Actualités : CONSTANTINE
Émeutes en série


En raison de la propagation effrénée des émeutes aux quatre coins de la ville, les agents de l’ordre et les brigades antiémeutes auront vécu une nuit d’enfer. La colère qui couvait à Constantine a donc fini par être extériorisée dans la soirée de jeudi avec une synchronisation pour le moins étonnante.
Oued-El-Had, Ziadia, Faubourg Lamy, Bekira, la cité El-Bir, les 4e et 13e BK et même la nouvelle-ville Ali-Mendjeli ou encore les communes de Zighoud- Youcef et Hamma- Bouziane sont autant de quartiers et d’agglomérations qui constituent les foyers des émeutes qui ont marqué, dans la nuit de jeudi, la capitale de l’Est. Routes barricadées par des troncs d’arbre, bennes à ordures, grosses pierres et pneus brûlés, échanges d’hostilités avec les forces de l’ordre et slogans antipouvoir ont été au menu des émeutiers qui ont, toutefois, épargné les biens publics ou privés si l’on excepte quelques abribus saccagés çà et là. A Zighoud-Youcef, par contre, les dégâts sont importants puisqu'un lycée et un technicum ainsi que le siège de la commune ont été saccagés par des manifestants déchaînés. A la cité El-Bir, qui aurait été le point culminant de l’expression de la grogne constantinoise, des tirs de sommation pour disperser les manifestants auraient été entendus par les habitants. Une cité où les traces des violences de la veille étaient encore visibles, tôt dans la matinée d’hier. Plusieurs barricades y ont été dressées, rendant ce quartier inaccessible. Les jeunes, dont des adolescents, certains portaient encore les stigmates d’une nuit de folie, étaient aux aguets dès les premières lueurs du jour. On ne susurrait plus rien. Le rendez- vous «après la djmouaâ» est clamé ostentatoirement par certains d’entre eux. Une manière de dire que la répression ne leur fait plus peur. Se faire accepter comme journaliste qui a juste besoin de savoir ce qu’ils pensent des évènements auxquels ils prennent part est très difficile mais il est parmi eux qui ne manquent pas de discernement. A s’y méprendre, ces jeunes-là sont parfaitement au fait des atermoiements du sérail. «La hausse des prix des produits de première consommation n’est que la goutte qui a fait déborder le vase. Nous sommes sortis dans la rue pour exprimer notre ras-le-bol et notre révolte contre la hogra, la corruption, la bureaucratie, la discrimination et le chômage. Nous sommes gouvernés par des incompétents et des mal-élus qui s’engraissent sur notre dos. Il n’y a aucune équité sociale. L’argent public profite aux riches alors que les gens pauvres sont laminés chaque jour davantage par le poids des charges imposées uniquement aux plus démunis. Les policiers ! Mabrouk alihoum les 50% d’augmentation, mais si cela doit servir à l’épaississement du bâton et de la matraque de la répression, nous saurons nous y opposer, y compris pour exiger l’incinération des équipements antiémeutes acquis récemment à coups de milliards. A quoi sert cet arsenal dans un Etat qui se dit de démocratie et de dialogue ? Nos voisins tunisiens ne sont-ils pas réellement plus en avance ? Leur niveau de vie est supérieur au nôtre, ils bénéficient d’une meilleure couverture sociale. Ils se sont soulevés cependant et leur gouvernement a aussitôt pris des mesures concrètes. Chez nous, un pays beaucoup plus riche, nous ne récoltons que répression, mépris, fausses promesses et langue de bois. On ne s’adresse à ce peuple qu’à l’occasion des rendez-vous électoraux… Bezzaf ya khouya bezzaf.» Le jeune émeutier auteur de cet enchaînement tonitruant témoignait presque au bord des larmes. Un témoignage qui renseigne sur le malaise qui ronge ses semblables aux quatre coins du pays, lesquels ont choisi ce début 2011 pour dire «barakat» ! Des sources hospitalières ont avancé le nombre de huit blessés durant cette nuit d'émeutes dont cinq policiers. Hier, un calme précaire régnait à Constantine en début de journée. Les agents de la commune peinaient à déblayer le terrain dans une tentative d’effacer toute trace d’une nuit agitée. Les barrages de police fixes ont tous été levés, car non seulement ils constituent une cible de choix pour les émeutiers mais en plus, tout le personnel de la police a été réquisitionné pour parer à tout débordement. Les émeutiers, eux, n’ont pas tardé à revenir à la charge, puisqu’ils n’ont même pas attendu la fin de la prière du vendredi, comme ils l’avaient promis, pour réinvestir la rue suivant le même procédé, comme ce fut le cas à Djenane Ezzitoune et à Aïn-Smara. Dans ce quartier, ils n'ont pas hésité à incendier deux bus stationnés à la gare routière communale et à en saccager deux autres. Après des échauffourées avec des agents de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de tirs de sommation, les émeutiers de Aïn- Smara ont encerclé le siège de l'APC. A Hamma- Bouziane, six gendarmes ont été blessés lors des affrontements qui se sont soldés par des arrestations. La situation à Constantine est restée tendue et il est à craindre que les émeutes se généralisent et deviennent incontrôlables.
K. G.



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