Contribution : Contribution
Il faut d�battre sans tabous, sans injures et sans soup�ons (3e partie et fin)


Par Yacine T�guia*
Le d�sir de v�rit�
Le besoin de comprendre est tr�s fort en ce moment. Il d�passe le cadre de l�histoire. Nous sommes, nous dit-on encore une fois, dans un contexte de crise de confiance dans le pouvoir �qu�Ali Kafi alimente en disant qu�il ne sait pas o� on va.
Les affaires de corruption prolif�rent et tournent � la lutte des clans, nous assurent certains. Le chef de la police est assassin� dans son bureau ce qui donne lieu � une enqu�te pour le moins troublante tandis que le gouvernement qui vient d��tre chang� accueille un nouveau vice-Premier ministre dont les fonctions ne sont pas encore d�termin�es, situation tout � fait originale. En v�rit�, la crise de la nature de l�Etat a �volu� sans conna�tre son d�nouement. Dans de telles conditions, on pourrait estimer, comme l�historien Jean-Pierre Rioux, que �cette d�sunion spectaculaire et querelleuse de la m�moire collective masque une crise sociale de la temporalit� autrement plus grave� une fracture temporelle s��largit dans la soci�t�... Elle laisse libre cours au pr�sent, elle ignore ou r�cuse l�avenir comme l�au-del� et, du coup, elle instrumentalise � tout-va le pass� l�histoire et la m�moire des �tres, des groupes sociaux et de la nation. Cette rupture est grave car, on le sait bien, l��tat du souvenir conscient et organis�, l��tat de marche d�une m�moire sont subordonn�s � celui d�un avenir plausible et non � celui d�un pr�sent brumeux ou d�un pass� coupable�. Face � l�opacit� du pr�sent, il faut donc s�interroger sur les projets de chacun pour mieux en comprendre la vision du pass�, dans la perspective du rassemblement et du d�bat auquel appellent de nombreux acteurs du camp d�mocratique. Le responsable du RCD �voquant, lui-m�me, un d�bat r�publicain, le CCDR parlant d�un d�bat citoyen et le FFS d�un d�bat entre les forces repr�sentatives. Le d�bat ne concernerait pas certaines forces. Soit. Chez Sadi, les ennemis politiques ne doivent pas seulement �tre rejet�s, ils sont m�me ni�s puisqu'ils deviennent coupables du point de vue de l'histoire et moral. Le biographe d�Amirouche d�politise la question de Boumedi�ne. Il est ainsi dans une strat�gie qui prolonge le proc�s intent� par le RCD � l�occasion de la pr�sidentielle de 2009. A dissimuler l�adversaire politique derri�re le rideau du juridisme moral, on construit un obstacle � l'�laboration d'un compromis. Avec qui le faire, s�il n�y a plus d�adversaire ? Est-ce une ruse destin�e � ramener la soci�t� pr�cis�ment � n�gocier avec cet adversaire, en se justifiant d'une intransigeance premi�re ? Rappelons-nous que juste avant de rejoindre le gouvernement, Sadi d�non�ait �la derni�re fraude du si�cle�. Mieux encore, on peut �voquer comment l�islamisme qui d�non�ait le taghout, a ajout� �la critique par les armes aux armes de la critique �, pour finalement accepter la r�conciliation nationale� en contrepartie de l�impunit�. A moins que cette d�marche soit la mani�re de Sadi de faire un constat d�impuissance face au pouvoir, tout en lui signifiant son refus d�abdiquer ? Cette moralisation de la politique ne vaut pas mieux que la politisation de la morale : dans les deux cas, il s�agit d�une confusion des essences suscitant plus de probl�mes qu�elle n�en r�sout. On l'a vu avec l'islamisme qui pr�tendait agir au nom de la morale et de la religion et qui a fini par commettre de v�ritables crimes contre l'humanit�, qu'on ne peut effacer avec un r�f�rendum trafiqu�, pas plus que les cas de disparitions forc�es, dues aux agents de l'Etat. Cependant, Sadi pose une question d�actualit� : comment mener � bien un objectif de transformation politique sans que celle-ci engendre des �pisodes de terreur ou le refus de tout compromis ? Soit comment faire surgir l�autre du m�me, sans reproduire ce dernier et en r�ussissant � d�velopper