Culture : ENTRETIEN AVEC L��CRIVAINE CHILIENNE ADRIANA LASSEL
�Le mektoub� d�une grande plume


N�e � Santiago du Chili, Adriana Lassel est l�auteure d�un grand nombre de romans et d�essais. Parfum de vie (Thala Editions), son dernier roman, est un continuel voyage dans le temps, entre le pr�sent et le pass�, r�cent ou lointain. C�est aussi une histoire d�amour dans un monde troubl� par la violence. Adriana Lassel a aussi �crit Le pavillon de l�oiseau jaune, un roman publi� � Paris chez les �ditions La Pens�e universelle en 1984, l�essai Images d�Am�rique (�ditions Anep, 1994 et le roman Lucas le Morisque ou le destin d�un manuscrit retrouv� (�ditions Tell, Blida, 2007). Elle-m�me parle de �mektoub �, mais la vie de Adriana Lassel est comme un beau roman.
Entretien r�alis� par Kader Bakou
Le Soir d�Alg�rie : Pourriez-vous pr�senter aux lecteurs Un parfum de vie, votre plus r�cent roman ?
Adriana Lassel :
Il y a un protagoniste, c�est un professeur, un chercheur de la litt�rature aljamiada, c�est-�-dire une litt�rature qu��crivaient les Morisques avec des caract�res arabes, mais en langue espagnole. Le protagoniste cherche, �tudie des textes aljamiados qui se trouvent � Alger, quand il rencontre une lettre que quelqu�un a �crit pour ses fr�res ou ses amis et o� il raconte bri�vement un �pisode qui s�est pass� pendant la R�gence d�Alger en 1629 : une r�volte des Kouloughlis qui a fini dans la violence, avec beaucoup de morts et toute une partie de la citadelle incendi�e. Donc, la lettre dit qu�il ne faut pas approcher d�Alger parce que l�, il y a danger. C�est l� que le professeur commence � chercher qui a �crit cette lettre. Commence, alors, la qu�te du Morisque qui a v�cu d�j� plusieurs si�cles avant, en 1620, 1630, il ne sait pas encore. Pour chercher sur l�histoire du Morisque, il doit se d�placer � Blida et comme �a, il commence une autre qu�te : la qu�te de sa passion amoureuse, une femme qui s�appelle Hayet. C�est encore une histoire de l�amour entre ce professeur quand il �tait jeune et Hayet, puis � l��ge de trente ans. Il y a, ainsi, le temps o� il a commenc� � travailler � Blida et puis le temps pr�sent, c�est-�-dire la d�cennie tragique des ann�es 1990. Il y a, donc, deux temps plus le temps de l�histoire du morisque. Donc, il y a ici trois personnages qui se c�toient, mais, il y a surtout une pr�occupation pour l�histoire et une pr�occupation de la part de l�auteur pour la vie de la femme alg�rienne qui est repr�sent�e par Hayet.
Vos personnages, � l�instar de Lucas le Morisque, sont parfois entre deux cultures. Pourquoi ?
C�est in�vitable de parler de personnages de deux cultures dans un pays qui a une double et une triple culture. Ce n�est pas �tonnant qu�un Alg�rien est de double culture. Vous avez des �crivains comme Mostefa Lacheraf, Waciny Laredj, Rachid Boudjedra, Yasmina Khadra, pour ne citer que ces auteurs, qui sont des Alg�riens de double culture. L�Alg�rie est un pays qui parle trois langues et chaque langue la relie � une civilisation, � une culture. Pourquoi, alors, s��tonner qu�un personnage de mes romans soit un personnage de double culture culture ? Moi-m�me, je suis une personne entre deux cultures, mes enfants, sont des personnes de deux cultures. Si un Alg�rien est cultiv�, il est n�cessairement ouvert � la culture occidentale et � la culture orientale. Ce n�est pas �tonnant.
Comment du lointain Chili, vous �tes vous retrouv�e en Alg�rie ?
