Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Le Soudan garde le nord et El-Bechir


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
J'observe avec un certain �tonnement que le monde arabe semble r�sign� � voir le Soudan divis� en deux Etats, d�s le d�but de la nouvelle ann�e. Pr�vu pour le 9 janvier 2011, le r�f�rendum d'autod�termination organis� dans le sud du pays consacrera vraisemblablement la scission du pays en deux.
Le �machin� arabe, ou Ligue des chefs d'Etat, publiera sans doute un communiqu� exprimant des regrets, apr�s avoir des d�cennies � ne rien faire, sauf � soutenir les tyrans du nord et � attiser le feu. Les dirigeants arabes qui ont contribu� � mener le Soudan � son point de rupture sont ainsi pr�ts � prendre acte, sans repentir, de l'issue fatale. Le 9 janvier, donc, les habitants du sud, � majorit� chr�tienne, devraient voter pour la s�paration avec le nord musulman. En septembre dernier, les autorit�s soudanaises avaient fait savoir qu'elles accepteraient le r�sultat du r�f�rendum. Ce qui revenait implicitement � admettre comme irr�versible la victoire du oui � la scission au d�triment du oui � l'unit�, les deux options propos�es aux �lecteurs. Cet engagement du gouvernement de Khartoum a �t� pris, non pas par Omar El- Bechir en personne, mais par son vice-pr�sident, Ali Taha, le dictateur stagiaire. Ce qui laissait dans l'esprit des observateurs, habitu�s aux revirements du r�gime, le chemin libre � un d�saveu �ventuel, au cas o�. On sait maintenant que les propos du bras droit d'Omar El-Bechir refl�taient fid�lement les id�es du chef, qui ne doute pas de son avenir. La semaine derni�re, El-Bechir a, en effet, r�v�l� ses plans d'apr�s scission du sud. Il a enterr� d�finitivement le Soudan f�d�ral en annon�ant que l'Etat du Nord ferait un nouveau bon dans l'application de la Charia. On n'a vraiment pas vu mieux depuis la th�orie du �socialisme en un seul pays, voire dans le p�rim�tre de Moscou�. Le malheur du Soudan, c'est qu'il va perdre le Sud, et conserver des dirigeants corrompus et assoiff�s de pouvoir. Ainsi d�barrass� du Sud Soudan auquel il a vainement tent� d'appliquer sa th�orie, Omar El-Bechir va s'employer � approfondir l'option islamiste. Il expurgera ainsi la Constitution du nouvel Etat de tout ce qui n'est pas conforme � sa vision de l'Islam. �Si le Sud choisit la scission, la Constitution du Soudan sera r�vis�e. D�s lors, dit-il, il n'y aura plus de place pour le discours sur la diversit� ethnique et culturelle. L'islam et la Charia seront les sources fondamentales de la l�gislation.� Le r�dacteur en chef du quotidien saoudien Alhayat, Ghassan Charbel, se dit surpris et attrist� par les propos de Omar El-Bechir, en tant que Libanais qui s'inqui�te pour le devenir de son pays. Il s'�tonne d'abord que les dirigeants soudanais puissent consid�rer comme in�luctable la scission du Sud, et qu'ils s'en r�jouissent m�me par avance. �Est-il normal, rel�ve-t-il, que la disparition de la diversit� soit source de liesse, alors que l'on assiste au d�chirement de la carte g�ographique du pays ? Et qui dit que la tentation du divorce se limitera � la partie sud du pays seulement ? Les pays arabes devraient s'inqui�ter de ce qui va se passer au Sud Soudan, et de ce qui se passe au Kurdistan irakien, car ces �v�nements sont les pr�mices de la saison des s�parations et de la partition des pays et des Etats�, avertit Ghassan Charbel. Une inqui�tude similaire se lit dans la contribution que l'�crivain et opposant syrien, Yassine Hadj-Salah, publie dans les m�mes colonnes et o� il s'arr�te sur cette �victoire annonc�e� qu'est la partition. �Le triomphe serait encore plus grand, ironise-til, si le Darfour et d'autres r�gions de l'Est soudanais faisaient leur scission, en plus du Sud, assurant ainsi une homog�n�it� totale � un Soudan, d�barrass� du discours sur la diversit� des races et des cultures. C'est sans doute ce qui int�resse Omar El-Bechir : une soci�t� sans diversit�, sans divergences et sans voix discordantes.