l�id�e d�une pluralit� politique ? C��tait face � cette question que se trouvaient les acteurs de la guerre de lib�ration, qui ne devaient pas employer les m�thodes du colonialisme, mais c�est aussi face � elle que se trouve la classe politique actuelle. Comment mener la transition historique et comment rend-on justice aux victimes d�un affrontement politique ? Questions lancinantes depuis la guerre de lib�ration, r�it�r�es � chaque �pisode douloureux de notre histoire : octobre 1988, terrorisme islamiste, Printemps noir. Aussi est-il l�gitime de se demander si ces enjeux ont bien �t� identifi�s par la classe politique ? Il est m�me possible que Sadi n�ait pas voulu �laborer une telle probl�matique. Apr�s tout, il ne joue, peut-�tre inconsciemment, que le r�le de b�lier contre Boumedi�ne et ceux qui incarneraient son syst�me aujourd�hui. Il y a quelques ann�es, Boukrouh l�avait fait contre Zeroual, en s�attaquant � Betchine, pour mieux pr�parer l'arriv�e de �l'homme du consensus�, coopt� par le syst�me dont il d�non�ait pourtant avec violence l�homme fort du moment. Apr�s en avoir �t� gratifi�, il a sombr� dans l'oubli politique. Le but d�une partie des r�ponses � Sadi �tant de rallier les milieux conservateurs, en proie � une lutte entre deux lignes, on devine que ces milieux ne peuvent pas �tre consid�r�s comme totalement soumis � la ligne impos�e par le pouvoir actuel et que semble, malgr� tout, viser autant Sadi que certains de ses contradicteurs. Peut-�tre que ces derniers ont l'espoir de stimuler les masses attach�es � Boumedi�ne contre l'id�e de dissolution du FLN qui avance dans la soci�t�. C'est peine perdue car la charge principale est ailleurs. Elle est tellement forte dans la soci�t� que Bouteflika est m�me tent� de la r�cup�rer insidieusement. On voit, d�ailleurs, dans quel �tat d�instabilit� se trouve le FLN depuis son arriv�e au pouvoir. Mais si les coups de Bouteflika sont insidieux, c�est parce que l�objectif n�est pas d�en finir avec les partis/Etat, mais de d�rouler le tapis rouge � une nouvelle formation pr�sidentielle, dont son fr�re Sa�d serait le fer de lance, dit-on. Il est donc impossible de comprendre le livre de Sadi si on ne rappelle pas la bataille id�ologique qui se livre, d�une part � propos de l�islamisme, d�autre part � propos du nationalisme, que Bouteflika voudrait dig�rer, l'un comme l'autre. Malheureusement, dans cette phase de recomposition de la classe politique, ceux qui pr�tendent vouloir d�barrasser la soci�t� de certains archa�smes, ne sont pas, eux non plus, d�tach�s d�int�r�ts en contradiction avec les aspirations de cette soci�t�. On se rappelle l��pisode Benflis, ou plus r�cemment les attaques contre le FLN, y compris de la part de Hamid Sidi Sa�d, ancien wali de Tizi-Ouzou au moment du Printemps berb�re qui � dans une interview � l�occasion du 30e anniversaire des �v�nements � rend la direction centrale du FLN responsable de l�interdiction de la conf�rence de Mouloud Mammeri. En fait, se profile la n�cessit� d�en finir avec l�accaparement du sigle FLN qui devrait �tre restitu� au patrimoine de la soci�t� alg�rienne. Apr�s Boudiaf et le MDS, voil� m�me un cacique du FLN, Mohamed Djeraba, qui pense que son �ultime mission� c�est d�emmener son parti au mus�e! Tant mieux ! La biographie d�Amirouche est aussi l�occasion d�aborder la question de la r�gionalisation. La conception de l�Etat doit �tre revue nous explique Sadi en opposant une nouvelle forme de wilayisme � la conception attribu�e � Boussouf et Boumedi�ne. S�agit-il de se situer dans le prolongement de Salah Boubnider qui �voquait un d�coupage du pays en r�gions qui recouvriraient les anciennes wilayas de la guerre de lib�ration ? De faire pi�ce au pouvoir et � sa �r�gression r�gionaliste� ? Au FFS et � sa r�gionalisation positive ? Malheureusement, Sadi qui veut opposer la r�gionalisation au r�gionalisme, ne voit pas qu�on peut �tre pour la