
Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE Égypte, 2011 commence mal
Par Hassane Zerrouky
L’attentat contre une église copte d’Alexandrie a ravivé les tensions
entre musulmans et chrétiens coptes. Le nombre de ces derniers tourne
entre neuf et dix millions de personnes. Ce qui n’est pas rien. Beaucoup
d’Algériens l’ignorent car le discours officiel et les médias égyptiens
occultent carrément cette réalité. Et puis, pour des raisons de
leadership islamique que lui dispute le wahhabisme, El Azhar soutenu par
le régime de Moubarak veille à ce que l’Egypte soit considérée comme le
phare de l’islam sunnite mondial ! Aussi les coptes sont-ils vus par
cette frange de l’islamisme politique et radical comme quelque chose
d’anormal dans cette Egypte en voie d’islamisation rapide ! Pour les
besoins de la cause, les médias proches de la mouvance islamiste les
montrent du doigt. Ainsi un banal fait divers, voire une fugue
amoureuse, peut-il vite se transformer en affaire politico-religieuse.
L’histoire de Wafa Constantine et de Camilla Shehata, toutes deux
épouses de prêtres coptes, est de ce point de vue illustrative. En ce
qui concerne la première, c’était en décembre 2004, les islamistes et
les médias qui en sont proches affirmaient mordicus que Wafa avait
quitté son époux après s’être convertie à l’islam, avant de regagner son
domicile sur pressions policières, puis d’être finalement enfermée,
dixit encore les islamistes, dans un couvent. Le cas de Wafa avait alors
provoqué de vives tensions entre les musulmans et les coptes. La seconde
affaire, celle de Camilla Shehata, 25 ans, remonte au 28 juillet
dernier, jour de sa prétendue disparition, avant qu’elle aussi ne
regagne son domicile, et ce, grâce également aux bons soins de la police
de Moubarak. Pour les coptes, elle aurait été enlevée par des
fondamentalistes pour la convertir à l’islam, pour les islamistes, qui
ont organisé des rassemblements de protestation au Caire pour dénoncer
sa séquestration, Camélia est aujourd’hui enfermée contre son gré dans
un couvent quelque part en Egypte ! Ces vraies-fausses conversions des
deux femmes et leur non moins vraies-fausses séquestrations dans des
couvents ont suffi pour que l’islamisme radical s’en empare. D’abord par
le biais du numéro deux d’Al-Qaïda, Aymen Zawahiri. «Avons-nous oublié
les pressions américaines pour envoyer Wafa Constantine et ses sœurs
dans les salles de torture souterraines des couvents, sous protection du
pouvoir américano- croisé ?» s’interrogeait-il dans une vidéo datée du 3
mars 2006, complaisamment diffusée par Al Jazeera. Ensuite, par l’Etat
islamique d’Irak (ISI) branche irakienne d’Al-Qaïda. L’ISI a justifié
l’attentat commis le 31 octobre dernier contre l’église syriaque
catholique de Bagdad (58 morts dont beaucoup d’enfants) en invoquant le
sort de Camilla Shehata et Wafa Constantine et d’autres filles
musulmanes, chrétiennes à l’origine qui, selon l’ISI, sont «emprisonnées
dans des monastères» en Egypte ! Et de menacer de «faire exploser» les
lieux de culte copte au moment «où ils seront remplis» ! C’est ce qu’ils
ont fait vendredi dernier à Alexandrie, provoquant la mort de 21
personnes. Dans cette histoire complètement dingue, le régime égyptien
s’est borné à éluder la menace islamiste. Pour rappel, bien avant
l’Algérie, le président Moubarak, à la suite de son prédécesseur Anouar
Sadate, a mis en selle les islamistes. Au fil du temps, le régime
égyptien n’a cessé de leur céder des espaces. Il continue de fermer les
yeux sur certains agissements d’El Azhar qui, de crainte de se voir
dépassé sur sa droite, multiplie les anathèmes et autres appels à la
censure d’œuvres et d’écrits jugés non islamiques. De plus, c’est ce
même régime qui a décidé d’interrompre les émissions de télé et de radio
cinq fois par jour pour la prière, avant que l’Algérie ne lui emboîte le
pas ! De concession en concession, la greffe islamiste radicale a fini
par prendre et contaminer une grande partie de la société égyptienne au
point qu’aujourd’hui les actes d’intolérance commis contre des
non-musulmans sont devenus monnaie courante et que le pays court le
risque d’une confrontation interconfessionnelle.
H. Z.
|