Actualités : JUSTICE
L’affaire Tounsi renvoyée devant le tribunal criminel


L’affaire Tounsi est renvoyée devant le tribunal criminel près la cour d’Alger. L’arrêt de la chambre d’accusation de la même juridiction a été prononcé, avant-hier, en début d’après-midi. La chambre d’accusation a confirmé les chefs de poursuites visés par l’ordonnance du juge d’instruction et le présumé coupable dans cette affaire, le colonel Oultache, qui devra être jugé pour assassinat, tentative d’assassinat et port d’arme illégal. Des chefs d’inculpation qui lui vaudront, sauf rebondissement inattendu, plutôt la peine capitale.
Lyas Hallas Alger - (Le Soir) - Aucun autre chef de crime ou délit n’est résulté du dossier de la procédure et, de même, les magistrats de la chambre d’accusation près la cour d’Alger ont jugé qu’il n’est pas si nécessaire d’aller vers un complément d’informations. Et à moins que le président du tribunal criminel n’estime que l’instruction soit incomplète ou que d’autres éléments doivent se révéler après cet arrêt de renvoi pour justifier l’ordonnance d’un nouvel acte d’information, aucun autre témoin ne sera entendu, ni la partie civile ne verra son souhait d’«auditionner le vice-premier ministre, Noureddine- Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur au moment des faits», exaucé. Or, la famille du défunt DGSN Ali Tounsi qui s’est constituée partie civile revendiquait, en effet, son «droit à la vérité» qui ne peut être satisfait, que grâce à une instruction «transparente». Bref, les avocats du présumé assassin de l’ancien directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le colonel Oultache, n’ayant cessé, depuis le début de l’instruction, de décrier, par presse interposée, les violations de la procédure pénale, n’ont désormais qu’à plaider les circonstances atténuantes. La conclusion du juge d’instruction à la préméditation a convaincu les magistrats de la chambre d’accusation et il faudrait développer d’autres arguments plus solides. Rappelons que la chambre d’accusation s’est réunie mercredi dernier en présence des représentants du colonel Chouaïb Oultache — ancien chef de l’unité aérienne du même service de sécurité — et de ceux de la partie civile. Elle a eu à statuer sur deux mémoires présentés par les avocats des deux parties. Les délibérations ont duré jusqu’à jeudi matin et la chambre d’accusation a finalement prononcé le renvoi devant le tribunal criminel. Ceci, après que les magistrats de cette même chambre se furent réunis, une semaine auparavant, en l’absence des représentants des deux parties et de reporter l’examen du dossier pour le 21 juillet, soit mercredi dernier. Il convient également de rappeler que les faits de cet «assassinat» remontent au 25 février dernier.
L. H.

Les avocats de la défense crient au scandale

Dépit et colère des avocats de la défense après ce renvoi de l’affaire devant le tribunal criminel. Ayant réagi par voie de communiqué de presse, plutôt un brûlot contre l’appareil judiciaire qu’ils qualifient de «soumis au bon vouloir de la police» ou encore de «marque de fabrique de la dictature», Maîtres Youcef Dilem et Mohand Tayeb Belarif ne se font plus d’«illusions» quant à une hypothétique «réhabilitation du droit».
Ils précisent, dans le communiqué, que le colonel Chouaïb Oultache sera jugé pour «assassinat avec préméditation et guet-apens, tentative d’assassinat avec préméditation et guet-apens et port d’arme de catégorie 4 sans autorisation». Et d’accuser le juge d’instruction de faire dans l’excès de zèle, lequel, affirment-ils, aurait plutôt commis un faux. «Quand la justice est soumise au bon vouloir de la police, alors nous nous trouvons face à un système oppressif. C’est la marque de la dictature. Que peuvent faire des magistrats bridés sinon se taire ou faire de l’excès de zèle ? En la matière, le juge d’instruction s’est surpassé et a commis un faux ostentatoire, pour corroborer la thèse de la police judiciaire, celle des «deux balles dans la tête» en falsifiant les déclarations de notre client lors de la reconstitution du crime. La plainte déposée contre lui est de toute évidence étouffée par le procureur général en dépit de l’évidence du faux. Le seul moyen de disculper le juge d’instruction est la falsification de l’enregistrement vidéo et audio de la reconstitution, nous ne doutons pas un seul instant qu’ils en sont capables», ont-ils asséné. Selon leurs termes, «la police judiciaire échappe à tout contrôle de la justice, aussi bien au procureur de la République qu’au juge d’instruction. Elle a déplacé le cadavre, procédé à la levée du corps et recueilli des indices et des preuves en violation des règles élémentaires du droit». Ceci, avant de revenir sur les violations de la procédure pénale. Ils souligneront que la «remise au rôle du dossier soumis à l’examen par la chambre d’accusation n’avait d’autre but que de régulariser une violation grossière de la loi, une de plus». «L’article 182 du code de procédure pénale fixe un délai minimum de cinq jours entre la date d’envoi de la notification et la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience. Dans le cas d’espèce, le procureur général près de la Cour d’Alger n’a envoyé la notification à la partie civile et à la défense — le cachet de la poste faisant foi —, que le 4 juillet 2010 pour l’audience du 7 juillet, soit seulement deux jours avant l’audience », indiqueront-ils. Dans le même sillage, ils dénonceront la passivité du procureur de la République. «La saisie et l’ouverture de «l’arme du crime» se sont faites à l’insu du procureur de la République. L’arme n’a pas été mise immédiatement sous scellés par ce dernier. L’ouverture des scellés s’est effectuée en dehors de toute légalité, les «analyses» et «expertise» se sont déroulées en violation de la loi», fustigeront- ils encore. Ainsi, à leurs yeux, l’appareil judiciaire n’inspire plus confiance : «Jamais la justice ne sera crédible lorsque la loi de procédure est foulée aux pieds», ont-ils déclaré en paraphrasant Hocine Zehouane, militant des droits de l’homme : «les règles de procédure sont pour la justice ce que les ablutions sont pour la prière, lorsque les ablutions sont viciées, la prière est nulle». Sinon, regretteront-ils encore, «le rôle essentiel de la chambre d’accusation est le contrôle de la régularité de la procédure d’instruction et de chacun des actes entrepris (ou omis) par le juge d’instruction. Or, dans ce dossier précis, les irrégularités et les omissions sont multiples et variées». Dépités, ils ont conclu sur une note plutôt pessimiste : «De toute évidence, le droit et la loi ne sont pas la préoccupation de l’appareil judiciaire. Les hommes et les femmes qui officient doivent être très mal dans leur peau. Nous nous excusons devant leurs personnes, mais notre conscience ne nous permet pas de taire l’insoutenable vérité ! Bien sûr que nous nous pourvoirons en cassation, mais sans illusion de voir le droit réhabilité. Pleure, ô pays bien aimé.»
L. H.



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