r�gionalisation et r�gionaliste en m�me temps. La preuve c�est la proposition d�autonomie de la Kabylie port�e par le MAK de Ferhat Mehenni qui non seulement ne propose pas cette solution aux autres r�gions d�Alg�rie, mais r�ussit le tour de force de proposer un gouvernement provisoire kabyle avec un nouveau parti unique, le sien et un... ministre des affaires �trang�res, qui laisse pr�sager plus qu�une autonomie. Ouyahia, en r�duisant � un �tintamarre� la mise en place de ce GPK, montre, avec f�rocit�, qu�au sein du pouvoir personne ne craint encore un risque s�paratiste. Est-ce l�aveuglement habituel, alors que la France intervient militairement � nos fronti�res sud ? En tout cas, le Mouvement citoyen de Kabylie et la formidable mobilisation autour de l��quipe nationale de football ont d�montr� la volont� de la Kabylie de se r�approprier les symboles de la nation. Mais, la r�gionalisation, on en parle aussi � l�ambassade des Etats-Unis o� on questionne des personnalit�s sur leur appr�ciation d�une telle proposition et sur un partage de ces r�gions entre diff�rentes forces politico-id�ologiques. Au lieu de d�jouer les pi�ges de ce d�bat, Sadi � qui se plaint du �sectarisme qui cible la Kabylie� �, menace de sombrer � chaque instant dans celui qui consiste � laisser penser que les limites des projets de soci�t� qui traversent le pays recouvrent celle des donn�es g�o-linguistiques et qui voudrait que seule la Kabylie soit ouverte au projet d�mocratique, tandis que les autres r�gions seraient plut�t favorables � l�option arabo-islamiste. Il alimente ainsi les pires sc�narios. A moins que derri�re la d�nonciation du jacobinisme de Boumedi�ne, il s�agisse, pour Sadi, de prolonger l��uvre des tenants du n�olib�ralisme qui ont depuis longtemps favoris� l�affaissement des collectivit�s locales comme �l�ment de r�duction de la r�gulation par l�Etat. Ce n�est peut-�tre pas pour rien que le RCD m�ne d�ailleurs une bataille autour d�un financement par le Pnud � Tizi-Ouzou, mani�re de dire : on peut se passer de l�Etat. Une version moderniste du rejet de l'Etat centralisateur et de ses missions, apr�s celle de l�islamisme qui disait que la zakat peut remplacer l�imp�t. Si la d�centralisation doit �tre l�occasion de reconsid�rer un d�coupage ignorant les r�alit�s socio-culturelles, si elle doit permettre la mise en place d�un syst�me de r�gions offrant des possibilit�s nouvelles d�am�nagement et de coop�ration et dot�es d�assembl�es, elle ne doit pas �tre, par contre, un habillage l�gal � une remise en cause du caract�re r�publicain, d�mocratique et social de l�Etat et favoriser le d�veloppement de nouvelles in�galit�s. Une des questions les plus importantes que pose Sadi, dans son livre, est : quelle est la place de l�arm�e et des services de s�curit� dans l��difice institutionnel alg�rien ? Il y a deux ans, ce probl�me �tait abord� dans une pol�mique entre Chafik Mesbah et Lahouari Addi. Le concepteur de la r�gression f�conde, qui vient de d�noncer les contradictions de Sa�d Sadi apr�s lui avoir apport� son soutien � pensant d'abord que les accusations contre l'EMG et le MALG venaient prolonger utilement le qui-tue-qui � avait propos� �la modification de la Constitution pour reconna�tre � l�arm�e le r�le de garante de l�unit� nationale, du caract�re r�publicain de l�Etat dans le respect des valeurs de Novembre 1954 et de l�alternance �lectorale. Le sch�ma serait un syst�me avec un pr�sident faisant corps avec l�arm�e dont il sera le chef, �lu au suffrage direct ou indirect (par les deux chambres) et incarnant les int�r�ts supr�mes de la nation, et un chef de gouvernement issu d�une majorit� parlementaire d�un parti (ou d�une coalition de partis) exer�ant une r�elle autorit� sur les minist�res et menant la politique �conomique et sociale promise aux �lecteurs. Ce sch�ma suppose la transformation de la S�curit� militaire en un corps au service de la nation et non au service du r�gime des �grands �lecteurs�. On doit effectivement interroger la place de l�arm�e et des services de s�curit�, surtout quand on se rappelle leur r�le, qui reste � �claircir, dans l��pisode du 8 avril 2004. Le point 11 de la plate-forme d�El Kseur pose lui aussi ce probl�me, Ammar Koroghli l�abordait dans les colonnes du Quotidien d�Oran dans une contribution intitul�e �l'arm�e pourvoyeuse de chefs d'Etat ?