
Actualités : 830 AVOCATS ONT PRÊTÉ SERMENT MERCREDI DERNIER Dans les coulisses d’une cérémonie
Mercredi 15 décembre 2010. Cour d’Alger, sise au Ruisseau. Près de mille avocats, exactement 830 nouveaux, issus du dernier concours d’aptitude au stage d’avocat, ont prêté serment. Une procédure conforme à l’un des articles de la loi organisant la profession d’avocat en Algérie. L’ambiance était au rendez-vous. Sur les visages des futurs «défenseurs» se lisait la joie. Début d’une vie active… pas comme les autres.
Abder Bettache Alger (Le Soir) - La gent féminine domine cette
nouvelle promotion. Elles sont toutes jeunes et la majorité d’entre
elles portent le hidjab. Un hidjab aux couleurs multiples. Les hommes ?
Ils sont à peine trois cents. Certains sont d’un âge très avancé. C’est
le cas de cet sexagénaire, qui a attiré tous les regards sur lui,
lorsqu’il s’approcha de la juge pour prêter serment. «Ça doit être un
ex-magistrat, qui s’est ‘’reconverti’’ en avocat. Très souvent, en fin
de carrière, un grand nombre de juges optent pour la profession
d’avocat», nous explique un avocat du barreau d’Alger. Certains
fonctionnaires ayant fait carrière au sein de l’administration centrale
décident de se «transformer » en avocats. «Cette catégorie de personnes
est privilégiée», dit-on. Il s’agit d’anciens moudjahidine. «Ils sont
privilégiés du fait qu’ils ouvrent droit à l’exercice de la profession
d’avocat et ce même s’ils ne répondent pas à tous les critères»,
ajoute-t-on. Toutefois, le gouvernement serait sur le point de
promulguer une loi, «pour mettre fin à cette situation qui date des
années 1960». Cette disposition verra le jour après de la promulgation
de la nouvelle loi régissant la profession d’avocat. Au sein de la
corporation des avocats, cette question est déjà au centre de tous les
débats. Concours de circonstances ou volontairement programmé, le débat
sur la question intervient au moment où les robes noires sont en pleine
campagne électorale pour le renouvellement de la composante des conseils
de l’ordre des treize barreaux d’Algérie. Ces derniers, une fois élus,
procéderont à leur tour à l’élection du futur bâtonnier national.
Policiers et journalistes «reconvertis» en avocats
L’enjeu est donc de taille, d’où la mobilisation «algéroise» de
mercredi dernier ! En effet, mercredi dernier, ce ne sont pas seulement
des ex-magistrats ou des anciens moudjahidine qui ont opté pour la
profession d’avocat. Il y a eu aussi d’autres personnes ayant déjà fait
carrière dans d’autres métiers. Des ex-policiers ou encore
d’ex-gendarmes ont décidé de changer de métier en optant ainsi pour la
profession d’avocat. Il y avait également des ex-journalistes. Ils
étaient au moins deux. Ces derniers ont fait la quasi-totalité de leur
carrière au sein de l’ENTV. «C’est un choix que je viens de faire», nous
explique notre ex-collègue. Pour «gagner» plus d’argent ? lui a-t-on
demandé. «Non, c’est une nouvelle expérience que je veux tenter», nous
explique notre interlocuteur. A l’extérieur, un autre journaliste, très
connu pour avoir animé durant plusieurs années des émissions sportives
sur l’Unique, attend depuis le matin. Il fait partie du second groupe
qui doit prêter serment au niveau de la grande salle se trouvant au
premier étage. Sa présence a soulevé des interrogations parmi les
avocats, notamment les anciens. «Les journalistes nous envahissent»,
commente-t-on discrètement. Il est vrai que depuis quelque temps, les
nouveaux «arrivés» au sein de la profession d’avocat sont «mal admis»
par certaines robes noires. Il y aura bousculade au portillon. La
concurrence sera rude. Selon un avocat, «la loi est claire ». Il ajoute
: «Tous ceux qui répondent aux critères de l’exercice de la profession
d’avocat ont le droit de postuler.» Notre interlocuteur, sur le point de
partir en retraite, a tenu à marquer de sa présence cet important
événement. Ce jour, il a accompagné sa fille. C’est le troisième membre
d’une famille composée de six personnes qui a choisi cette profession.
«Je jure»
Cet ancien avocat n’est pas le seul à «soutenir» sa progéniture».
Ils sont nombreux à accompagner leur «descendance». On assure la relève
? «Absolument», nous explique une avocate, amie de la presse. «Ça existe
dans tous les métiers. «L’héritage» professionnel, c’est une pratique
logique. C’est comme vous les journalistes. Vous aussi, vous encouragez
et soutenez vos proches à exercer le métier de journaliste. Ce constat,
on le trouve partout, y compris dans les corps constitués. Le phénomène
est légion. On le trouve dans tous les métiers», tente de rassurer un
avocat. Cela dit, nombreux étaient mercredi dernier à prononcer la très
mythique phrase : «Je jure d’exercer mes fonctions de défense et de
conseil en toute indépendance, avec dignité, conscience et probité,
conformément aux règles de ma profession et dans le respect des cours et
tribunaux et des lois de la République.» «Le plus important est d’avoir
arraché le titre. «Je l’ai eu ! C’est l’essentiel. Le reste viendra
progressivement », a lancé une jeune avocate. Notre interlocutrice,
comme la majorité de ses collègues, ne rate pas d’immortaliser
l’événement. Caméras et autres appareils photo sont de la partie pour
figer «ces moments très forts dans notre vie». Des youyous sont même
lancés. Ils ont retenti dans l’immense bâtisse de la cour d’Alger. Les
parents n’hésitent pas à s’afficher, lorsqu’ils apprennent que le fils
ou la fille vient de franchir la dernière ligne droite. Une ambiance de
grande fête a régné ce jour à la cour d’Alger.
Les nouveaux avocats non concernés
Les très fortes chutes de pluie qui se sont abattues durant toute la
journée n’ont point découragé les accompagnateurs des futurs avocats.
Ils n’ont quitté la cour d’Alger qu’une fois que la cérémonie de
prestation de serment a pris fin. Cette dernière a duré toute la
journée. Le nombre élevé des futurs avocats a contraint les
organisateurs à répartir les 830 nouveaux avocats sur au moins trois
salles. Le bon déroulement de l’opération constitue un véritable test
pour les membres du conseil sortant. En effet, ces derniers avaient la
charge de mener à terme cette opération avant la fin de leur mandat,
prévu à la mi-janvier prochain. Les cérémonies se déroulent sous l’œil
vigilant du bâtonnier sortant. Me Sellini est partout. Il est sollicité
de toute part. Rien ne lui échappe. S’agit-il d’une opération de charme
avant l’heure, en perspective du 15 janvier prochain ? «Absolument pas»,
rétorque un avocat, membre du conseil sortant et également postulant
pour un autre mandat. Ce dernier figure sur la liste que dirigera le
bâtonnier sortant, d’où la dynamique remarquée chez un grand nombre
d’entre eux mercredi dernier. En effet, en 2011 à la mi-janvier, il est
attendu une énième rivalité entre les robes noires. Cette fois-ci,
l’enjeu sera tout autre. La présidence du barreau d’Alger, une des plus
importantes structures qui compose l’Union des barreaux d’Algérie, est
convoitée par des dizaines d’avocats. La bataille est désormais lancée.
Mais à la différence des années précédentes, cette fois-ci, les jeunes
avocats ne constitueront pas un enjeu électoral. Le conseil sortant a
tranché la question. Ils ne feront pas partie du fichier électoral.
A. B.
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