Actualit�s : SP�CIAL 8 MARS

-Elles font des m�tiers d�hommes
-Bribes de vies de femmes inconnues
-Combat f�ministe la�que en Alg�rie et en Tunisie
-Joies et tristesses de femmes berb�res du mont du
Chenoua, des djebels de Menaceur et de Gouraya



Combat f�ministe la�que en Alg�rie et en Tunisie

Deux militantes f�ministes, l�Alg�rienne Soad Baba-A�ssa et la Tunisienne Nadia Chaabane, toutes deux au c�ur du combat pour la d�mocratie dans leurs pays, nous parlent chacune du combat qu�elles m�nent de longue date pour le droit des femmes. Aucune r�volution citoyenne, aucune d�mocratie ne peut se faire sans la libert� des femmes qui sont les premi�res victimes des r�gimes autoritaires. Le combat n�est pas d�aujourd�hui, il prend cependant un tournant particulier dans nos pays arabes qui vivent un tournant important qui appelle toutes les femmes � exiger que soit inscrit dans les constitutions un rempart indispensable : la s�paration du religieux et du politique.

SOAD BABA A�SSA :
�Nous voulons que nos revendications soient clairement inscrites�

Propos recueillis par Khadidja Baba-Ahmed
Soad Baba-A�ssa est membre de la Coordination nationale pour le changement et la d�mocratie Coordination France et membre du PLD et de l�IFE, u n r�seau de solidarit� internationale de f�ministes des 27 pays de l�Europe et du pourtour m�diterran�en pour faire entendre la voix des femmes afin qu�elles aient une vraie visibilit� politique, sociale et pour la la�cit�. Elle participait samedi � Paris, au nom de la Coordination France de la CNCD, � la marche des femmes pour l��galit�, la libert� et la dignit�. Nous l�avions rencontr�e la veille. Elle nous explique son combat de femme qui �ne saurait ja mais �tre un combat distinct de ceux que m�ne toute la soci�t� alg�rienne pour la d�mocratie, la libert� et la dignit�.

Le Soir d�Alg�rie : Dans les mots d�ordre de la CNCD ne figure aucune revendication f�ministe explicite. Comment expliquez-vous cela ?
Soad Baba-A�ssa :
Il faut d�abord que je vous souligne que nous sommes totalement solidaires de la Coordination France de la CNCD et de toutes les actions de la Coordination en Alg�rie. Pour ce qui concerne notre lutte f�ministe, nous avons saisi l�occasion de la Journ�e internationale de lutte pour le droit des femmes pour faire une proposition � la CNCD en vue d�inscrire l�abrogation du code de la famille et l�officialisation de la langue amazighe et la pluralit� culturelle dans la liste des revendications.
Mais elles ne figurent pas dans leurs exigences.

Elles ne figurent effectivement pas, m�me si elles sont sous-entendues dans les intitul�s des autres revendications. Mais en ce qui nous concerne, nous voulons que ce soit clairement exprim�, et ce, pour la raison suivante : rappelez-vous, au lendemain de la guerre de notre ind�pendance que s�est-il pass� ? Les anciennes moudjahidate, lorsqu�elles ont voulu s�impliquer dans la vie politique, on leur a dit �retournez � vos fourneaux, � vos r�les d��pouses, de m�res, c�est l� qu�est votre place. On va construire le socialisme, il y a des priorit�s�. Au nom de ces priorit�s, on nous a sorti un statut personnel dont on conna�t la teneur, un code inique. Nous n�allons donc pas se faire avoir encore une fois dans cette phase de lutte pour le changement d�mocratique. En 1988, par exemple, les Alg�riennes ont �t� � l�avant-garde pour faire sonner le glas de l�islamisme. Lorsque Bouteflika est arriv� au pouvoir, malgr� toutes les promesses qu�il a faites sur une soi-disant abrogation � certains nous diront qu�il a parl� d�amendement des articles les plus discriminatoires � il a plut�t �t� � l��coute de la frange des islamistes et fait alliance avec au lieu de prendre en compte ce � quoi aspiraient la soci�t� civile et la moiti� de la population alg�rienne. Aujourd�hui, dans cette phase-l�, nous voulons que nos revendications soient clairement inscrites.
Sur le pan de la lutte en Alg�rie, quelle est votre analyse du mouvement f�ministe alg�rien. Est-ce qu�il existe r�ellement ? Est-ce qu�il est structur� ? A-t-il une r�sonance au sein de la soci�t� alg�rienne ?

