Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Les d�mentis � effet boomerang


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
Il y a plusieurs fa�ons de d�mentir une rumeur ou une information que nous estimons infond�es.
Il y a le d�menti virulent qui envoie l'auteur, r�el ou suppos�, de l'info aux cent mille diables, d�courageant du m�me coup toutes vell�it�s de r�pliquer ou d'y revenir. A l'oppos� de la v�h�mence, mais avec le m�me objectif, il existe un d�menti sans ar�tes, poli et convivial. Ce type de d�menti, un tantinet comminatoire, mais pas trop, invoque en g�n�ral un droit de r�ponse, avec suites judiciaires � l'appui, en cas de nonpublication. Nous avons, enfin, des d�mentis, � l'initiative des amis, ou pr�tendus tels, de la personne diffam�e, ou �clabouss�e par la rumeur. Ce type d'exercice peut se r�v�ler efficace et payant, lorsqu'il est pratiqu� par des amis sinc�rement d�sireux de vous �ter une �pine du pied, si vous �tes injustement mis en cause. Mais, en ce cas comme en bien d'autres, il ne faut pas perdre de vue qu'on peut �tre la cible de �tirs amis�, comme nous l'ont appris les Am�ricains. La force de p�n�tration des �tirs amis� et leur capacit� de destruction viennent de leur proximit� et de l'effet de surprise. Comme il y a des tirs � bout pourtant, il y a des d�mentis de tr�s pr�s qui causent un pr�judice consid�rable, du moins au plan moral, aux personnes concern�es. Je viens juste d'en d�nicher un, dans l'�dition papier d'un journal national, dont je collationne les num�ros, faute d'acc�s � l'Internet(1). Le mois dernier, un ami qui effectuait un safari-photo dans l'ouest du pays, m'a fait part de son d�sir d'aller faire un tour du c�t� de Marsa-Ben-M�hidi (Ex- Port-Say). Je lui ai dit que c'�tait un endroit magnifique, mais qu'il devait faire attention aux mauvaises rencontres. Prudent, il n'a pas saisi la balle au bond, comme il le fait habituellement, et c'�tait le signe qu'il avait compris. Un mois plus tard, je suis presque tomb� � la renverse apr�s avoir lu ce �d�menti� dans les colonnes du quotidien Al-Nahar, � la rubrique �Des yeux et des oreilles�. Cet entrefilet annon�ait que contrairement � ce que disait la rumeur, la villa cossue que M. Abdelaziz Belkhadem occupe durant la saison estivale � Marsa-Ben-M�hidi n'est pas sa propri�t� personnelle. Cette villa luxueuse appartient en fait � la mairie de la station baln�aire de l'ouest qui la met � la disposition de ses h�tes, pr�cise le quotidien. On sait donc, d�sormais, que le SG du FLN ne poss�de pas une villa somptueuse � Port-Say, mais qu'il y s�journe r�guli�rement aux frais de la princesse, autrement dit la g�n�reuse et d�sint�ress�e mairie locale. �Dieu me garde de mes amis� !�, ce n'est pas Belkhadem qui a lanc� le boomerang, mais c'est lui qui le re�oit de plein fouet. Sous pr�texte de faire toute la lumi�re(2) sur la soudaine richesse attribu�e par la rumeur � un haut dignitaire de l'�tat, l'habile r�dacteur d�voile des pratiques tr�s peu orthodoxes. Autrement dit, la villa n'est pas son bien propre, ce qui en ferait un suspect d'enrichissement personnel, mais il en profite, ce qui le met du c�t� des pensionn�s de la rente, capitole du syst�me. Je ne sais pas si l'auteur, ou l'inspirateur de ces lignes au vitriol conna�t l'historien Su�tone, mais il s'inspire directement de sa m�thode( 3) pour enfoncer davantage la personne. Je ne ferais pas plus de commentaires sur un proc�d� auquel j'ai eu recours moi-m�me, il y a quelques ann�es, avec des effets d�sastreux, mais il fallait en parler. En tout �tat de cause, c'est un int�ressant sujet de discussion et d'�tude. Surtout au moment o� nous venons de c�l�brer le premier semestre de la nouvelle �cole nationale de journalisme (ENSJ), ch�re � notre ami Brahimi. Une �cole, ouverte enfin, sur le secteur utilisateur, c'est-�-dire la presse, comme en t�moigne l'int�r�t des �diteurs pour cette exp�rience. Cela