Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Mazal ou mazal !


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Semaine exceptionnelle, forme exceptionnelle ! Ou plut�t m�forme ! Eh, oui, cette chronique abandonne, une fois n�est pas coutume, son allure d�agenda pour �pouser celle d�un journal de marche conjectur�. C�est toujours comme �a, l�occasion fait le larron. L'ennui avec la presse, c�est de devoir commenter le r�sultat du match avant qu'il n'ait eu lieu.
Tenu de remettre la copie avant la fameuse marche du 12 f�vrier, j'en suis r�duit � sp�culer. Quand vous lirez le fruit de mes cogitations, elle se sera d�j� d�roul�e � ou pas, �videmment � et vous aurez tout loisir de mesurer mon incurie anticipative. Je suis comme tout le monde, saisi par une euphorie m�l�e de crainte devant ce qui me para�t �tre un tournant dans la vie de ce pays qui en a connu d�autres et pas que des doux. Mais on a l�impression que l�Alg�rie a, pour emprunter � cette langue de bois que j�adore, rendez-vous avec son destin. C�est difficile et triste � dire : rendez-vous avec le destin pour une marche !!! Il s�agit d�un peuple qui atteint bient�t son demi-si�cle d'ind�pendance et qui a, pendant toutes ces ann�es, lutt� quotidiennement contre la tyrannie. Pourtant, celle-ci demeure. 200 000 morts ? Mazal ! 9 000 �meutes par an ? Mazal ! Corruption � grande �chelle ? Mazal ! Violence contre le peuple ? Mazal ! Que faut-il de plus ? Pour prosp�rer, le pouvoir des requins doit d�vorer jusqu�� la derni�re goutte de sang le peuple des poissons ! A l�heure o� je te cause, toute la nation est convoqu�e devant une boule de cristal. Que va-t-il se passer ? Comme tout projectiviste amateur qui se respecte, je m'amuse donc � dresser des scenarii couvrant toutes les palettes des possibilit�s pour �viter de se planter. Mais h�las, trois fois h�las, ce r�gime est tellement �gal � lui-m�me, tellement autiste, autoritaire, et � tel point insensible � la marche du monde, qu'il ne nous laisse presque aucune latitude de nous gourer. Du Moubarak pur hiloua ! Ce n�est pas la premi�re fois, d'ailleurs, que l�on prend � l��gypte ce qu�elle a de pire. Autant dire que, h�las, trois fois h�las, seul l'un de ces scenarii risque de s'av�rer. N�anmoins, il n'est pas interdit de r�ver.
1- Le sc�nario idyllique
Touch� par la gr�ce, le pouvoir de Bouteflika et son assise ont entendu � enfin ! � les profondes aspirations charri�es par la marche protestataire. Il aura �videmment lev� l'�tat d'urgence, re�u les principaux repr�sentants des courants qui appellent � la marche avec lesquels il aura engag� des n�gociations sur la base de revendications connues de longue date et �tudi�es s�rieusement par le gouvernement. Ce dernier, �videmment, aura pris les dispositions politiques et pratiques n�cessaires, avant de pr�senter sa d�mission, pour que le peuple sur le bien duquel il veille puisse s'exprimer. Le jour dit, des milliers de personnes d�filent dans les rues d'Alger en scandant le slogan emprunt� aux Tunisiens et aux �gyptiens : D�gage ! Mais il est dit sur un ton� disons� civilis� : du vent ! Le pr�sident Bouteflika, � l'�coute de son peuple, comme il se doit, discute avec les repr�sentants des diff�rents secteurs de la nation, les proc�dures de son retrait et l'instauration d'une transition indolore vers un syst�me plus d�mocratique. D�s la fin de la marche, un communiqu� de la pr�sidence nous apprend que, sensible au sentiment populaire, le pr�sident de la R�publique a accompli le geste patriotique de se retirer. Il annonce �galement la constitution d'un gouvernement d'union nationale transitoire charg� de pr�parer une �lection pr�sidentielle r�ellement pluraliste et transparente, ainsi que des l�gislatives qui m�neraient au Parlement les vrais repr�sentants de la population au lieu et place des moutons actuels qui se targuent d��tre la majorit�. A la fin de cette journ�e historique, le pouvoir alg�rien aura donn� au monde l'image magnifique d'une institution agissant au profit de la paix sociale et de l'int�r�t du peuple. Applaudissements !
2- Le sc�nario m�dian
R�veill�, le pouvoir r�pressif autorise finalement la marche dont il a si peur. Mais, en amont, il y injecte des milliers de provocateurs ayant pour t�che de la d�voyer et de la criminaliser. Il y aura eu de la casse, des bless�s, peut-�tre m�me des morts, mais lui, le pouvoir, se targuera d'avoir fait preuve de grandeur d�mocratique en autorisant la manifestation. De nombreux ministres claironneront ne pas �tre responsables de la casse, omettant bien �videmment de mentionner que les casseurs �taient une injection des pandores. Il dira, par exemple, que l'�tat d'urgence est lev� mais que les probl�mes d'infrastructures urbaines � exigu�t� des rues, nuisance cadastrale, p�nurie d'eau emp�chant les marcheurs de se d�salt�rer... enfin tout et n'importe quoi � sont � la base de la difficult� � autoriser les manifestations. Ce n�est pas pour des raisons politiques. Jamais ! C�est juste qu�on pense au confort des manifestants, c�est tout ! Apr�s la marche, le pouvoir aura d�montr�, une fois encore, que tout �a, c'est la faute du peuple, et que lui, le pouvoir, se contentera de faire avec ce peuple plut�t que de le dissoudre et d'en cr�er un autre. R�sultat, quelques bless�s, peut-�tre des morts, et �a reprendra de plus belle...
3- Sc�nario catastrophe
Sans aucun �gard pour la vie des citoyens, ils ont tir� ?... Mais non, on n�est plus en 1988, patate ! S�ils tirent et que le r�gime tombe, o� iront-ils ? T�as vu un peu Ben Ali, il sait plus o� cacher sa pr�cieuse t�te ! Et ses s�ides ? Eux aussi, un jour, on les remontera � l�hame�on de la justice internationale ! Ils feront faire le boulot par d�autres. Par exemple, on incitera des casseurs aux ordres � obstruer les routes qui m�nent � Alger ! C�est gros comme les ponts et chauss�es, leur truc, mais ils n�en sont pas au ridicule pr�s ! Ils feront venir 20 000 policiers pour emp�cher les marcheurs d�exprimer leur ras-le-bol d�un pouvoir-de-propri�taires-du- pays ! Y a que �a qu�ils savent faire : emp�cher, faire taire, museler, taper, frapper ! C�est tout ce qu�ils savent faire ! Gouverner pour eux, c�est �a : s�en mettre plein les poches et massacrer tous et tout !
A. M.

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