�. L�exigence de rassemblement d�mocratique ne doit cependant pas amener � des alliances contre nature sur des questions sensibles. A un antagonisme entre deux projets de soci�t�, l�un despotique n�olib�ral � qui ne veut rompre ni avec la rente, ni avec l�islamisme � et l�autre d�mocratique et social, on substituerait alors un conflit entre les d�fenseurs de l�arm�e et ses accusateurs. Tout cela sur fond d�un vieil antimilitarisme, port� par le politiquement correct de la pens�e social-d�mocrate. L�accusation pourrait alors se transformer en ruse, pour troubler les v�ritables enjeux et favoriser certains regroupements, dans une logique qui porte dans son ventre un syst�me bipartisan pour lequel Bouteflika a exprim� sa pr�f�rence. Avec un parti conservateur, r�unissant les �d�fenseurs � de l'arm�e et un parti r�formiste qui rassemblerait ses �accusateurs �, tournant l�un et l�autre le dos au changement radical et � la rupture. Avec sa proposition, � laquelle Sadi n�est pas loin de souscrire, Addi voudrait revenir � une sorte de bic�phalisme institutionnel alors qu�il semble que le scrutin pr�sidentiel de 2004 a voulu le remettre en cause. Dans une �valuation, le MDS consid�rait que cette �lection avait formellement consacr� la rupture entre l�arm�e, qualifi�e de pouvoir occulte, et le pouvoir civil, au point o� la soci�t� n�aurait plus � exiger des comptes � l�ANP, mais � celui qu�elle aurait �lu. Cependant, si l�arm�e a annonc� prendre ses distances � l��gard de la gestion politique directe, cela n�implique ni de penser qu�il y a des divisions entre Bouteflika et l�arm�e ou au sein de cette derni�re, entre le DRS et le corps de combat, ni de croire que de telles divisions n'existent pas. Par contre, il est clair que les contentieux de la guerre de lib�ration ne p�sent plus dans l��volution de l�ANP. Les derni�res promotions nous montrent, d�ailleurs, une image tr�s diff�rente de celle que nous donne la classe politique qui para�t toujours lest�e par les vieilles querelles de l�ALN. Le contraire aurait-il �t� possible dans un contexte international qui fait peser sur l�ANP de lourdes responsabilit�s r�gionales ? Pour cette raison, on ne peut, en m�me temps, imaginer un strict cantonnement de l�ANP dans les casernes. Son intervention dans le champ politique change uniquement de forme. D�ailleurs qui pourrait y croire au moment o� elle se voit confier la gestion de grandes entreprises publiques comme la SNVI ou l�ENIE ? Aurait-on pu le croire quand Bouteflika manque toujours d�une base sociale que les partis de l�Alliance pr�sidentielle ne peuvent pas pr�tendre lui apporter tant leurs r�sultats �lectoraux sont mauvais et alors que le nouveau parti de son fr�re n�a toujours pas vu le jour ? Ou, encore, peut-on croire � un retrait de l�arm�e, quand le g�n�ral Hamel est promu g�n�ral-major, avant de devenir DGSN, en remplacement du colonel Tounsi qui, apr�s des ann�es, n�avait pas r�ussi � r�organiser la police pour qu�elle puisse produire un cadre pouvant �tre nomm� � sa t�te ? A moins qu�il ne s�agisse seulement de faire de ce poste un tremplin pour lancer la carri�re politique officielle d�un nouveau porte-parole officieux de l�arm�e ? En tous cas, le moment semble propice pour promouvoir un tel profil. Alors que certains �voquaient le retour de Lamari, peut-�tre parce que, au sein du pouvoir, on estime venu le temps d�en finir avec le terrorisme islamiste, c�est le g�n�ral de corps d�arm�e Ga�d Salah qui, lors d�une rencontre � Oran, a