Périscoop : HUMEUR
Les nouveaux galériens


Par Tarik Aït-Menguellet
Il fait beau aujourd'hui, ce n'est pas l'été mais le soleil est radieux, seul au milieu de l'azur. Je n'aime pas le mauvais temps ; quand je vois des nuages, mon ciel s'assombrit ; quand il pleut, je fonds en larmes, et je suis loin de partager la bonhomie de la neige, ça me laisse de glace.
De tout côté, je voyais la mer à perte de vue, mon esprit battait la campagne en plein océan, une brise marine me caressait le visage quand une voix rude brisa ma rêverie solitaire : - Hé mon bonhomme ! Au lieu de rêvasser et de te mirer dans l'eau, tu devrais plutôt ramer. Y a plus de carburant, y a pas un souffle de vent, alors tu rames. - OK, c'est bon, pas la peine de s'énerver. Alors, même si ramer ne rimait plus à rien, je souquais ferme sans plus mater l'eau. Lorsque nous avions pris place dans ce canot, serrés comme des sardines, le type louche qui nous avait vendu nos places et à qui nous avions vendu nos âmes nous avait dit : la côte espagnole ? C'est juste à côté, je pourrais y aller à la nage. Cela me fit penser aux Touareg du désert qui vous montrent la direction d'une ville, à des centaines de kilomètres, juste du bout des lèvres, comme si elle était derrière la prochaine dune, alors qu'il en fallait des dunes et des lunes pour y arriver.
- Hé toi, tu t'appelles bien Tariq ? me héla l'un des rameurs.
- Oui, pourquoi ?
- Ah ! Tu portes un nom admirable, celui de Tariq Ibn Ziyad, qui a ouvert l'Andalousie !
- Tu peux pas plutôt la fermer ?
Il doit se retourner dans sa tombe, Tariq Ibn Ziyad, s'il savait que de l'Andalousie, il ne nous reste que la musique. Finalement, le ciel n'est plus d'azur, des nuages menaçants s'amoncellent déjà au loin et la barque commence de tanguer. Et dire que je me noyais dans les soucis et le chagrin, là je vais me noyer tout court ; et dire que j'adorais manger du poisson, là, ils vont drôlement se venger ! Mais, ouf, voilà qu'arrive un bateau des gardes-côtes espagnols, ils vont nous sauver, même s'ils vont nous caresser les côtes au passage. Après avoir quitté la terre ferme, c'est la prison ferme qui nous attend.
T. A.-M.



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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/02/27/article.php?sid=113449&cid=3