dit, et � l'adresse des futurs bons journalistes qui sortiront de cette �cole, ce n'est pas un m�tier de tout repos, ni de toute qui�tude, surtout en cette p�riode. Si j'envie nos voisins tunisiens pour leur statut de la femme et pour leur bonne gestion de l'�conomie, il n'y a pas de quoi pavoiser en mati�re de libert�s. Au lendemain de l'arrestation du journaliste Fahem Boukadous, � sa sortie de l'h�pital, c'est le quotidien arabophone Al-Mawkif, organe du Parti d�mocratique progressiste (opposition) qui a �t� interdit vendredi dernier. La situation ne vaut gu�re mieux au Kowe�t, o� un chroniqueur renomm�, Mohamed Aljassem, est toujours emprisonn� pour atteinte � la monarchie. Il avait tout simplement critiqu� le Premier ministre, et neveu du roi, qui fermait les yeux sur l'influence grandissante du lobby iranien dans le royaume. Cependant, ces malheurs sont sans commune mesure avec ce qui vient d'arriver � notre confr�re �gyptien, Magdi Al-Dekak, r�dacteur en chef de la revue gouvernementale Octobre. Le ciel, ou ce qui en tient lieu, lui est tomb�, en effet, sur la t�te, sous la forme d'un acte d'accusation grave du Front des ul�mas d'Al-Azhar. Ce Front, qui semble agir en toute ind�pendance vis-�-vis du recteur(4) de la c�l�bre universit�, a accus� le journaliste d'avoir r�pudi� l'Islam et de porter atteinte � l'image de Dieu et � celle du Proph�te. Les Ul�mas d'Al- Azhar se sont appuy�s, dans leur initiative, sur le rapport accusateur d'un groupe de journalistes du magazine, qui se pr�sentent comme gardiens de la morale et de la vertu islamiques. Au lieu de garder pour lui ses sentiments hostiles aux musulmans et � l'Islam, l'accus� ne se cachait pas et clamait publiquement ses convictions, pr�cise le texte de la d�lation cit� par Al-Quds. Les plaignants, au nombre d'une dizaine, accusent notamment leur r�dacteur en chef de boire du vin pendant le Ramadan et de se moquer du p�lerinage � La Mecque. Plus gravissime : il se serait gauss� des pri�res de la r�daction appelant la divine providence � donner la victoire � l'�gypte contre l'Alg�rie, lors du match d'Oum- Durman. �Vous voil� bien, vous n'avez cess� de prier votre Dieu pour qu'il vous donne la victoire sur l'Alg�rie et voil� que Dieu se r�v�le �tre Alg�rien !�, aurait-il dit, sans m�nagement, � ses coll�gues endeuill�s. Et surtout, n'allez pas penser que ces choses-l� n'arrivent qu'en �gypte !
A. H.
(1) Je remercie ici l'Actel de Bab-el-Oued et l'entreprise m�re Alg�rie T�l�com qui m'ont permis de revenir des d�cennies en arri�re et d'acheter mes journaux en kiosque, au lieu de les lire sur la Toile. J'ai donc pay� un abonnement Internet le 11 juillet, avec connexion pr�vue pour le 12 juillet, �au matin au plus tard�. Le lendemain, je n'avais pas Internet et plus de t�l�phone. De �mauvais c�ble� en �mauvaise r�glette�, j'en �tais encore l� le jeudi soir 15 juillet. Depuis, j'ai renonc� � me connecter, pour �pargner d'autres �preuves � mes neurones.
(2) � ce propos, je voudrais aussi remercier la Sonelgaz qui a laiss�, il y a trois ans, un c�blage h�tivement bricol�, apr�s un d�but d'incendie, du bo�tier de mon immeuble. De ma fen�tre, je peux d�sormais d�tecter des �tincelles annon�ant un autre d�part de feu ou une extinction g�n�rale pour cause de pluie. Nous sommes en �t�, mais des orages grondent, selon la presse.
(3) Biographe latin (70-120 de notre �re), auteur de Vies des douze C�sars, chroniques du r�gne des empereurs romains. Il commen�ait toujours par faire l'�loge de ses personnages, avant de r�v�ler leurs bassesses et leurs turpitudes.
(4) Ahmed Tayeb, le nouveau recteur et ancien soufi, avait suscit� beaucoup d'espoirs � son arriv�e, en annon�ant en particulier son intention de combattre le fondamentalisme wahhabite. Mais, comme il est rest� membre du parti au pouvoir, il a, depuis, quelque peu brid� ses vell�it�s r�formatrices.

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