld Stadium de Pretoria, face � la nation qui domine le monde, sur la route qui m�ne � Soweto et aux ghettos de l�honneur, quand Steve Biko disait que �l�arme la plus puissante entre les mains de l�oppresseur est l�esprit de l�opprim�, nous avons oubli� Steve Biko, nous avons oubli� Ben M�hidi, nous avons oubli� Qassamen, �Par les foudres qui an�antissent, par les flots de sang pur et sans tache, par les drapeaux flottants qui flottent sur les hauts djebels orgueilleux et fiers��, nous avons oubli� Qassamen, mais eux, ont-ils oubli� The Star-Spangled Banner ? Aujourd�hui � 15 heures monteront sur le mythique Loftus Versfeld Stadium de Pretoria, sur la route qui m�ne � Soweto et aux ghettos de l�honneur, sur la route tach�e du sang des r�ves anciens, monteront deux hymnes � la vie, celui que nous avons oubli�, Qassamen, l�hymne d�un pays sans �ge, l�Alg�rie aux rides pr�coces, et celui qu�ils n�ont jamais oubli�, The Star- Spangled Banner, l�hymne de la nation qui domine le monde : ��, dis, est-ce que cette banni�re parsem�e d'�toiles flotte toujours, par-dessus la terre des hommes libres, et la patrie des hommes braves ?� Nous essayerons d�oublier que les deux chants n�ont pas surv�cu au temps de la m�me mani�re. Nous essayerons d�imaginer que les deux serments ont �t� tenus avec la m�me foi et nous marquerons deux buts. Puisqu�il ne nous reste plus que le football. Nous essayerons de chanter Qassamen puisqu�on l�a oubli�. Et nous l�avons oubli� depuis qu�ils ont vot� l�abdication, t�te baiss�e, sous l�hymne national ! Du chant des djebels, ils ont fait le roucoulement des fourmis. Ils ont vendu pour une limousine le serment des hommes libres : �Nous jurons nous �tre r�volt�s pour vivre ou pour mourir, et nous avons jur� de mourir pour que vive l�Alg�rie ! T�moignez ! T�moignez ! T�moignez ! Nous avons maudit nos serments le jour o� ils sont sortis de l�h�micycle, le front bas, et que Zighout Youcef a pleur� devant la d�tresse de Moufdi Zakaria.
T�moignez ! T�moignez ! T�moignez !�
Qassamen, nous chanterons Qassamen, deux buts � marquer, seulement deux buts, Yebda, Djebbour ou Boudebouz, puisqu�il ne nous reste plus que le football, seulement deux buts, et nous ferons dire � Steve Biko �Nkosi Sikelele Algeria�, nous chanterons Qassamen et eux entonneront The Star- Spangled Banner, eux la nation qui domine le monde. Et nous oublierons qu�avant, Qassamen �tait une promesse faite aux hommes et qu�apr�s, Qassamen est devenu parjure. Nous oublierons, le temps de marquer deux buts, que Qassamen �tait un chant d�orgueil et que ce chant d�orgueil ne fait plus trembler nos enfants apr�s qu�un demi-si�cle de gabegie et de corruption les ait jet�s devant les portes du consulat de France. Nous oublierons que l�-bas, les enfants am�ricains chantent The Star- Spangled Banner comme l�hymne qui vit avec eux, qui ressemble � la d�mocratie, � la libert� et la prosp�rit� et qu�il n�est pas de conqu�tes que rappelle Qassamen � nos enfants sinon des vies perdues. C��taient pourtant deux hymnes �crits pour le m�me r�ve, la libert�. Moufdi Zakaria rassurant sa patrie par des mots simples : �Le cri de la patrie monte des champs de bataille, �coutez- le et r�pondez � l�appel, �crivez-le dans le sang des martyrs et dictez-le aux g�n�rations futures.� Francis Scott Key posant sa main sur l�Am�rique : ��, dis, est-ce que cette banni�re parsem�e d'�toiles flotte toujours, par-dessus la terre des hommes libres, et la patrie des hommes braves ?� Mais pourquoi, diable, les deux chants n�ont-ils pas surv�cu au temps de la m�me mani�re ? Pourtant, il y a dans Qassamen, �crit en 1955, ce qu�il n�y a pas dans The Star-Spangled Banner, r�dig� en 1814 : l�odeur encore fra�che du si�cle, le cri revigor� de la libert� qui sortait de la poitrine de l�humanit�... Comment a-t-on fait pour trahir de si jeunes serments quand les Am�ricains donnent toujours une seconde vie aux leurs, pourtant vieux de deux si�cles ? Du chant des djebels, ils ont fait le roucoulement des fourmis. Ils ont vendu pour une limousine le serment des hommes libres. Et nous essayerons de marquer deux buts, seulement deux buts, Yebda, Djebbour ou Boudebouz, puisqu�il ne nous reste plus que le football, seulement deux buts.
M. B.

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