Oui, le mouvement existe. Il a du mal � se structurer et bute sur les m�mes difficult�s que toutes les instances d�mocratiques qui essayent d��merger en Alg�rie. L�on est face � des associations qui manquent de moyens logistiques, de subventions et lorsqu�elles en ont, elles ont des difficult�s � faire �merger leurs revendications. Il faut souligner le travail fait par le Centre d�information et de documentation sur les droits de l�enfant et de la femme (Ciddef) avec Nadia A�t Za�, Cherifa Kheddar avec l�Association des victimes du terrorisme, Cherifa Bouatta et nombre d�autres qui font beaucoup � diff�rents endroits et diff�rents plans� M�me si, parfois, elles ont des difficult�s et du mal � toujours se retrouver, elles ne l�chent pas prise. A l��poque, nous avions eu le RAFD qui a fait un tr�s gros travail. Malheureusement, le mouvement f�ministe a subi, apr�s 1988, des coups comme tous les mouvements d�mocratiques qui voulaient faire �merger les attentes citoyennes. Le mouvement existe cependant aujourd�hui et tente, malgr� le manque de moyens, de se rendre plus visible qu�il n�est.
Le syst�me r�pressif est-il pour quelque chose dans ce manque de visibilit� ?

Bien s�r que oui. J�ai �t� �tonn�e � l�occasion du 8 mars l�ann�e derni�re � Alger, de voir qu�il n�y avait pas de marche. Mieux encore, l�on est en train de faire comme certains pays occidentaux qui ne parlent pas de �journ�e internationale de lutte pour les droits des femmes� mais de �f�te des femmes� avec des concerts, des distributions de prix, de sodas� M�me lorsque l�on organise des colloques sur les probl�matiques de libert� de la femme, l�on se retrouve malheureusement entre nous, entre personnes averties.
Justement, est-ce que cela ne proc�de pas d�un ciblage sur la seule femme alors que, par exemple, le code de la famille int�resse toute la soci�t� et partant devant impliquer dans la lutte le spectre le plus large pour son abrogation, femmes et hommes ?

L�abrogation du code de la famille concerne naturellement tous les citoyens, Alg�riens et Alg�riennes. Aujourd�hui, lorsque l�on exige un changement d�mocratique et que l�on exige des lois civiles �galitaires, l�on sait tr�s bien qu�il faut passer par la s�paration du religieux et du politique. Ce n�est pas en pactisant avec les islamo -conservateurs que l�on arrivera � l�abrogation du code.
A ce propos, vous menez un combat pour la la�cit� au sein du PLD qui l�a m�me inscrite dans son appellation, dans son sigle d�identit�. Quelle est, selon vous, la perception de cette la�cit� au sein de la soci�t� alg�rienne, sachant que jusqu�� tr�s r�cemment le terme m�me de �la�cit� �tait tabou ?
Cette id�e avance. Elle est en train d�avancer notamment chez les jeunes. Jusqu�ici, l�on a toujours diabolis� la la�cit� et emp�ch� de lui donner un contenu concret. Aujourd�hui, avec internet et les r�seaux sociaux, les jeunes se connectent sur le monde entier, entendent les d�bats sur la la�cit� et se rendent compte que la la�cit� est essentielle. Lorsqu�ils voient que certains autres jeunes sont emprisonn�s dans le pays parce qu�ils ne font pas Ramadan, ils s�aper�oivent qu�il ne s�agit pas simplement de la libert� de culte mais bien de la libert� de