C�est une question de mektoub! Je suis all�e � Cuba en tant qu�invit�e comme jeune �crivaine et l�-bas est arriv� un groupe de moudjahidine alg�riens invit�s eux aussi du gouvernement cubain. Donc, nous nous sommes rencontr�s dans le m�me h�tel et on nous a fait visiter les m�mes endroits. Cons�quence de tout cela, je ne suis pas retourn� au Chili� et mon mari est retourn� en Alg�rie quelques ann�es plus tard, avec une femme chilienne.
Vous avez fait le chemin contraire des conquistadors �
Les conquistadors, ils sont arriv�s en Am�rique � la fin du XVe si�cle et nous sommes au XXe si�cle : �a n�a rien � voir. Des millions de personnes se d�placent entre le vieux continent et le nouveau continent. Chez moi, �a a �t�, tout simplement, le fait de me marier � un Alg�rien.
Dans qu�elle langue vous �crivez ?
J��cris originellement en espagnol et je suis traduite en fran�ais. J�aimerais bien �tre traduite � l�arabe, mais jusqu'� maintenant, personne n�a pris l�initiative de le faire.
Traduire est-il trahir ? Je n�aime pas trop cette phrase, parce que c�est gr�ce � mes traducteurs que je suis �dit�e et connue en Alg�rie. Donc, je ne peux pas dire que traduire, c�est trahir. Je comprends que le travail de traduction est un travail difficile surtout si c�est un travail litt�raire. Traduire la litt�rature, c�est difficile. Mais � part �a, je suis consciente aussi qu�avec la traduction, mon style, le rythme de la phrase ne passent pas au fran�ais. La traduction donne l�essentiel, mais ne donne pas toute la recherche que je fais sur les mots, sur les expressions et sur les figures litt�raires.
Un livre en projet ?
Oui, il y a un livre en projet. C�est aussi un roman, un r�cit romanc� d�une �poque de la R�gence en Alg�rie, la R�gence de l��poque turque en Alg�rie.
On vous pr�sente, souvent, comme une sp�cialiste de Miguel Cervant�s. Pourquoi ?
C�est la cons�quence logique d�avoir enseign� � l�universit� Cervant�s et le monde musulman. J�ai �t� professeur pendant longtemps. Le travail de professeur m�a permis de faire des recherches. Post�rieurement � 1989, j�ai fait partie d�une association internationale de Cervant�s qui a son si�ge en Espagne dans la ville natale de Miguel de Cervant�s. Donc, je continue � faire des recherches pour des colloques, pour des congr�s et � chaque fois, j�approfondis la p�riode de la vie de Cervant�s quand il �tait captif � Alger. C�est-�-dire que �a fait plus de vingt ans que je travaille sur Cervant�s et je trouve toujours des sources � �tudier et m�me que, quelquefois, je n�ai pas la m�me vision que j�avais moi-m�me quand j�ai commenc� � �tudier Cervant�s.
Des similitudes entre la culture alg�rienne et la culture chilienne ?
Je crois qu�il y a plus de diff�rences que de similitudes, Des diff�rences parce que la culture alg�rienne est trilingue. En Alg�rie, la langue arabe, tamazight et le fran�ais relient la vie intellectuelle � diff�rentes civilisations, � diff�rentes cultures. D�un c�t�, l�Alg�rien conna�t la culture occidentale. Mais il conna�t la culture orientale arabe (je parle de l�Alg�rien cultiv�). Les Alg�riens ont aussi une langue et une culture tamazight autochtone. Au Chili, cette trilogie culturelle n�existe pas. Au Chili, on parle une langue, la langue espagnole et on a une culture, c�est la culture occidentale chilienne (on appartient au monde occidental). Mais ce qu�il y a comme similitudes, c�est que la culture chilienne, comme la culture alg�rienne, cherche une identit�, cherche � relier le pr�sent au pass�.
K. B.



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