Culture : LE VIEUX FUSIL, UN ROMAN D�ALI KADER
Le feu, le sang et les larmes


Une suite de tunnels sombres qu�est ce roman d�Ali Kader. Le train fant�me de la trag�die s�y engouffre, dans lequel le lecteur est invit� � faire un long voyage, le c�ur bien accroch�, car il va se retrouver plong� dans un univers peupl� de drames, de morts et de sang.
Des tunnels dont on ne voit jamais le bout, et qui sont autant de pages noires de l�histoire de l�Alg�rie contemporaine, depuis la p�riode entre les deux grandes guerres (mondiales), jusqu�� la �d�cennie rouge� des ann�es 1990. Un cauchemar o� fiction et r�alit� se m�langent� Dans Le vieux fusil, l�auteur raconte la saga de deux familles de villageois dont le destin s��pouse, se croise, s�entrechoque pour finalement les faire s'entred�chirer dans l�horreur et la haine. Le d�cor de pareille trag�die est plant� dans une montagne de bout du monde, avec un petit village accroch� � une colline (on devine qu�il s�agit de la Kabylie). Cette image bucolique est trompeuse, le lieu allant enfanter les acteurs de ce drame fratricide que r�sume la derni�re page de couverture du livre. Il y est �crit : �Si Omar, paisible retrait�, ancien combattant, pensait que le moment �tait venu pour lui de se reposer, de se remettre des affres des batailles qu�il avait livr�es aux soldats fran�ais, puis aux groupes terroristes qui �cumaient la r�gion. Il ne pouvait savoir que l'opprobre viendrait d�un des siens, des voisins qu�ils avaient d�fendus � l'ind�pendance� � L�histoire va-t-elle donc se r�p�ter � l�infini, avec tous ces actes de barbarie, de f�lonie et de folie des hommes ? Oui, nous rappelle ce r�cit dont l�action ira crescendo jusqu�au d�nouement final. Quel carnaval de zombies ! La folle sarabande s�ach�ve par la mort de Hakim, le fils de l�ancien harki et voisin de Si Omar. Car le jeune homme sanguinaire est devenu � son tour un tra�tre � la nation, son ascension fulgurante dans une organisation terroriste arm�e �tant ponctu�e par une longue s�rie d�assassinats, de rapts, de viols, de rapines� A la fin du livre, c�est le propre fils de Si Omar qui se charge d��craser la t�te du serpent. Ainsi reprend-il le flambeau de la lutte, le vieux p�re endosse, lui, la responsabilit� du meurtre de l��mir devenu repenti (et cr�neur) par la gr�ce de la politique de r�conciliation nationale. Le message est clair, la symbolique sans d�tour. Mais peut-on reprocher � l�auteur de verser dans le militantisme na�f, cette vision manich�enne de l�histoire et qui donne une �litt�rature� de combat avec des h�ros positifs et des h�ros n�gatifs ? Certes non, le roman ayant �t� probablement �crit dans l�urgence. Une sorte de t�moignage fictionnel pour dire, d�noncer les errements et les abus, et en fin de compte, tirer la sonnette d�alarme. Car la patrie pourrait tomber �comme un fruit m�r entre les mains d'opportunistes. Vous ne trouverez plus de patriotes sinc�res pour la d�fendre et la sauver une nouvelle fois. La g�n�ration que je repr�sente sera totalement �teinte� (p. 344). L�alarmisme (le cri) de l�auteur est bien exprim� en derni�re page de couverture o� il est dit : �A travers Si Omar et les diff�rents acteurs de ce roman, c�est toute l�histoire du pays qui est racont�e. Depuis les premi�res �migrations, en passant par les diff�rentes guerres et crises qui aboutissent au d�sastre des ann�es quatre-vingt-dix. Un pays � feu et � sang�� Ali Kader en a vraiment gros sur le c�ur, et Le vieux fusil est �videmment �crit avec les tripes. Cela n�emp�che pas, bien au contraire, un travail m�ticuleux dans la recherche du moindre d�tail et dans l�appel aux plus lointains souvenirs. Tout est d�cortiqu� et analys� avec une pr�cision d�horloger, depuis les sc�nes de la vie quotidienne au village, l�exil, jusqu�aux actes terroristes dont l�auteur d�nude les m�canismes� A lire donc pour tous ceux qui aiment le style narratif enrichi de dialogues et de rebondissements dans l�intrigue. Une �criture qui emprunte aux techniques cin�matographiques. Ali Kader a surtout le m�rite d��tre un excellent conteur.
Hocine T.
Le vieux fusil, d�Ali Kader, Enag �ditions, 2010, 350 pages.

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