Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Les �surprises� du Ramadan


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

�L'ann�e derni�re, tu as je�n� deux jours avec nous, cette fois-ci tu pars, alors que nous sommes au quatri�me jour, � ce rythme tu finiras par passer tout le Ramadan avec nous.� Le propos est chaleureux et totalement d�nu� d'insinuations m�me s'il y perce une certaine ironie.
C'est de cette fa�on que l'un de mes voisins a choisi de me dire au revoir, au milieu de l'apr�s-midi. Ce qui est r�confortant et signifie pour moi que je jouis d'un pr�jug� favorable aupr�s de certains voisins, en ce qui concerne l'observance du je�ne rituel. Ils ne sont pas tous pr�ts � jurer que je suis le meilleur des musulmans, tant s'en faut, mais il y a quand m�me de la bonne volont�. M�me si j'ai connu mieux, il y a encore des instants qui vous font aimer votre quartier, en d�pit de tout. J'aurais voulu expliquer � ce voisin, aussi bien dispos� � mon �gard, qu'en vertu du cycle du temps et du calendrier lunaire, le Ramadan et moi sommes condamn�s � nous rencontrer en �t�. Ce n'est pas une fatalit�, c'est tout comme ! En tout cas, le Ramadan, estival ou hivernal, apporte toujours son lot de bonnes et de mauvaises surprises. Les bonnes, il n'y en a pas eu, pour ces premiers jours, mais peut-�tre que pour l'ann�e prochaine, si Dieu veut. S'il n'y en a pas en ao�t prochain, il faudra se r�signer : la divine providence est en mal de g�n�rosit�. C�t� mauvaises surprises, c'est comme s'il en pleuvait, et on a m�me eu droit � des pr�matur�es. En pr�lude au tournoi des �Chevaliers du Coran�, des �paladins de Dieu�, gandouras et longues barbes, costauds et baraqu�s, sont entr�s en action. Je n'ai pas eu de t�moignages directs, mais selon notre confr�re Al-Nahar, ces pr�cheurs ont arpent� les rues d'Alger en distribuant des prospectus sur la meilleure fa�on de s'habiller. Envahissants, voire mena�ants, ces fr�res de la mode f�minine se sont surtout attaqu�s, le mot n'est pas trop fort, aux femmes non voil�es, ou voil�es hors orthodoxie. Les prospectus distribu�s, avec un certain sens de la persuasion, d�crivent ce que devrait �tre le v�tement islamique strict. Avec l'�talage de leur puissance physique, ces distributeurs muscl�s de prospectus ont remis en m�moire les d�monstrations de force des groupes de choc du FIS, note le journal. Ces fondamentalistes ne s'embarrassent plus de pr�cautions en mati�re de langage : une femme non voil�e est une �moutabaridja �, selon le lexique en vigueur dans ces milieux. On peut voir comment de voile en djilbab, la �safira�, ou t�te nue, est devenue �moutabaridja�. Autrement dit, une provocatrice alti�re et hautaine, qui fait tout pour exciter les hommes. Ceci, en attendant que les �ul�mas� d'�gypte ou d'ailleurs nous sugg�rent des termes plus agressifs, correspondant approximativement au mot �catin�. Sur ce plan, nous sommes encore trop d�munis, et nous d�pendons toujours de l'�tranger. Ce qui est remarquable, selon Al-Nahar, c'est que ces gros bras distribuaient des conseils vestimentaires imprim�s en Arabie saoudite. Ce qui montre que notre censure aux fronti�res n'est pas si imperm�able qu'il n'y para�t, sauf � consid�rer que tout ce qui nous vient de l� bas est b�ni. Autre singularit� de ces coupeurs de pantalons � mi-mollet, la d�nonciation du �niqab�, consid�r� comme �haram�, souligne aussi le quotidien. On peut s'�tonner, au passage, que ce soutien fondamentaliste inesp�r� � la campagne anti niqab de Sarkozy n'ait pas �t� relev� par les d�nonciateurs habituels du �Hizb-Fran�a�. � moins de consid�rer que l'appartenance au �Hizb-Fran�a� est une �tiquette strictement r�serv�e aux d�mocrates la�ques qui �crivent encore en