Chronique du jour : DECODAGES INDUSTRIE Faut-il faire comme le Maroc et la Tunisie ? Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected]
Membres � part enti�re � l�OMC depuis d�j� quelques ann�es, partenaires
�conomiques et commerciaux de lUnion europ�enne dans le cadre d�accords
d�association, qu�ils ont �t� parmi les premiers pays
tiers-m�diterran�ens � signer, le Maroc et la Tunisie ont engag� de
v�ritables programmes de restructuration de leurs industries pour les
pr�parer � �tre des sujets actifs du processus de mondialisation
�conomique. Notons tout d�abord que nos deux voisins appuyant leur
strat�gie sur des institutions de planification tr�s efficaces
(minist�re du D�veloppement �conomique et de la Planification en
Tunisie, instituts de planification et de pr�visions �conomiques au
Maroc). Les politiques conjoncturelles que leur imposent les instituts
de Bretton Woods, et plus particuli�rement le FMI, ne les ont pas fait
abandonner leurs actions de moyen/long terme et ce sont de v�ritables
feuilles de route qui sont �labor�es pour inscrire l�ensemble des
actions dans une vision globale et coh�rente (coh�rente bien �videmment
avec les objectifs que chacun des deux Etats a fix�s � son �conomie et
sur lesquels nous ne portons aucun jugement). C�est un coll�gue tunisien
qui me lan�ait r�cemment : �Notre bonheur est dans le plan.� Du point de
vue des choix strat�giques arr�t�s dans chacun des deux pays, il y a
incontestablement mati�re � r�flexion et probablement quelques le�ons �
tirer pour notre �conomie, nous qui enregistrons dans ce domaine un
grand retard, puisque nous n�avons encore �labor� ni perspectives
�conomiques d�cennales ni nouvelle politique industrielle, ni strat�gie
d�ouverture �conomique. En fin de l�accord multifibres (suppression des
quotas dans les exportations textiles) et le d�mant�lement tarifaire qui
a fait suite � l�application graduelle de l�accord d�association avec
l'Union europ�enne ont fait prendre conscience au Maroc et � la Tunisie
du d�classement de leurs mod�les industriels et du retard qu�ils ont
accumul� dans la bataille de la comp�titivit�. Marocains et Tunisiens
rappellent qu�en plus des parts de leurs propres march�s int�rieurs
qu�ils perdent (� cause de l�ouverture), leurs d�bouch�s traditionnels,
notamment europ�ens, sont pass�s entre les mains des entreprises
chinoises, vietnamiennes, et � un degr� moindre, indiennes. Pour le
Maroc, la nouvelle politique �conomique se fonde (si l�on en croit le
ministre marocain de l�Industrie, du Commerce et de la Mise � niveau
�conomique) sur trois orientations principales :
1- La concurrence mondiale plus intense et notamment celle en provenance
des pays asiatiques exige de ne plus rester isol�, exige de conclure des
alliances et des partenariats. Pour d�velopper l�attractivit� du site
Maroc et ouvrir de nouvelles possibilit�s d�exportation aux
investisseurs directs �trangers potentiels, le Maroc a opt� pour la
multiplication des accords de libre-�change. C�est ainsi qu�il en a
sign� avec l'Union europ�enne, les USA, la Tunisie, l'�gypte et la
Jordanie (accord d�Agadir), la Turquie et bient�t le Mercosure (Br�sil,
Argentine, Bolivie et sous peu le Chili). Le Maroc offre ainsi aux
investisseurs �trangers qui viennent dans le pays des �fen�tres
d�exportation� qui leur ouvrent de grands march�s. �Investissez chez
nous et vous profiterez des march�s que nous avons ouverts gr�ce � nos
accords de libre-�change.� Ces accords de libre-�change sont donc con�us
� la fois comme force de captation des investissements �trangers et
comme opportunit�s de diversification des exportations marocaines.
2- La seconde orientation de la strat�gie industrielle marocaine
concerne la restructuration du capital industriel. Il y a au Maroc trop
de PME � structure financi�re familiale dont la taille, trop petite, ne
permet pas de se lancer � la conqu�te de grands march�s �loign�s tels
que ceux du Br�sil, de l�Argentine, des USA, de la Turquie� Il faut
alors travailler � sp�cialiser davantage les entreprises marocaines et
favoriser la construction d�entreprises de grande taille par des
op�rations de regroupements, fusions, partenariat. La construction de
champions passe n�cessairement par ces op�rations de restructuration du
capital productif.