� Yassine Hadj- Salah rappelle opportun�ment que Omar El- Bechir a fait l'apologie de la flagellation comme ch�timent islamique. R�pondant aux critiques r�centes concernant cette sentence inflig�e � une jeune femme, le potentat soudanais � affirm� qu'il serait intransigeant sur l'application de la Charia. �Que ceux qui ont �t� choqu�s par le ch�timent du fouet inflig� � cette femme s'acquittent des ablutions rituelles, qu'ils fassent deux g�nuflexions, et qu'ils reviennent � l'Islam.� L'Islam qui se r�sume, aux yeux d'Omar El-Bechir, � la flagellation, � l'amputation des membres et � la peine de mort. On peut l�gitimement penser que ce sont ces id�es r�trogrades sur l'Islam qui s�duisent le plus les dirigeants arabes, peu enclins � la s�v�rit� envers le pr�sident actuel du Soudan. M�me l'Egypte, voisin imm�diat du futur d�pec�, qui a toujours proclam� le Soudan comme sa profondeur strat�gique, se tient coi. Il est vrai que les Egyptiens ont des probl�mes autrement plus urgents � r�gler comme le sauvetage du r�gime, par l'intronisation d'un �Moubarak Deux�. Mais la pilule a des difficult�s � passer, et dans l'attente, les �ditorialistes de la presse aux ordres s'�talent sur l'int�r�t accru que le pr�sident accorde aux pauvres. L'un d'eux s'est extasi� sur l'expression �Nous avons tous �t� pauvres�, utilis�e par Moubarak pour couper court au discours trop �logieux du pr�sident. On reprend aussi sur tous les airs les d�clarations du m�me pr�sident sur sa bonne sant� et sa vigueur retrouv�es. Les rares journalistes opposants ne peuvent que d�plorer, quant � eux, cette �r�surrection� qui annonce encore des jours plus p�nibles pour le pays. Donn� comme agonisant, il y a quelques mois, Hosni Moubarak se propose ainsi comme alternative en attendant que le temps fasse son �uvre et que les divisions de l'opposition se chargent du reste. Ils ne doutent de rien, au sein du clan Moubarak, et ils ne se perdent pas en tergiversations, en fignolages et en respect des apparences. Chez les Moubarak, il y a une fa�on de g�rer la succession qui devrait faire �cole : on annonce d'abord la candidature plus que probable du fils prodige, Djamal, aux �lections de 2011. Devant les r�action s n�gatives et les lev�es de boucliers, on fait marche arri�re : si ce n'est pas le fils, ce sera donc le p�re. La m�thode brevet�e se vend bien � en croire les applications observ�es chez les acqu�reurs les plus r�cents. Alors que les Egyptiens savent � quelle sauce ils vont �tre assaisonn�s, nous demeurons toujours dans l'ignorance du futur candidat � la succession. Pendant vingt-quatre heures, on a cru savoir enfin, mais un d�menti cinglant est venu nous rappeler qu'il ne fallait pas prendre des vessies pour des lanternes. On aurait pu croire en un d�but de r�ponse, il y a quelques jours, avec la d�claration de Belkhadem niant toute vell�it� personnelle de solliciter les suffrages populaires. Il a affirm� qu'en l'�tat actuel des choses, le seul candidat s�rieux � sa propre succession, c'est Bouteflika lui-m�me. Toute l'Alg�rie a pouss� un soupir de soulagement en entendant le SG du FLN proclamer qu'il n'avait pas encore d'ambitions pr�sidentielles. Mais, patatras ! En annon�ant le nom du candidat du FLN pour le prochain mandat, Belkhadem a cru bon de mettre l'affaire au conditionnel et d'enfermer son favori dans la formule : �Si Dieu lui pr�te vie.� Nous sommes de bons croyants, mais cette pirouette qui nous renvoie au bon vouloir de la divine providence ne nous dit rien qui vaille. A quel taux faudra- t-il rembourser ce pr�t ?
A. H.

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