Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
C�est comme �a...


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Ouf, cette impression de revenir de loin ! D'o� ? Je ne sais. Mais j'entends d'ici le froufrou que fait l'�tui neuf de velours de mes yeux. Je ne sais pas ce qu'on a chang�, mais il y a du nouveau, c'est s�r!
Ce n'est pas mauvais de retrouver le bleu du ciel, les friselis sur le tapis de la mer. Et m�me les heurts du monde, et le tumulte des humains marchant d'un pas agit� vers la ligne de fuite... Tiens, par exemple, j'en suis arriv� m�me � trouver un int�r�t aux propos de Bouabdallah Ghoulamallah, ministre du culte : �La libert� est assur�e en Alg�rie. Seulement cette libert� ne concerne que la politique et non la religion.� Voyez-vous �a ? D'abord, il n'est pas vrai que la libert� de Bouabdallah Ghoulamallah concerne la politique. De ce point de vue, il faut demander leur avis � tous les partis politiques qui n'attendent plus leur agr�ment parce que le minist�re de l'Int�rieur a d�cid� d'afficher complet. L'agr�ment �tait suspendu non pas � l'instruction en des proc�dures claires mais � l'arbitraire et au bon vouloir des r�gnants. Sur la libert� politique version Bouabdallah Ghoulamallah, il faut aussi demander l'opinion des partis politiques d'opposition, � ceux qui n'appartiennent pas au �clan pr�sidentiel � avou� ex abrupto par Chekib Khellil � qui savent le pluralisme alg�rien de fa�ade. Dernier argument : si la libert� politique �tait assur�e dans ce pays, nul doute que Bouabdallah Ghoulamallah ne serait pas l� o� il est. Quant � la remise en cause de la libert� religieuse, Goulamallah sait-il seulement que ses appels � l'intol�rance et � la haine violent les droits � la libert� de conscience que l'article 35 de la Constitution garantit aux Alg�riens ? Le collectif SOS-Libert�s a mille fois raison de d�noncer �un d�tournement des institutions au service d'une id�ologie intol�rante et liberticide�. Faut dire que SOS voit juste ! Les propos de Ghoulamallah visent � armer l'intol�rance et la pr�parer � tirer sur tout ce qui s'inspire de la Constitution alg�rienne pour pratiquer la libert� de conscience. La chose qui ne manque pas d'�tonner, c'est le silence des forces de la tol�rance et des libert�s que l'on pr�sume existantes dans ce pays. N'ont-elles pas compris, au vu de ce qui nous accable depuis vingt ans, que la strat�gie du tu-donnes-le-doigt-on-te-prend-le-bras continue. On se tait aujourd'hui, on casque demain. C'est comme �a... Je ne voulais vraiment pas �crire un seul mot sur la mort de Ouettar. On devine pourquoi : ce n'est pas le chic de l'�l�gance de tirer sur les morts! Mais non, on ne va pas laisser passer. L'ignominie qui lui a tenu lieu d'�hommage � � Djaout restant plus qu'impardonnable, il faut la rappeler. La bassesse risque h�las d'�tre la seule chose qui restera de l'�crivain organique des forces de la r�gression. Comme il fallait s'y attendre, la mort de Tahar Ouettar � soixante-quatorze ans � la suite d'une longue maladie, sur un lit d'h�pital, n'�meut que sa famille, sinc�rement (dont on respecte le deuil et la douleur) et, plus sournoisement, celle d'instances du pouvoir arabo-islamo-lib�ralobazariste- conservateur dont il �tait plus qu'un agent id�ologique, un tireur sans piti� pr�pos� � occire les intellectuels progressistes qui lui faisaient de l'ombre. Tandis que Tahar Djaout, mort � la suite d'un attentat terroriste � trente neuf ans, laisse derri�re lui une immense admiration et une affection renouvel�e non seulement de ses proches inconsolables, de la France (oui, de cette France o� Ouettar est all� se faire soigner aux frais du contribuable alg�rien) des �crivains et des amis progressistes, du monde entier et surtout d'une jeunesse alg�rienne pour qui il est encore vivant. On ne compare pas l'incomparable. On dit que Ouettar ne s'en prenait qu'aux francophones. Ce n'est pas vrai, �videmment. Il tirait sur les intellectuels arabophones avec la m�me insensibilit� d�s lors qu'ils devenaient pour lui une menace. Il �tait connu pour un narcissisme ombrageux doubl�, comme il se doit, d'une sorte de complexe d'inf�riorit� qui lui faisait craindre de perdre la place de num�ro un qu'il croyait d�tenir. On est loin de l'�crivain pur dont la noble mission est de faire vivre l'�me de son peuple, avec d�vouement et humilit�. Il �tait plut�t de cette esp�ce d'homme satur� de haine qui n'acceptait de lien que de subordination, dans les deux sens du terme. Soit on s'imposait � lui et il se pliait, soit il faisait tout pour casser l'autre et le ravaler � la subordination. L'homme ne connaissait que le rapport des forces, jamais le respect de l'autre et la civilit� des rapports d'�gal � �gal. Celles et ceux qui l'ont approch� le savent et ce n'est pas parce que certains d'entre eux vont pousser des lamentos que ce n'est pas vrai. On sait que la mort inspire le pardon et m�me la louange un peu hypocrite, mais on peut accepter l'un en fustigeant l'autre. Tahar Djaout n'est pas la seule victime sur laquelle il a tir� sans vergogne, sans m�me cette compassion pour sa famille qui venait de perdre un homme � la force de l'�ge fauch� parce que ses id�es d�rangeaient l'islamisme et ses parrains nationalistes. Youcef Sebti, qui a eu la g�n�rosit� de taire ses divergences avec lui, et fait fonctionner El Djahidya, n'�chappa pas plus � sa vindicte haineuse, m�me mort, assassin� lui aussi. On arr�te l�. Dans le respect d� au deuil de sa famille, ce rappel est pour l'�dification de ceux qui ne savaient pas. La haine qu'il aura dard�e � l'encontre de ses pairs ne saurait se dissoudre dans l'oubli sans �tre dite. Qui s�me le vent, etc. C'est comme �a !
A. M.

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