3- La troisi�me orientation de la nouvelle politique industrielle
marocaine est celle qui pousse l�Etat � la mise en �uvre d�une politique
volontariste de formation d��lites manag�riales, d�ing�nieurs de haut
niveau ainsi que de mise en �uvre de programme �tatique de
recherche-innovation, de cr�ation technologique am�liorant de la sorte
l�attractivit� de l��conomie marocaine, les investisseurs internationaux
accordant une attention particuli�re au niveau de qualification de la
main-d��uvre locale et aux possibilit�s de d�localisation de leur
programme de recherche-innovation. Comme on peut le constater, les
orientations sont claires m�me s�il reste, bien entendu, � les
concr�tiser r�ellement et avec efficacit�.
� En ce qui concerne la Tunisie, qui subit les m�mes contraintes
que le Maroc et dont le syst�me �conomique a toujours �t� proche du
syst�me �conomique marocain, c�est-�-dire une �conomie mixte combinant
�conomie de march� et intervention de l�Etat, la pr�occupation est la
m�me mais la d�marche quelque peu diff�rente. Il faut d�abord rappeler
que la Tunisie a �t� un pays p�trolier de petite dimension certes, mais
jusqu�� la moiti� des ann�es 70, 30% du PIB provenait du secteur
p�trolier. Au d�but de la d�cennie 2000, la Tunisie n�est plus un pays
p�trolier et s�est engag�e avec quelques succ�s dans l�apr�s-p�trole.
Aujourd�hui, pour faire face aux probl�mes n�s de l�ouverture
commerciale (Union europ�enne et OMC), et pour juguler la comp�titivit�
chinoise sur ses propres parts de march� (notamment europ�en), la
Tunisie a lanc� une v�ritable strat�gie d�attractivit� et de
construction de facteurs de comp�titivit�. La d�marche comporte deux
grands volets :
1- Le premier est centr� sur l�entreprise et vise � am�liorer sa
comp�titivit�.
2- Le second touche � la restructuration industrielle et vise � faire
�merger de nouvelles sp�cialisations.
� L�entreprise doit �tre aid�e � construire sa comp�titivit� : La
politique �conomique adopt�e all�ge l�ensemble des charges qui p�sent
sur l�entreprise. Ainsi :
1/ Les prix du cr�dit bancaire sont abaiss�s (baisse des taux
d�int�r�t).
2/ Les droits de douane sont r�duits.
3/ Une d�marche de mod�ration salariale est adopt�e.
4/ Les prix de l��nergie sont abaiss�s.
5/ Les charges patronales dans le domaine des cotisations sociales sont
abaiss�es.
6/ L�imp�t sur les b�n�fices est abaiss� et notamment en faveur des
entreprises exportatrices qui en sont exon�r�es pendant 10 ans, d�lai
apr�s lequel un abattement de 50% leur est accord�.
7/ La Banque centrale de Tunisie a d�valu� le dinar tunisien pour rendre
les exportations concurrentielles. Simultan�ment � ces actions fiscales,
mon�taires et sur les prix prises en faveur de l�entreprise, les
planificateurs tunisiens ont mis en �uvre un important programme de
�mise � niveau des entreprises �. A ce jour, 2 200 entreprises sur 5 000
pr�vues ont b�n�fici� de ce programme qui a co�t� 3 375 millions de
dinars tunisiens (dont 15% sont des subventions allou�es par l�Etat), de
20 instituts sup�rieurs d�enseignement technique (Iset) r�partis �
travers le territoire.
Les nouvelles sp�cialisations industrielles
Nous avons d�j� signal� combien l��mergence des industries
asiatiques et leur grande comp�titivit� sur les cr�neaux m�mes sur
lesquels se sont construits les mod�les industriels marocain et tunisien
ont d�class� ces derniers. Dans le cas de la Tunisie, les industries
textiles et habillement, chaussures, industrie du bois et � un degr�
moindre industrie sid�rurgique ont perdu leur comp�titivit� et des parts
de march� tant int�rieurs qu�ext�rieurs. La Tunisie restructure donc son
industrie et se lance dans de nouvelles sp�cialisations qui sont le haut
de gamme de l�industrie de l�habillement, la manufacture du bois et de
l�ameublement et surtout les industries m�caniques �lectriques et
�lectroniques o� la Tunisie �merge comme �quipementier des grands
constructeurs automobiles. La Tunisie tente aussi de se sp�cialiser
comme �conomie d�accueil de l�out-sourcing en prenant en sous-traitance
un certain nombre de fonctions de gestion des grandes entreprises
internationales. ��a bouge chez nos voisins�, m�a cri� � l�oreille un
coll�gue �conomiste alg�rien quelque peu d�pit�, moins pour exprimer une
quelconque admiration pour les politiques �conomiques marocaines et
tunisiennes que pour mettre encore plus en relief l�immobilisme et
l�absence d�imagination de nos �policy makers�.
A. B.
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