Chronique du jour : A FONDS PERDUS
Recolonisations en vue
Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com


On ne dispose pas aussi librement qu�on le croit d�une ressource non renouvelable, de plus en plus rare et ch�re, pour la seule raison qu�elle se trouve par le fait du hasard sur son territoire ou dans son sous-sol. L�occupation de l�Irak est l� pour secouer nos vieilles visions fixistes de l�Histoire, croyant � tort que la page horrible, violente et sanguinaire du capitalisme � son stade expansionniste initial, pr�-financier, pour acc�der aux mati�res premi�res et conqu�rir de nouveaux march�s, le colonialisme, �tait d�finitivement tourn�e.
Initi�e au sein du Fonds mon�taire international depuis d�j� quelques ann�es, l�id�e d�une propri�t� commune des ressources naturelles continue � faire des siennes ailleurs, notamment au sein de l�Organisation mondiale du commerce dont le rapport 2010 r�serve de longs d�veloppements � la question. �L�extraction et l�utilisation des ressources naturelles doivent tenir compte des besoins concurrents des g�n�rations actuelles et futures. La mani�re dont elles sont g�r�es a des cons�quences importantes pour l�environnement et la durabilit�. Leur r�partition in�gale entre les pays et la volatilit� de leurs prix peuvent �tre source de tensions internationales�, est-il �crit dans le rapport. Anticipant que leurs prix repartiront � la hausse, il est attendu de nouvelles r�gles de gestion des ressources naturelles : �Etant donn� la rivalit� des int�r�ts internationaux et interg�n�rationnels inh�rente au commerce des ressources naturelles, il est indispensable que ces r�gles soient transparentes, pr�visibles, bien con�ues et �quitables. Des r�gles inappropri�es ou contest�es risquent d�attiser le nationalisme des ressources naturelles, lorsque le d�s�quilibre des pouvoirs entre les pays et les motivations �go�stes dictent la politique commerciale. Dans un monde o�, du fait de leur raret�, les ressources naturelles doivent �tre exploit�es et g�r�es avec parcimonie, les politiques commerciales non coop�ratives peuvent avoir des effets particuli�rement dommageables sur le bien-�tre mondial.� Les ressources en question comprennent les produits de la p�che, les produits forestiers, les combustibles et les produits miniers. Leurs caract�ristiques communes sont leur r�partition in�gale entre les pays, leur caract�re �puisable, leurs externalit�s (d�faillances du march� li�es aux effets de la consommation et/ou de la production non int�gr�s dans les prix), leur pr�dominance dans la production et le commerce, et la volatilit� de leurs prix. Il s�agit, est-il encore pr�cis�, de ressources dont les �stocks de mati�res pr�sentes dans le milieu naturel (�) sont � la fois rares et �conomiquement utiles pour la production ou la consommation, soit � l��tat brut, soit apr�s un minimum de transformation �. Le nombre, restreint, de pays qui les contr�lent et le pouvoir qu�ils exercent sur les march�s sont, aux yeux de l�OMC, la source de �frictions commerciales�. Les auteurs du document s��chinent en vain � faire rentrer le commerce des ressources en question dans les logiques classiques de l�avantage comparatif, avant d�admettre que �la r�partition g�ographique in�gale des ressources entre les pays joue un r�le important dans l�explication des gains tir�s du commerce des ressources naturelles�. De cette in�galit� naissent des march�s �souvent caract�ris�s par une forte concentration et un pouvoir de monopole. Du c�t� de l�offre, la r�partition g�ographique in�gale des ressources naturelles, leur raret� et le niveau �lev� des co�ts fixes d�extraction limitent la participation au march� et favorisent la formation de cartels. Du c�t� de la demande, le niveau �lev� des co�ts fixes du raffinage et des co�ts de transport favorise la concentration de la transformation dans quelques lieux�. Suivant une th�orie