fran�ais, quand ils le peuvent. A quoi �a sert, Grand Dieu, d'avoir une �main de l'�tranger�, si c'est pour la garder cach�e sous sa gandoura ! C'est pourtant la �main de l'�tranger� qu'on retrouve encore dans les �v�nements qui viennent de secouer Aghrib, le village de Sa�d Sadi, le leader du RCD. Ce n'est pas de la faute de Sadi s'il est n� � Aghrib, et les habitants de ce village n'ont pas � culpabiliser de le compter comme un des leurs. Pourtant, Aghrib est au centre d'une bataille politico-religieuse � laquelle ni Sadi ni son livre sur Amirouche ne sont �trangers. Nous sommes l� en plein dans les suites et cons�quences du br�lot, publi� par Sadi, et qui fait plus long feu que pr�vu, ou esp�r�. De quoi s'agit-il ? Comme tous les villages de Kabylie, Aghrib est travaill� par un fondamentalisme rampant aux effets d�vastateurs, s'agissant d'une r�gion encore plus fragilis�e par les crises successives qu'elle vient de traverser. Il faut r�p�ter sans cesse, au risque de lasser, que l'�vang�lisation adventiste n'est que l'arbre qui cache la for�t islamiste. Apr�s avoir opt� pour l'amn�sie, concernant leurs origines, de jeunes Alg�rois int�gristes se sont soudain d�couvert un regain d'amour pour ces contr�es montagneuses. Au nom de la stupide solidarit� familiale et tribale, de jeunes terroristes ont trouv� asile et protection chez leurs parents, oubli�s et retrouv�s. Outre les terroristes en armes, des pr�cheurs ont investi les villages et tent� d'abord d'imposer leurs rites, en prenant le contr�le du lieu de culte local. Lorsqu'ils ne peuvent parvenir � leurs fins, ils forment des groupes dissidents qui vont prier ailleurs ou tentent d'�riger leur propre mosqu�e, comme � Aghrib. Dans le cas de ce village, la �main de l'�tranger� au village, c'est-�-dire les fondamentalistes venus d'Alger, est �vidente, nous dit le quotidien Al-Fadjr. Selon l'enqu�te publi�e samedi, la dissidence religieuse a �t� initi�e, aliment�e, et financ�e par les fondamentalistes � partir d'Alger. D'o� la r�action de la majorit� des habitants qui ont eu recours � la force, pour ne pas �tre mis devant le fait accompli d'un sanctuaire du wahhabisme au c�ur de leur village. Que ce soit dans les rues d'Alger ou dans le village d'Aghrib, l'offensive fondamentaliste pour imposer un rituel et des traditions, largement implant�es par ailleurs, reprend de plus belle. D�sormais assur� de contr�ler le cheminement spirituel et la pratique religieuse chez les musulmans, le roi Abdallah d'Arabie saoudite veut donner un coup d'arr�t � l'anarchie des fatwas. Une annonce qui n'occulte pas tous les reculs, subis et accept�s par la communaut� musulmane depuis plusieurs d�cennies, sous l'influence wahhabite. Ainsi en est-il, � cet �gard, du rejet du calcul astronomique, pour la d�termination du premier jour de je�ne, et de l'A�d Al-Fitr. L'universitaire tunisienne Salwa Charfi revient sur l'abandon par les dirigeants tunisiens de la d�termination pr�alable de ces dates par le calcul astronomique. Elle note que les Tunisiens ont je�n� cette ann�e au deuxi�me jour du Ramadan, soit le 11 ao�t, alors que la lune �tait � son plein quartier. Or, selon les calculs astronomiques, c'est la veille, le 10 ao�t que le je�ne aurait d� commencer. �Le paradoxe, dit-elle, c'est que ce sont les partisans de l'observation � l'�il nu qui demandent un retour au calcul scientifique. Jadis, ils ont exig� l'abandon de cette m�thode pour des raisons politiques. Pour les m�mes raisons, le gouvernement tunisien a obtemp�r�, sous pr�texte de leur retirer le tapis sous les pieds�. C'est malheureusement dans ce domaine que la coop�ration alg�ro-tunisienne a �t� la plus efficiente.
A. H.

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