conscience. Ils se rendent compte aussi que le discours qui leur a �t� tenu sur le fait que la la�cit� �tait l�ath�isme, le communisme, �tait un mensonge et qu�il s�agit bien de la libert� de conscience de chacun. Au PLD, nous expliquons que l�on peut �tre musulman et la�c , catholique et la�c, ath�e et la�c, agnostique et la�c et que la la�cit� est le fait de s�parer le religieux du politique et que c�est la libert� de conscience pour chacun, quelles que soient ses croyances, ses non-croyances et ses convictions. Au PLD, nous avons cr�� une association nationale pour la la�cit� en Alg�rie. L�on est en train de se rendre compte que les jeunes sont tr�s demandeurs et prennent conscience que sans la�cit�, il ne peut pas y avoir d��galit� effective des droits et surtout de citoyennet� � part enti�re.
Aujourd�hui en France, o� vous vivez, le d�bat engag� par la droite sur la la�cit� ne vous met-il pas mal � l�aise parce que vous luttez pour cette la�cit� mais que manifestement ce d�bat cache en m�me temps l�exclusion de tout ce qui est autre, musulman, arabe, maghr�bin, �migr� ?
C�est vrai qu�aujourd�hui, nous les f�ministes la�ques, quelle que soit notre naissance cultuelle, nous avons toutes les m�mes probl�mes. Nous sommes confront�es � deux fronts et nous nous trouvons au milieu. On a le fait des extr�mistes religieux mais aussi l�extr�misme de droite qui est en train de se saisir de la la�cit� � des fins x�nophobes. L�on nous dit aujourd�hui que l�h�ritage culturel de la France est un h�ritage chr�tien. Je veux bien sauf qu�il faut peut-�tre rappeler que la loi sur la la�cit� date de 1905 alors que la France �tait un pays colonisateur � Alg�rie, Maroc, Tunisie �, mais que dans ces pays elle n�a jamais appliqu� cette loi dans ses colonies. L�indig�ne a toujours �t� renvoy� et maintenu � son statut de musulman. D�un autre c�t�, il y a le front de la gauche qui aurait d� s�emparer de la question de la la�cit� � des fins d��galit� de citoyennet� et qui se mure dans le silence, dans la complicit� et la complaisance de peur d��tre tax� de raciste. Cette attitude fait, bien s�r, la part belle � tous les extr�mistes et notamment aux islamistes. Ce que je reproche � cette gauche, c�est que pour moi, par exemple, qui suis fran�aise mais de naissance musulmane, elle n�arrive pas � me situer et veut obligatoirement me ranger dans une case, une identit� cultuelle � musulmane � avant d��tre citoyenne fran�aise. Nous sommes, nous f�ministes la�ques au milieu de ces deux fronts et l� est notre combat. Jusqu�ici, nous avons �t� tour � tour tax�es de racistes, d�occidentalis�es. Or, avec les r�volutions tunisienne, �gyptienne, les r�voltes iraniennes qu�est-ce qui se fait entendre ? Les femmes parlent dans ces pays de la�cit�, de s�paration du religieux de la politique et partant, elles donnent une v�ritable claque � tout ces discours qui voulaient faire de nous des occidentalis�es. Que l�on vive en Alg�rie, � Kaboul, � Tunis ou au Caire, toutes ces femmes veulent vivre comme toutes les citoyennes du monde, elles aspirent � la d�mocratie, � la libert� et � l��galit� des droits et ce sont ces principes- l� que nous d�fendons et pour lesquels nous luttons.
K. B.-A.

