Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Kadhafi, entre chaos et négociation


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

Dimanche 13 : Le jardin suspendu
Bof, et si on faisait comme si de rien n'était, et que tout allait bien, Madame la marquise ? Hein, juste pour voir ! Et si on ne voyait que les jolies fleurs pourpres agrémentant notre jardin intime pour en faire une chronique ?
Une chronique jolie comme une pergola fleurie pour changer de l'habituelle routine du sang, des larmes, du deuil, du profit, du conflit qui emplissent le monde de leur couleur et de leur odeur funestes. Mais non, arrête de rêver ! Elle doit être cannibale ! Un train qui arrive à l'heure ne fait pas une information, et un jardin fleuri, réel ou imaginaire, non plus. Ne cherche pas à gagner du temps sur mon dos, ok ? J'aurais, en tout cas, le temps que tu portes ta tasse à tes lèvres, pu me soustraire au bruit et à la fureur des hommes pour me réfugier dans les allées oniriques d'un jardin suspendu dans ma tête. Allume la télé, va !
Lundi 14 : Images nucléaires !
Plaqué au sol ! Submergé ! Des images funestes, implacables m'arrachent de mon jardin suspendu. Pour sûr que s'il s'était trouvé sur la côte japonaise, la monstrueuse vague de 23 mètres qui a fait festin des hommes et des choses n’en aurait fait qu’une goulée. Ces images, rappel inexorable de la force parfois malfaisante des éléments et de la fragilité des hommes face à leurs créations, toutes les télés les passent en boucle. Images aussi, sur l’autre versant, de la dignité et du courage des Japonais luttant contre cette force hostile. Images instructives et émouvantes d'un pays parmi les plus développés technologiquement, surpris en son point faible: le nucléaire. Si la magnitude du séisme et la force du tsunami subis par le Japon ne pouvaient être prévues, une catastrophe nucléaire était, elle, non seulement prévisible mais carrément prévue. Par qui ? Par le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l'université de Kobé et expert du comité chargé d'établir les normes sismiques des centrales nucléaires japonaises. Il en avait démissionné déclarant le 11 août 2007 au quotidien International Herald Tribune/Asahi Shimbun : «A moins que des mesures radicales ne soient prises pour réduire la vulnérabilité des centrales aux tremblements de terre, le Japon pourrait vivre une vraie catastrophe nucléaire dans un futur proche.» La suite, on la connaît. Pour une fois qu’un expert parlait vrai, refusant de cautionner l’incautionnable.
Mardi 15 : Te gratte pas la tête !
Je me marre ! : les employés de la présidence sont en grève! Je te mets au défi de trouver un autre exemple dans le monde ! Même dans les républiques bananières auxquelles, par ailleurs, on a beaucoup de choses à emprunter, ça, ça ne peut pas se passer ! La présidence, c'est... C'est la tête, la vitrine, le cerveau d'un pays ! Il faut que tout y soit nickel ! Tout doit baigner ! Eh bien, non ! Le «petit personnel» proteste contre les conditions de travail et de salaires, visiblement! Alors, ils débrayent, les gars ! Là, au moins, ils font en sorte que l'institution qu'ils servent soit à l’image de toute l'Algérie. Plus petit tu es, moins on te regarde! Mais quand on renonce à mettre de l’huile dans les rouages, le gravier se met dans les pignons. Faut dire que quand ça se passe à cet étage, ça la fiche tout de même un peu mal.
Mercredi 16 : Pas Le Pen de chercher loin !