donn� instruction d���radiquer totalement le terrorisme avant la fin de l�ann�e 2010�. Quelles acc�l�rations annonce cette nouvelle d�termination ? Dans quelle forme et dans quels d�lais va-t-elle s'exprimer au plan politique ? Quoi qu�il en soit, l�ANP, d�sormais, qu�on la d�couple du pouvoir politique ou pas, fait partie de l��quation � r�soudre. Comment lui redonner l�autorit� morale et le cr�dit dont elle a besoin pour agir en cas de n�cessit� ? Vieilles questions! Ce n�est pas l�approche paradoxalement courtisane de l�ANP qui pr�vaut autant chez Lahouari Addi que chez Sa�d Sadi qui y r�pondra. Elle a d�j� atteint ses limites. C�est celle qui a pr�valu quand Zeroual a �t� �lu pr�sident de la R�publique et, qu�� la suite, des �lections l�gislatives ont permis au Hamas devenu deuxi�me force politique, entre le RND et le FLN, d�investir les institutions. Du point de vue de la d�mocratisation, l��chec patent de cette strat�gie entriste et quantitative montre, qu�au plan strat�gique, toute solution, qui nierait l�exigence de rupture, n�est pas viable. Cette forme de partage du pouvoir ne serait que la poursuite, au mieux un am�nagement, avec l'exigence d'une profonde remise en cause du syst�me de partis actuel, de la mainmise sur le sommet de l�Etat. Ce serait une caution au despotisme qui serait ainsi ��clair� par un Premier ministre, �ventuellement accompagn� de deux vice-premiers ministres pour apporter leurs lumi�res ! Tout ce qu�on pourrait esp�rer, alors, c�est d�avoir des �lections sans la fraude, autant dire l�Etat de droit sans la d�mocratie, comme on a d�j� eu la paix sans la justice et la croissance sans le d�veloppement. Ce serait seulement un jeu de balancier o� les m�mes forces changeraient d�alliances. Et dans lequel l�ANP aurait toujours le monopole sur la nomination du pr�sident pour contrarier les aspirations d�mocratiques de la soci�t�. Au lieu de sceller cette d�sunion comme le proposent certains d�mocrates et la graver dans le marbre constitutionnel comme l�esp�rent, peut-�tre, des segments du pouvoir, il s�agit en v�rit� de revenir � la fusion historique qui a permis de vaincre le colonialisme puis, m�me si c'est dans une moindre mesure, de mettre en �chec le projet d'Etat th�ocratique, en proposant une nouvelle unit� entre l�arm�e, la soci�t� et l�Etat. Le MDS a avanc� l'id�e que la solution serait que l�ANP devienne une institution transpartisane fond�e sur une strat�gie de d�fense nationale, de souverainet� et de progr�s, qu�elle soit le reflet de l�ensemble des forces d�mocratiques qui traversent la soci�t� avec ses contradictions, mais apr�s avoir disqualifi� l�islamisme et les partis/Etat. Plut�t que de vouloir la cantonner dans le choix probl�matique, car anti-d�mocratique du pr�sident, c�est en s�parant le politique du religieux et en n�acceptant dans le jeu politique que des partis affirmant leur adh�sion aux valeurs d�mocratiques qu�on peut esp�rer que l�ANP joue le r�le qu�en attend la soci�t�. Alors qu�en 2007, nous abordions cette id�e d�une ANP transpartisane, dans une �mission � la cha�ne III, M. Lounaouci parlait d�utopie. Derni�rement, un d�put� du RCD, se voulant certainement pragmatique, tentait m�me d�expliquer qu�il suffisait de r�duire le budget de la d�fense pour limiter les pouvoirs de l�ANP, car cela lui apparaissait comme une condition � l'�mergence de la d�mocratie. Sans revenir sur le r�alisme du RCD qui l�a souvent amen� � rejoindre, en retard, les solutions �utopistes� du MDS et du courant qu�il incarne, je voudrais juste rappeler ce qu��crivait El Hachemi Ch�rif, en ao�t 1999, dans le quotidien Le Matin. Dans ce texte, intitul� �Alg�riens, n�oubliez pas�, il disait : �Quel est le secret de la victoire �clatante du mouvement de Lib�ration nationale sur le colonialisme ? Certains se contentent de r�p�ter que le mouvement de lib�ration a vaincu gr�ce � sa d�termination et parce qu�il allait dans le