NADIA CHA�BANE, MILITANTE F�MINISTE TUNISIENNE :
�Nous nous sommes battues pour la libert� et la dignit�

Elle est membre du Collectif national pour les droits des femmes depuis sa cr�ation. Elle a, lorsqu�elle faisait ses �tudes � Paris, rejoint l�Union g�n�rale des �tudiants tunisiens, et milite aujourd�hui dans des associations de l�immigration ainsi que les associations de l�opposition tunisienne de gauche en France.

Le Soir d�Alg�rie : L�id�e g�n�ralement admise est que la femme tunisienne est la femme la plus lib�r�e du Maghreb. Cela est-il vrai dans les faits et si c�est le cas, comment pouvait-elle exercer cette libert� dans un Etat aussi r�pressif que celui que dirigeait Ben Ali ?
Nadia Cha�bane :
Il faut d�abord pr�ciser que la femme tunisienne a subi sous le r�gime de Ben Ali la m�me r�pression subie par l�homme tunisien. Les femmes tunisiennes jouissent effectivement d�un statut ind�niablement plus avanc� que le reste du Maghreb et plus globalement du monde arabe. C�est la promulgation du statut personnel qui date de 1956 qui a donn� effectivement une tonalit� un peu plus courageuse par rapport � l��poque. Il se trouve que depuis, ont �merg� des revendications de femmes qui n�ont �t� entendues ni par le r�gime de Bourguiba, ni par celui de Ben Ali. Les femmes demandent la cons�cration de l��galit� et la s�paration du religieux d�avec le politique parce que les entraves � l��galit� pour les femmes tunisiennes r�sident dans une assignation � l�identit� religieuse puisque les interdits tournent autour des questions d�appartenance. Il se trouve que vous ne pouvez pas �pouser un non-musulman si vous �tes tunisienne musulmane ; qu�une femme non musulmane mari�e � un Tunisien musulman n�h�rite pas de lui : l�on se retrouve finalement avec trois cat�gories de citoyens : l�homme musulman qui jouit de droits universels ; les Tunisiennes qui ont un peu moins de droits et celles qui ne sont pas musulmanes et qui en ont encore moins que les deux premiers. Pour mettre fin � cette discrimination flagrante et � ces in�galit�s, il n�y a qu�une solution : s�parer les deux sph�res du religieux et du politique de mani�re � pouvoir consacrer l��galit� et aller vers quelque chose d��galitaire en termes de droits. Ces revendications ne datent pas d�aujourd�hui. Il y a deux associations qui, depuis les ann�es 1980, reviennent sur cet aspect : l�Association tunisienne des femmes d�mocrates (ATFD) et l�Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le d�veloppement (AFTURD) et elles avaient du mal � se faire entendre notamment sur les questions d��galit� en mati�re d�h�ritage, la part d�h�ritage pour la femme �tant la moiti� de ce que per�oit l�homme. Ces associations avaient du mal � se faire entendre dans le sens o� elles �taient r�prim�es de la m�me mani�re que le reste de la soci�t� civile, que la Ligue des droits de l�Homme. Ces deux associations faisaient partie du bastion de r�sistance au pouvoir en Tunisie alors que ce pouvoir accaparait y compris le discours f�ministe. C��tait pratiquement la seule vitrine que la Tunisie avait � offrir, et Ben Ali brandissait syst�matiquement le statut des femmes tunisiennes comme �tant un des acquis de la modernit� de la Tunisie et confisquait ainsi l�expression des f�ministes. Il y a eu donc une instrumentalisation par le pouvoir des revendications f�ministes. L�enjeu d�aujourd�hui, alors que nous sommes en train de b�tir la d�mocratie, de construire un nouvel Etat b�ti sur de nouvelles valeurs est de remettre en d�bat les revendications f�ministes, de les poser comme pr�alable car ce pourquoi nous nous sommes battues c�est, faut-il le rappeler, la dignit� et la libert�. Qui dit libert� et dignit� entend �galit� des citoyens devant la loi. Nous sommes aujourd�hui face � un grand d�fi o� cette pr�occupation doit �tre reprise par toute la soci�t�.
Le nouveau Premier ministre tunisien, Beji Caid Essebsi, a confirm� qu�il y aura, comme exig� par les Tunisiens, une constituante le mois de juillet prochain. En m�me temps et pour l�instant, il parle de r�tablir la s�curit�, comme �tant la priorit� aujourd�hui. Comment comptez-vous agir et faire que la nouvelle Constitution tunisienne consacre toute la libert� et l��galit� de droits et son corollaire, la la�cit� que vous revendiquez ?
Ce n�est pas au Premier ministre actuel de dicter le reste. Nous attendons effectivement de lui aujourd�hui qu�il r�gle les probl�mes de s�curit�. Sa t�che est de faciliter et d�organiser le quotidien et de pr�parer les �lections de juillet. Nous n�attendons pas de lui qu�il insuffle du contenu et on ne veut certainement pas d�un ancien du Destour qu�il nous dicte le contenu de la nouvelle Constitution. Son r�le aujourd�hui est d�assurer la s�curit� dans la mesure o� la police n�est pas dans la rue et que l�arm�e ne peut pas g�rer toute seule cette situation, d�autant que nous sommes aujourd�hui face � un afflux de plus de 100 000 r�fugi�s qui viennent de Libye et qu�il faut organiser tout cela. Le Premier ministre est juste l� pour r�gler des probl�mes techniques. Quant � nous, il va falloir peser sur le d�bat.
Quel d�bat ?

Nous posons comme pr�alable � ce d�bat, que l�on ne confisque pas notre r�volution parce que cette r�volution nous y avons particip�, nous les femmes, au m�me degr�, au m�me niveau que tous les citoyens et que nous sommes engag�es dans toutes les formes de r�sistance qui existaient et existent encore dans la soci�t�. Il n�y a aucune raison que nous soyons les dindons de la farce.
Et votre combat, ici en France, puisque vous y vivez ?

Nous ne sommes pas loin de 600 000 Tunisiens en France, nous avons aussi une parole � faire entendre et des revendications sp�cifiques � porter. Nous constituons 10% de la population tunisienne � l��tranger et l�on ne peut rester en dehors du d�bat. Il faut que des m�canismes soient trouv�s pour que cette population participe au d�bat sur la future Constitution et que l�on travaille sur notre repr�sentation au sein du futur Parlement tunisien. Depuis des d�cennies, nous revendiquons d��tre repr�sent�es au Parlement et donc de participer aux l�gislatives.
Cela n�a jamais �t� le cas ?