qui se fait d�j� vieille et rarement contest�e, �tablie par W. M. Corden et Peter Neary, des ressources naturelles abondantes et des revenus inattendus g�n�rent des dysfonctionnements structurels g�n�ralis�s attach�s � une maladie qualifi�e de �hollandaise� (du nom du pays �tudi� et o� elle a vu le jour, la Hollande, alors grand producteur et exportateur de gaz naturel). Du �syndrome hollandais� est n�e �la mal�diction des ressources naturelles� que le rapport de l�OMC prend partiellement � son compte : �La pr�dominance d�une ressource naturelle dans une �conomie peut nuire aux performances �conomiques. Ce ph�nom�ne est souvent appel� hypoth�se de la mal�diction des ressources. Les facteurs de transmission de la mal�diction sont notamment le �syndrome hollandais�, les effets n�gatifs sur les autres d�terminants de la croissance et les conflits civils.� La �nouveaut� th�orique du rapport de l�OMC est de pointer du doigt le poids des facteurs institutionnels dans le tournant d�cisif (b�n�diction ou mal�diction) que donnent � une �conomie des ressources naturelles abondantes : �La pr�dominance d�une ressource peut avoir un effet indirect sur la croissance �conomique � travers le cadre institutionnel. Elle peut entraver la croissance en pr�sence d�institutions faibles � par exemple droits de propri�t� mal d�finis, mauvais fonctionnement du syst�me juridique, faiblesse de l�Etat de droit � ou bien elle peut contribuer elle-m�me � l�affaiblissement des institutions (�) C�est la qualit� des institutions qui fait de l�abondance des ressources une mal�diction ou une b�n�diction.� Transparence, contre-pouvoirs, d�mocratie, justice et solidarit� sociales sont les garants d�une bonne gouvernance des ressources naturelles et d�terminent ce que l�OMC appelle fort bien �le taux socialement optimal d�extraction d�une ressource �. Pour y parvenir, les d�cideurs devraient veiller � �loigner de l��laboration des politiques (notamment commerciale et environnementale) les groupes d�int�r�ts particuliers : �Plusieurs �tudes signalent que le taux d�utilisation des ressources peut �tre sup�rieur au taux socialement optimal en raison de la mauvaise gouvernance ou de l�activit� de groupes de pression. C�est le cas en particulier dans les pays o� les contrepoids institutionnels � l�action gouvernementale sont insuffisants. � Il y va donc de la survie et de la stabilit� des Etats d�pendants des ressources naturelles que de veiller au bon traitement de la question institutionnelle, surtout lorsqu�il s�agit de r�partir les fruits de leurs revenus, au moment de leur perception ou � et c�est plus important � sur le plus long terme : �Les pays caract�ris�s par une r�partition in�gale des ressources naturelles sur leur territoire et par des divisions ethniques sont particuli�rement sujets aux conflits civils. Les donn�es empiriques montrent que les ressources naturelles tr�s concentr�es comme le p�trole et les min�raux risquent davantage d��tre � l�origine de conflits civils.� Cela nous ram�ne tr�s vite � nos premi�res amours lorsqu�on apprend que le mode en vigueur d�exploitation des ressources naturelles fait la part belle aux ph�nom�nes sp�culatifs propres au syst�me financier dominant et le dispense largement de recourir � ses vieux d�mons pr�-imp�rialistes : �L�augmentation de la part des op�rateurs financiers sur le march� � terme du p�trole qui est pass�e de 33 � 50 % entre 2004 et 2008 et le recul de la participation des op�rateurs traditionnels comme les producteurs, les raffineurs et les grossistes (de 31 � 15 %) sont consid�r�s par certains comme l�indication d�un effet de mim�tisme qui a pu cr�er une bulle sp�culative.� Aucun secteur n��chappe aux logiques de domination du capital financier.
A. B.
(*) OMC, Le commerce mondial 2010, Le commerce des ressources naturelles, R�sum� analytique.

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