sens de l�histoire, ou parce que le peuple �tait uni comme un seul homme. Soit ! Mais en serait-il ainsi si ne s��tait pas r�alis�e cette symbiose � on dirait une synth�se, une fusion m�me entre le peuple et son arm�e, son avantgarde, sa force politique organis�e ? Et quelle en est l�explication ? Et l�explication de l�absence d�une telle fusion, aujourd�hui, dans les conditions de cette crise violente de la modernit� ? Et quelle vocation cette fusion pr�sente-t-elle de la relation entre le peuple et son �lite, une vocation de repr�sentation froide, d��manation m�canique, ou d�avant-garde, ou une combinaison de ces trois caract�ristiques � la fois ? Pourquoi ce qui �tait possible hier n�est plus possible aujourd�hui ? Ne faut-il pas y voir un signe que c�est la r�volution, c'est-�-dire la volont� partag�e de rupture et de changement traduite en actes, qui rend possible ce qui paraissait la veille une utopie, qui lib�re et met en mouvement des forces gigantesques en sommeil dans la soci�t� ? Ne peut-on pas avancer l�id�e qu�au fond cette fusion porte sur la relation intime entre un peuple et son Etat en gestation en train de s�orienter, d�s ses premiers pas, dans le sens du progr�s et de l��mancipation, de la libert�, de la justice et de la dignit�.� Le rapport � l�arm�e est donc en liaison intime avec la conception et les objectifs de la lutte politique. Une conception faite de compromis et de r�formisme pour les uns, d�esprit r�volutionnaire et de volont� de rupture pour les autres. Les positions par rapport � l�arr�t du processus �lectoral et � la lutte contre le terrorisme islamiste, comme celles en rapport avec l'�t� 1962 ont �t� des marqueurs de ces diff�rentes conceptions. Voil� que les r�conciliateurs se retrouvent rejoints par Sadi, dont ils rel�vent les contradictions par rapport � l'id�e de putsch. Mais si, dans un premier �lan, ils lui ont apport� leur soutien c'est parce qu'il reproduit les limites de leur position en lui donnant un nouvel habillage, celui de la mise en accusation du MALG et de l�EMG. Cette approche r�duit le rapport entre le politique et le militaire � un rapport de l�arm�e au pouvoir alors qu�il s�agit en v�rit� de questionner le rapport de l�arm�e � l�Etat et � la soci�t�. Ce n�est pas dans l�arm�e seule que l�on trouvera des rem�des � la hauteur des exigences d�mocratiques auxquelles doit r�pondre la transition dans laquelle se trouve l�Alg�rie. Il ne s�agit pas, en tout cas pas seulement, de faire respecter des r�gles du jeu � l�ANP, il faut aussi changer les r�gles pour des r�gles d�mocratiques. Il ne faut donc pas faire � l�ANP et aux services de s�curit� des faux proc�s qui les laisseraient indemnes de leurs responsabilit�s r�elles et surtout qui font diversion sur la nature de la crise que conna�t notre pays. Il faut refuser une analyse partielle et partiale de la crise que l�on doit consid�rer comme crise de la nature de l�Etat et pas seulement comme une crise de pouvoir. C�est pourquoi, apr�s avoir sous-estim� l�islamisme et le caract�re rentier du r�gime, les d�mocrates ne doivent pas maintenant ignorer son glissement n�olib�ral li� � son �volution despotique. Dans le camp d�mocratique, on n�a plus le droit de faire preuve d�indigence et d�incomp�tence, en n�gligeant la menace politique que repr�sente le despotisme, en se disant, peut-�tre, qu�on a �chapp� au pire avec l�islamisme. La seule issue, pour les d�mocrates, c�est de vaincre le despotisme sur le plan politique, y compris sur sa conception du r�le de l�ANP, mais aussi sur les plans id�ologique, �conomique et social, afin d�ouvrir la voie au changement radical et � une alternative de progr�s. C'est seulement en fondant une deuxi�me r�publique qu'alors une r�conciliation sera possible, prenant en charge tous les �pisodes douloureux de notre histoire.
Y. T.
*Membre du Mouvement d�mocratique et social

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