Jamais. On nous a fait un pseudo conseil, des gens qui parlaient en notre nom mais que nous n�avions pas �lus et qui ne nous repr�sentaient pas. Il faut souligner que le 3e PIB de la Tunisie provient quant m�me de l�argent des �migr�s. Certaines r�gions de Tunisie ne survivent que gr�ce � l�argent de l��migration et celle-ci contribue � ce que cette population ne sombre pas dans la mis�re la plus totale. Notre revendication porte aussi sur les conventions internationales sign�es et qui nous concernent. Il est hors de question que la France et la Tunisie continuent � statuer sur nos sorts sans qu�� un moment ou � un autre nous soyons associ�s � ces consultations. Et cela est valable pour tous les pays o� r�sident des immigr�s tunisiens : Italie, Libye ou ailleurs. La France �tant le pays o� la communaut� immigr�e tunisienne est la plus importante, la plus ancienne et la mieux organis�e, nous les femmes, nous vivons une situation des plus catastrophiques en terme de statut
Par exemple ?
Il y a des centaines de femmes tunisiennes mari�es � des non-musulmans qui se retrouvent avec des mariages non reconnus en Tunisie. Que fait-on avec ces femmes ? Aux yeux de la Tunisie, les enfants de ces couples sont des enfants naturels, non reconnus et en terme d�h�ritage, ils ne peuvent h�riter de leur p�re et n�ont pas les m�mes droits qu�un enfant �l�gitime�. Lorsque l�on vit en France et que l�on a tous ses biens en France, cela est r�gl� par la loi fran�aise, mais lorsque l�on est � cheval entre les deux pays, ce qui est le cas d�une grande majorit� de l��migration, l�on se trouve sous le coup de deux l�gislations avec des droits diff�rents et des citoyens de seconde zone d�s que l�on tombe sous la l�gislation tunisienne. Nous continuerons donc � porter notre voix en tant que femmes tunisiennes vivant � l��tranger, ces probl�mes nous concernent autant que nos copines qui sont sur place. Notre engagement se doit d��tre � la hauteur de l�enjeu historique.
Avec le retour en Tunisie des islamistes d�Ennahda, ne craignez-vous pas que votre combat ne soit confisqu� au b�n�fice d�une r�conciliation, comme on l�a vu ailleurs sous d�autres cieux ?

Le probl�me ne se pose pas en terme de r�conciliation en Tunisie : l�embrouille, si je peux dire, �tait entre le pouvoir et les islamistes et n��tait pas entre la population et les islamistes. Il n�y avait pas de guerre civile comme en Alg�rie. Les Tunisiens se sont tous exprim�s, collectivement et unanimement, sur le fait qu�Ennahda est une des composantes du paysage politique tunisien. Ceci dit, nous les femmes, m�me si nous ne sommes pas � vouloir interdire Ennahda, nous exigeons des garanties pour nos acquis. Notre combat aujourd�hui est d�interpeller tous les partis pour se prononcer sur cette question. On n�arr�te pas de nous dire qu�ils ne toucheront pas aux acquis des femmes tunisiennes. Mais aujourd�hui, nous n�en sommes plus l�. Les acquis de la Tunisienne ce sont ceux de ma grand-m�re et de ma m�re. Entre autres, il y a d�autres revendications et nous luttons pour leur satisfaction. Ce que nous voulons, c�est l��galit�, point final. Nos acquis, nous les avons eus en 1956, r�sultats des luttes des femmes de l��poque. Ce que nous voulons aujourd�hui, c�est l��largissement de ces acquis � l��galit�. Ce n�est pas une am�lioration, un repl�trage, c�est quelque chose qui n�est pas n�gociable et qui s�appelle la cons�cration constitutionnelle de l��galit�. Donc � partir de l�, Ennahdha ne nous pr�occupe pas particuli�rement, sachant qu�il n�est pas en capacit� de prendre le pouvoir en Tunisie. On l�a vu sur un certain nombre de faits. Ils sont une des composantes de la Tunisie mais pas la plus influente. Les citoyens ne se sont pas expos�s aux balles pour faire tomber une dictature et se mettre finalement sous un r�gime th�ocratique. La rue tunisienne n�en veut pas. Ennahdha joue sur une forme de reconversion d�mocratique et un discours qui se veut rassurant, mais personne, surtout pas les femmes, n�est dupe et c�est pourquoi nous restons tr�s vigilantes.
K. B.-A.

ELLES FONT DES M�TIERS D�HOMMES
Le �je� au f�minin parfait

Elles sont polici�res, pompiers, facteurs, chauffeurs de bus, plombiers... Eh oui, elles exercent un m�tier dit d��hommes�. Et pourtant, elles ont r�ussi le pari de changer la donne et de vivre de l�emploi de leur r�ve.

