
Actualités : LA POLICE BLOQUE LE RCD À LA RUE DIDOUCHE-MOURAD Le siège assiégé
La Sûreté nationale a mis en place, hier, rue Didouche- Mourad, un dispositif policier impressionnant au niveau du bureau régional du Rassemblement pour la culture et la démocratie. Objectif : empêcher à tout prix les militants et les sympathisants du RCD de rallier la place du 1er-Mai.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - La rue Didouche-Mourad, une des
principales artères d’Alger, a rarement connu un tel dispositif
policier. Hier, aux environs de quatre heures du matin, des centaines de
policiers anti-émeutes ont pris position devant le siège régional du
Rassemblement pour la culture et la démocratie. A l’intérieur, de
nombreux militants ont passé la nuit à préparer la marche organisée par
leur parti. Mais rien ne se passera comme prévu. Neuf heures, les
marcheurs tentent de quitter le siège pour rallier la place du 1er-Mai,
point de départ de la manifestation. Sans succès. Les éléments des URS
(Unités républicaines de sécurité) s’y opposent fermement. Casque sur
les têtes, gourdins et boucliers aux mains, les policiers dressent un
solide barrage face au portail principal de la bâtisse. Les militants ne
comptent pas se laisser faire. Ils multiplient les tentatives pour
forcer le mur bleu. Les premiers coups de matraque fusent, obligeant les
manifestants à opérer un repli stratégique. Ils se remettent sur les
marches, prennent leur élan et se jettent sur les boucliers. Les assauts
se multiplient mais le barrage ne cède pas. La raison est simple : les
policiers sont plus nombreux que les manifestants ! En fait, ils sont
partout. Le dispositif sécuritaire ne se limite pas uniquement au siège
du RCD, il s’étale sur plusieurs centaines de mètres tout le long de la
rue Didouche-Mourad. L’objectif est double : éviter que les marcheurs ne
sortent du périmètre et, surtout, empêcher tout mouvement de foule sur
cette artère.
«BoutAli»
Dix heures, la tension ne baisse pas. Le député Nordine Aït- Hamouda
se met au balcon, face à la foule, et scande des slogans hostiles à
Bouteflika et au pouvoir. Les militants reprennent en chœur. Puis c’est
au tour de Saïd Sadi de faire une première apparition. «Moi je ne
connais pas Bouteflika. Je ne connais que BoutAli», lance le président
du Rassemblement pour la culture et la démocratie. La boutade provoque
un éclat de rire général. Le lien entre Bouteflika et Ben Ali tient en
un seul mot. Il faut dire que le RCD a tenu à afficher ouvertement son
soutien à la révolution du peuple tunisien. Les drapeaux des deux pays
ont été accrochés sur la façade principale de son siège. Mais l’heure
tourne et les militants ne parviennent toujours pas à passer au-delà du
dispositif sécuritaire des URS pour rallier la place du 1er-Mai. Les
assauts sont menés par les députés du RCD. Lila Hadj Arab, Mohsen
Belabes, Athmane Mazouz, Boubkeur Derguini et Arezki Aïder forment le
fer de lance.
Matraquage et interpellations
La situation dégénère subitement lorsque des policiers décident
d’interpeller Lila Hadj Arab. Athmane Mazouz tente de s’interposer. Le
président du groupe parlementaire du RCD à l’Assemblée parvient à tirer
vers lui la député mais finit par recevoir un violent coup de gourdin
sur la tête. La réaction des policiers provoque un mouvement de foule.
Arezki Aïder est interpellé puis jeté dans un véhicule de police. Le
député Mohamed Khendek parvient à le rejoindre pour l’extirper du panier
à salade. Difficile de mettre en avant l’immunité parlementaire en
pareille situation. Dix heures quarante-cinq. Saïd Sadi décide d’animer
un point de presse à quelques minutes du début de la manifestation. Les
journalistes, présents en force au siège régional d’Alger, sont invités
à descendre au sous-sol. Le président du RCD commence par dresser un
premier bilan de la situation. Il annonce que de nombreuses personnes
qui tentaient de rallier la capitale ont été interpellées par les
services de sécurité. Selon lui, même les cités universitaires ont été
encerclées pour empêcher les étudiants de manifester au
Champ-de-Manœuvre. «Ce n’est pas l’état d’urgence, c’est l’état de
siège», relève-t-il.
Marche impossible
Le RCD maintient-il pour autant sa marche face au dispositif policier
exceptionnel ? «Il nous est impossible de quitter le siège. Nous ne
pouvons pas marcher», répond Sadi. Il explique, toutefois, que le 22
janvier n’est pas «une finalité» mais «le début» d’un vaste mouvement. A
l’extérieur, la tension ne baisse toujours pas. Les militants tiennent
absolument à sortir. Les policiers tentent de gérer la situation. Ils
alternent dialogue et matraquage. Trois autres blessés sont encore à
déplorer. Ils sont pris en charge par des éléments de la Protection
civile. En fait, le RCD n’est pas seul à manifester devant son siège.
Des membres du collectif des clients de Khalifa Bank entrent en action.
Ils brandissent une pierre tombale recouverte de l’emblème national. Par
ce geste, ils dénoncent la situation qu’ils subissent depuis plusieurs
années. Midi trente. Les militants tentent un baroud d’honneur. Ils
parviennent à ouvrir une brèche dans le dispositif des policiers puis
courent en direction de l’hôpital Mustapha-Pacha. Leur tentative
s’arrêtera nette une cinquantaine de mètres plus loin. Ils font face, de
nouveau, à un barrage de policiers. Retour sur le perron du siège
régional. Treize heures trente. Saïd Sadi improvise un autre point de
presse dans son bureau. «Nous arrêtons tout pour aujourd’hui. Mais on se
revoit dans deux ou trois jours.» A l’extérieur, face au siège du RCD,
un petit groupe de jeunes gens scandent des slogans pro-Bouteflika.
Quelques «éléments perturbateurs» dont l’objectif est de provoquer les
militants du RCD. Ils seront finalement repoussés par les policiers,
évitant ainsi tout risque de confrontation.
T. H.
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