Elle s'éclate, la fille de son père. Marine Le Pen, car c’est bien d’elle dont il s'agit. Elle vient de se voir remettre sur un plateau, un chèque de popularité qu'elle n'aurait jamais eu sans l'aide bienveillante et peut-être involontaire du camp Sarkozy. Fifille jubilait devant le résultat du débat foireux et avorté sur l'identité nationale qui a fait les choux gras du FN, lui ramenant moult adhésions. Fifille applaudissait à tout rompre des deux mains lorsque le président français en 2010 fustigeait les Roms. Tout cela la plaçait en tête des sondages à égalité ou devant Sarkozy. Eh bien, c’est fait. La voilà consacrée! Le nouveau ministre de l'Intérieur et néanmoins conseiller de Nicolas Sarkozy vient de faire une déclaration que n'aurait pas reniée Jean-Marie Le Pen. Du fait d'une immigration incontrôlée, les Français, dit-il, «ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux». Marine Le Pen a bien fait de lui proposer une carte d'adhérent au FN. Il l'a bien méritée.
Jeudi 17 : Secret !
Avons-nous un Etat dissimulé dirigé par des hommes politiques clandestins? C'est ce qu'on croirait à la lecture de ce papier paru hier dans Le Soir d’Algérie. On y lit que Bouteflika, Bensalah, Ziari, Bessiaeh, Ouyahia et Belkhadem ont tenu une seconde réunion secrète. Il semblerait que ça discute d'une possible révision de la Constitution. On pourrait, dit-on, revenir à la limitation des mandats. Tout ça pour ça ? Que d’énergie gaspillée pour le confort du prince! Et puis j’aimerais bien savoir pourquoi ces réunions qui impliquent le destin du pays se tiennent de façon secrète. Les Algériens n'ont-ils pas le droit d’avoir accès à la fiche de traçabilité des ingrédients qui constituent la sauce à laquelle ils vont être mangés, hein?
Vendredi 18 : La boutique des horreurs Kadhafi ne ferme jamais !
La communauté internationale a décidé, la nuit dernière, des frappes aériennes pour empêcher Kadhafi d'exterminer son propre peuple. Souvenons-nous qu'il y a quelques jours encore, «le guide» promettait le chaos. Depuis quelques heures à peine, la force semble avoir changé de camp. A l'annonce de la décision de l'ONU qui va rendre les frappes inévitables, le fils de son père Seif El Islam, modère la fanfaronnade en déclarant qu’ils sont ouverts à la négociation, et jurant mordicus que leur seul objectif est de «protéger » le peuple libyen. Drôle de protection. Et drôle de courage. Pour bien des analystes, il s'agit d'une ruse. Il est vrai que quand l’Otan, l’ONU et ces messieurs-dames de l’Occident assoiffés de pétrole et d’espace se mêlent de se porter au secours des peuples, c’est que sous les pieds de ce peuple dorment des richesses naturelles. Petit florilège américano- occidentalo- démocratique de prétextes : émancipation des femmes en Afghanistan, armes de destruction massive en Irak, respect de la démocratie en Côte d'Ivoire, sécurité au Niger. Et maintenant : action humanitaire en Libye… Faites le bilan ! Il en sort du naphte à tire-larigot ! Il est vrai que l’Otan, l’ONU et ces messieurs-dames d’Occident pourraient, s’ils se souciaient un tantinet de démocratie et des droits des peuples à la liberté face aux dictatures, se mêler de cibler des frappes sur l’Arabie saoudite, le Koweït et toute autre pétromonarchie vermoulue, où, et c’est connu, la démocratie est en voie d’achèvement. Mais comme vient de l’observer le vieux Fidel Castro toujours aussi vigilant, l’Arabie saoudite appuie l’attaque de la Libye par l’Otan et cette dernière lui rend la politesse en soutenant l’invasion saoudienne de Bahreïn. En même temps comment laisser le guide schizoïde exterminer son peuple ? Oui, c’est de cela qu’il s’agit ! Qui peut arrêter l’horrible boucherie qu’il est disposé à commettre s’il reprenait Benghazi ? Voilà le topo : entre non-assistance à peuple en danger et invasion barbare de soi-disant démocraties bigleuses, lorsqu’il s’agit d’intérêts, que choisir ? Dur, dur !...
A. M.



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