Meriem Ouyahia - Alger (Le Soir) - Dans la soci�t� alg�rienne, les femmes ont pendant longtemps d� puiser dans une panoplie d�emploi � choix restreints : secr�taire, infirmi�re, ma�tresse d��cole ou encore m�decin. Aujourd�hui, malgr� le fait que la soci�t� reste � certains �gards conservatrice, beaucoup d�entre elles ont choisi d�exercer le m�tier de leur r�ve et d�assumer pleinement leur vocation. Elles bravent, en quelque sorte, l�interdit.
L�emploi a un sexe
L�emploi que vous exercez vous repr�sente ! Partant de ce constat, une femme qui exerce un m�tier �masculin� est per�ue comme ayant un caract�re bien tremp�, une grosse t�te et m�me avec une voix rauque. Pourtant loin est de cette image, cette femme taxi, desservant place 1er Mai-Alger. La quarantaine, ne desserrant les dents que pour dire quelques mots, elle est loin de ressembler aux autres chauffeurs de taxi de la place. Maquill�e l�g�rement, les cheveux blonds, cette femme taxi, qui n�a pas voulu r�v�ler son pr�nom, est entr�e de plain-pied dans la corporation des chauffeurs de taxis urbains d�Alger. Et elle est loin de passer inaper�ue. �La premi�re fois que je suis mont�e dans son v�hicule, cela m�a fait tout dr�le. Cela m�a m�me impressionn�e. A cette �poque, rares encore �taient les femmes qui conduisaient�, raconte Meriem, jeune �tudiante. Et d�ajouter : �Franchement, en la voyant, je me suis dit que tout est � ma port�e.� Une fa�on de combattre les complexes. M�me si certains hommes refusent de compter parmi ses clients, la femme taxi d�Alger est tr�s sollicit�e par les couples et la gent f�minine. Autant faire jouer la solidarit� f�minine ! Aujourd�hui, outre femme taxi, conductrice d�autobus au sein de l�Entreprise de transport urbain d�Alger (Etusa), la femme alg�rienne fait dans le transport de marchandise, notamment l�agroalimentaire. Et pas seulement, elles sont techniciennes de la navigation a�rienne d�Air Alg�rie, �foreur� au sein de l�Entreprise nationale des travaux aux puits (ENTP). Elles ont r�ussi le pari de changer les mentalit�s et d�aller de l�avant. Rares sont les hommes qui en diront autant. Jusqu�� aujourd�hui, aucun homme n�est assistant maternel dans une cr�che, par exemple. Et les Alg�riennes n�en restent pas l�, elles activent m�me dans l�informel !
Les femmes dans l�informel
Ces derni�res ann�es, de plus en plus de femmes exercent en tant que chauffeurs de taxi clandestins. Bravant tabous et dangers, elles prennent le risque d��tre agress�es et p�nalis�es. �Je ne me voyais pas femme de m�nage. Cela m��tait insupportable. Je me suis endett�e pour m�acheter cette petite voiture et j�ai d�cid� de gagner ma vie ainsi ; et avec tous les risques que cela comporte�, explique une jeune chauffeur clandestine. Cette derni�re prend l�initiative de s�arr�ter devant chaque potentielle cliente. Et d�ajouter : �Je ne prends que les femmes. C�est une forme de protection m�me si je m�arme aussi d�un gros gourdin au cas o�.� Durant la courte course, elle raconte, tout en gardant l�anonymat, qu�elle a fait un choix assum� : �C�est la seule fa�on de gagner de l�argent honn�tement pour pouvoir nourrir une famille � charge.� D�autres femmes chauffeurs de taxi clandestins prennent plus de risques et r�dent, comme leurs coll�gues masculins, autour des stations de taxis �r�guli�res�. Manque d�exp�rience professionnelle, veuvage, divorce, chert� de la vie, famille � charge autant de facteurs qui poussent les femmes � recourir � ce genre de travail ill�gal. �La dislocation de la famille pousse beaucoup de mamans � prendre de tels risques. Elles s�endettent pour acheter un petit v�hicule et esp�rent ainsi gagner honn�tement de l�argent pour subvenir aux besoins de leurs enfants�, explique une maman chauffeur de taxi qui voudrait se sp�cialiser dans le transport des enfants et des femmes uniquement. �J�aimerais, par la suite, �tre le chauffeur d�une famille donn�e. C�est plus s�r�, explique-t-elle. Ainsi, ces femmes aventuri�res se sont procur� un v�hicule dans le but de nourrir leur famille, et c�est ce qui a amen� la plupart d�entre elles � embrasser ce m�tier. Et ce malgr� les risques d�agressions inh�rents � ce m�tier. Mais, comme le dit si bien un passant : �Il ne faut pas se leurrer, cela choque beaucoup de personnes.� D�autres femmes ont carr�ment mis une table de cigarettes et de chemma, comme cette vieille femme pas loin du tunnel des Facult�s. Tout le monde la conna�t. Par la force des choses, elle fait partie du paysage et sa vue ne choque pas.
M. O.

TIPASA
Joies et tristesses des femmes berb�res du mont Chenoua, des djebels de Menaceur et de Gouraya

Ces femmes ont subi les affres du colonialisme violent, brutal et m�prisant. Elles ont souffert le martyre de l�exode forc�, que leur a impos� la d�cennie noire avec son lot de violences aveugles et sauvages.

