Culture : UN ART QUI N’A PAS RÉVÉLÉ TOUS SES SECRET0S
L’imzad de «amghar naoudhan» à la «poésie à géométrie variable»


«Le vrai poème imzad ne doit être déclamé que sur le dos d’un chameau !» fait remarquer un vieux Targui à Farida Sellal.
Ainsi, cet art du Sahara est surtout, une affaire de «feeling», tout comme le vrai blues américain. L’imzad est l’instrument de musique traditionnel monocorde, joué exclusivement par les femmes. Les dernières héritières de cet art sont âgées et il est à craindre sa disparition (ou d’une partie de ce patrimoine) à plus ou moins brève échéance. Heureusement qu’il y a des hommes et des femmes qui essayent de le préserver. Parmi eux, Dida Badi, chercheur au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPH) d’Alger et auteur de l’ouvrage Imzad, une musique millénaire de l’Algérie. Cet œuvre est l’aboutissement de son expérience sur le terrain à la suite d’une enquête engagée en 2000 par le ministère de la Culture, le CNRPH et une association de Djanet, et dont le but final est la mise en valeur de l’imzad. «J’ai soumis un projet de réhabilitation de l’imzad. Je cherchais à l’époque les dernières femmes qui jouaient de cet instrument. Je me suis rendu compte que cet héritage était entrain de disparaître, la musique comme le savoir- faire. Il en est de même pour les airs qui en sont liés», explique Dida Badi qui est allé dans les régions de Djanet, Bordj El-Hawas et Tamanrasset. «J’ai commencé à chercher dans les villages les vieilles dames qui maîtrisaient encore le jeu de l’imzad (…). Nous avons sélectionné six femmes pour encadrer des ateliers d’apprentissage», poursuit-il. Grâce à cette initiative, une douzaine de filles ont étés formées. Farida Sellal est, elle, présidente de l’association «Sauver l’imzad». C’est lors d’un colloque international à Alger sur la «poésie et la préservation du patrimoine musical» que nous avons vu, dans une projection vidéo, le targui qui disait que le vrai imzad, c’est à dos de chameau. Pour Mme Sellal «la poésie imzad est une poésie à géométrie variable». Comment ça ? «Deux variables fondamentales, l’espace et le temps, influent sur la fonction de cet instrument mythique qu’est l’imzad. Dans le désert, on a l’impression que tous les sons qui sortent de cet instrument à une seule corde sont en résonance avec l’éloignement et la proximité d’un autre espace aussi fragile que l’imzad lui-même», répondra-t-elle. Qu’arrivera-t-il quand ce violon monocorde est «exilé» ailleurs ? «Dans une ville côtière, ou ailleurs, et même entre le jour et la nuit, les tonalités qu’il nous offre sont différentes. Parfois, comme le disent les vieilles joueuses de l’imzad «il refuse de parler ». Qu’en est- il de la poésie du répertoire musical de l’imzad ? «Il m’a été donné de constater durant ces dernières années, que si un «Mess-is-entsiway » déclame toujours son poème dans le même ordre, il n’en sera pas de même pour un poète chanteur d’imzad. Les paroles chantées ne se répéteront jamais de la même manière d’une exécution à une autre», souligne Farida Sellal. Le poète chanteur subit-il l’influence des deux variables espace-temps ? Quoi qu’il en soit, Dida Badi dit avoir découvert quelque chose de très important : malgré cette géométrie (et polyphonie) variable, l’imzad possède une unité structurelle. «Tous les airs sont nés d’une mélodie majeure, amghar naoudhan, (le père des airs). Il y a une symbolique idée de généalogie. C’est donc le tronc et les autre airs sont les branches (izlan)», révèle-t-il. L’imzad n’est pas uniquement une musique. Cet art ancestral reflète l’histoire des touareg, leur vie et leur environnement, l’espace sur lequel ils vivent.
Kader B.



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