Ces femmes ont vu leur mari et leurs enfants se faire �gorger, d�capiter, racketter et torturer au nom d'un nouvel ordre et d'une nouvelle pens�e. Ce sont elles qui se sont retrouv�es face � une surprenante r�alit� alg�rienne, brutalement et soudainement d�munies, appauvries, contraintes � la mendicit� ou � la servitude. Ce sont les femmes rurales des djebels Bou Maad, des monts B�ni Mileuk, Zatima, de Ghardous, de Menaceur et du mont Chenoua. De l�autre versant de l�immense territoire de la wilaya de Tipasa, pr�cis�ment du c�t� du mont Chenoua, r�gion qui a donn� naissance � des femmes c�l�bres, telles Assia Djebbar, surnomm�e la Fran�oise Sagan alg�rienne, du fait de ses c�l�bres �uvres (La soif- 1956 ; Les impatients-1958 ; Les enfants du nouveau monde, Les alouettes na�ves, L�amour, La fantasia, La nouba des femmes du mont Chenoua). Mais aussi des c�l�brit�s � l'instar d'une excellente gastronome, prim�e dans le sud de l�Italie par une distinction de taille : le deuxi�me prix mondial du meilleur plat culinaire, lors de la biennale de Turin et du Festival mondial du couscous (1999). Cette gastronome, Rab�a Nedjar, est aussi originaire du Chenoua. Nous la retrouvons en 2011 � Gharda�a en compagnie de la d�l�gation chenouie qui y �tait pr�sente en force pour pr�senter les traditions, la culture et le savoir du Chenoua. Cette gastronome renouvelle les gestes du pass� en cuisinant les plats du Chenoua authentique. En cette circonstance, elle nous a d�clar� que �la cuisine chenouie est caract�ris�e par l�utilisation des plantes locales et des produits marins (poissons, algues, fruits de mer). Cette culture culinaire se transmet de g�n�ration en g�n�ration, depuis la nuit des temps�. Elle a ajout� que �les femmes chenouies ont appris depuis les �ges � inventorier les plantes comestibles aromatiques, m�dicales et � marier certaines d�entre elles � l�origine de plats succulents, d�une parfaite valeur nutritive, et que, actuellement, �une femme chenouie sur dix continue � observer ces traditions gastronomiques. On doit sauver cet h�ritage afin de le transmettre intact aux g�n�rations futures�. A l'instar de ces merveilleuses femmes alg�riennes, nous �voquons l'inlassable �uvre fournie par une autre dame originaire de la r�gion de Tipasa, pr�sidente d'une association de statut fran�ais, appel�e �C�ur d'Alg�rie�. Cette association caritative est pr�sid�e par une jeune Fran�aise d�origine alg�rienne, Anissa Dahmani. Cette derni�re ne se lasse pas d'effectuer d'incessants allers-retours entre la France et l'Alg�rie, au profit de pouponni�res (de Hadjout, de Palm- Beach, de la cr�che et la pouponni�re de Boukhalfa), du coll�ge de Cherchell. Cette association distribue gratuitement du mat�riel pour pouponni�re achet� en France et du mat�riel donn� par des commer�ants parisiens (biberons, mixeurs, serviettes, draps, housses, t�tines, shampoing, jouets d��veil, etc.) Plusieurs commodes de rangement pour enfants ont �t� achet�es et distribu�es gratuitement au profit de pouponni�res alg�riennes. C'est ainsi qu'au niveau de la pouponni�re de Palm-Beach, il a �t� proc�d� � la distribution de petit mat�riel, v�tements, a�rosol, tapis d��veil, jouets, mat�riel d�animation et livres. Quant � la cr�che et la pouponni�re de Boukhalfa, elles ont �t� dot�es gratuitement de mat�riel m�dical, de d�ambulateurs, st�rilisateurs, a�rosols, thermom�tres, biberons, jouets d��veil, jouets traditionnels, ainsi que des livres et des cartables au profit des enfants scolaris�s et des enfants de la cr�che.
Larbi Houari

BRIBES DE VIES DE FEMMES INCONNUES
Exceptionnelles de par leur courage

Il y a des femmes qui, par la force des choses, finissent par imposer le respect. Elles ont par leur caract�re, par leur v�cu et surtout par leur courage, r�alis� un parcours qui peut para�tre banal, mais tel n�est pas le cas. Un hommage est rendu � ces femmes humbles que nous rencontrons au quotidien et qui forcent le respect. Des bribes de vies que nous vous livrons...

WASSILA B., JEUNE CHEF D�ENTREPRISE :
�J�ai le droit au bonheur !�
P�tillante, Wassila B. est une femme qui croque la vie � pleines dents. Issue d�une famille de sept enfants et d�un quartier populaire de Belouizdad (ex-Belcourt), orpheline tr�s jeune, son mariage n�a pu tenir plus d�un an. Divorc� avec un enfant � charge, elle avait le choix entre se lamenter sur son sort ou se ressaisir et mener l�initiative. Une exp�rience maritale douloureuse, certes, non sans laisser des stigmates mais qui ne l�emp�chera pas de prendre son destin en main et d�aller de l�avant. Ayant perdu tous ses biens apr�s son divorce par khola� (quand c�est la femme qui demande le divorce, elle ne peut pr�tendre � la pension), elle a d� repartir � z�ro. S�armant de patience et de courage, elle d�cidera de se lancer dans l�entreprenariat en fabricant des g�teaux traditionnels. �Au lieu de rester � la maison et pleurer sur mon sort, je d�cidai de prendre les choses en main. Cela a �t� difficile au d�part d�affronter mes fr�res et surtout la soci�t� �, raconte Wassila. �La premi�re chose que j�ai faite, poursuit-elle, a �t� de louer un petit local et de me lancer dans la fabrication de g�teaux de mariages. Au fur et � mesure, j�ai pu me constituer une bonne r�putation et suis parvenue � me lancer en tant que traiteur�. Et de confier : �M�me � Alger, les mentalit�s n�ont pas chang�. Une femme divorc�e est synonyme de d�vergond�e. Alors, je dois faire encore plus attention.� La t�te pleine de projets, elle ne s�arr�te que pour prendre du plaisir � partager des moments de bonheur avec son fils. Cette jeune maman d�une trentaine d�ann�es a d�cid� de prendre sa revanche sur la vie. �Durant toute mon enfance, j�ai �t� �duqu�e de telle sorte que je croyais ne trouver mon bonheur que dans le mariage. Cela s�est r�v�l� faux. Alors, j�ai d�cid� de prendre ma revanche sur la vie.� La preuve, elle a rejoint plusieurs associations et en a cr�� une. �Ma plus grande fiert� est de reprendre mes �tudes sup�rieures�, dit-elle. Pour Wassila, son p�riple devrait servir d�exemple � d�autres femmes : �Toutes nous avons le droit au bonheur, m�me divorc�es !�

GHANIA L. :
�Donner du courage aux g�n�rations futures�
Cheveux grisonnants, l�air jovial, Ghania est une grandm�re dynamique. Entre fourneau et courses, elle met un point d�honneur � �tre pr�sente dans la vie de ses petits-enfants. �Ils sont pour moi une source de bonheur�, dit-elle souriante. Sa vie a �t� faite de moments de bonheur altern�s de passages moins heureux. Ce n�est pas faire exception � ses concitoyennes de la m�me g�n�ration de dire qu�elle s�est mari�e tr�s jeune, � peine � la fin du lyc�e. Pourtant, elle aurait pu pr�tendre � une destin�e meilleure, n��taient les us de l��poque, de moins en moins persistantes certes, voulant que la femme se doit d��tre d�abord le valet de son �poux. Les femmes de cette g�n�ration durent se rendre � l�am�re r�alit� qu�elles devaient mettre leurs ambitions personnelles entre parenth�ses. Des parenth�ses qui durent le temps de voir ses enfants grandir. Pour peu que la descendance soit reconnaissante, c�est, pour Ghania et d�autres, une forme de revanche sur le destin. � J�ai fait en sorte que mes filles soient autonomes et instruites m�me apr�s leur mariage, je voudrais qu�elles le soient financi�rement d�abord. Mine de rien, c�est important. � Commerciale, journaliste, pharmacienne et avocate, cette jeune grand-m�re a de quoi bomber le torse de fiert�. Malgr� cela, le sentiment d�un petit arri�re-go�t lui reste. �J�ai d� interrompre mes �tudes malgr� moi pour mon mariage. Il me reste un go�t d�inachev�.� Et pour cela, elle s�est battue pour �tre pr�sidente b�n�vole d�une association �uvrant pour l�apprentissage des femmes au c�ur de la Casbah. Le peu que je savais de la couture et de la cuisine, je l�ai partag� car ces jeunes femmes me renvoyaient ma propre image�, conclut-elle.

EL HADJA FATIHA :
�Lire et �crire est un pur bonheur�
Avec sa petite-fille de cinq ans, El Hadja Fatiha prend du plaisir � lire. Elle sait lire et �crire. A pratiquement 70 ans, elle retrouve les bancs de l��cole. �Mon d�funt mari a de tout temps refus� que j�apprenne � lire et � �crire. La seule chose qu�il m�a permise a �t� de savoir compter jusqu�� dix pour pouvoir conna�tre l�heure�, raconte-t-elle �mue. �Apr�s sa mort, ma premi�re d�cision a �t� de m�inscrire dans l�association Iqraa. Faire r�citer mes petits-enfants est un pur bonheur.� El Hadja a, elle aussi, pris une revanche sur la vie : �Mes enfants, notamment les gar�ons, m�ont aid�e dans cette entreprise et je les en remercie.� Trois g�n�rations, un seul combat : s�assumer pour aller de l�avant.
M. O.



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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/03/08/article.php?sid=113937&cid=2