Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE � bout de souffle et d�arguments
Par Boubakeur Hamidechi
[email protected]
Apr�s une �clipse qui a dur� environ trois mois, il refait publiquement
surface � la faveur d�une �invitation� � la T�l�vision nationale. Au
soir de mercredi dernier, il �tait venu d�battre avec quelques
journalistes, sur la cha�ne A3, de la situation du pays tout en
pr�cisant qu�il ne se pr�tait � l�exercice qu�en qualit� de secr�taire
g�n�ral du RND. Glissons donc sur cette coquetterie de �casquettes �
dont il s�est souvent servi toutes les fois qu�il a voulu mettre de la
distance entre ses responsabilit�s capitales dans l�ex�cutif et le
suppos� �quant � soi� de simple militant. En v�rit�, Ouyahia est apparu
tel qu�en lui-m�me, c�est-�-dire conforme � l�image qu�a de lui
l�opinion chaque fois qu�il s�est exprim�. A peine moins arrogant qu��
son habitude, le t�l�spectateur l�a cependant retrouv� dans son exercice
favori : celui de l�esbroufe verbale comme substitut � la r�ponse
claire. Ainsi, en d�pit des vents contraires qui font tanguer
actuellement le r�gime, lui affirme le contraire � travers des formules
lapidaires qui emp�chent la contradiction de s�installer. Sans doute que
sur les sujets qui f�chent et font probl�me dans le pouvoir, il a
beaucoup plus � perdre que son alter ego du FLN avec lequel il partage
les m�mes r�ponses. En effet, sa qualit� de Premier ministre est �
l�origine de la somme de d�n�gations qu�il opposa aux questions. Peu
scrupuleux aussi bien avec la r�alit� que sur les exigences de l��poque,
il balaye d�un revers de la main les accusations d��chec de son
intendance tout autant qu�il claironne que la crise politique n�est
qu�imaginaire. Plus bateleur de foire qu�intendant avis� ni m�me
id�ologue subtil d�un parti politique, Ouyahia tra�ne une r�putation
d�intrigant. Arch�type du courtisan, son renom politique du pass� est en
train de p�lir. N�ayant pas su transformer l�opportunit� de son dernier
passage � la t�l�vision en examen de conscience, avec ce que celui-ci
pouvait co�ter en r�visions d�chirantes, n�est-il pas devenu une esp�ce
en voie de disparition ? Car, ils sont, semble-t-il, rares ceux qui
pensent que le destin politique de cet Ouyahia, us� sous le harnais de
la manipulation et des basses besognes, n�est pas encore compromis. Le
cr�puscule de sa carri�re, imputable essentiellement � son insatiable
voracit� de pr�dateur politique, deviendra-t-il paradoxalement un atout
humain pour Bouteflika lorsqu�il se d�cidera � annoncer quelques
r�formettes ? Le sc�nario en trois sayn�tes est quelque part plausible.
Sacrifier d�abord ce lieutenant de l�ex�cutif dont l�image est brouill�e
puis r�pudier de facto Aboudjerra et son MSP d�une alliance qu�eux-m�mes
critiquent d�ailleurs et enfin r�duire les exigences du FLN en mati�re
de participation aux affaires publiques. Gr�ce � ce genre de ravalement
d�un horizon politique devenu pesant et improductif, Bouteflika sera
alors en mesure de se tourner vers les ob�diences au scepticisme marqu�.
Mais, diront certains, comment s�y prendra-t-il pour neutraliser les
lourds appareils aux mains d�Ouyahia, Belkhadem et Soltani ? Sans doute
que le FLN posera des probl�mes mais ce ne sera pas le cas d�un MSP sans
grande marge de nuisance ni d�un RND format� � l�image de son secr�taire
g�n�ral. En clair, Ouyahia, dont l�ascension vertigineuse est
�troitement li�e � la parenth�se de Zeroual, n�a cependant pas acquis la
r�putation d�un �organique� d�appareil et encore moins celui d�un
agitateur de doctrine efficace. D�muni d��paisseur dans ce domaine, il a
surf� sur la vague des offres de services en sa qualit� de dirigeant du
RND. Plus prompt � rejoindre le camp des privil�ges qu�� marquer une
quelconque diff�rence, il n�a rien fait d�autre qu�imiter cette
interface qu�est le FLN. Celui de s�imposer par l�all�geance et toute la
disponibilit� intellectuelle n�cessaire comme une �agence� de promotion
dans l�emploi politique. Rien de plus. Cela dit, si mercredi soir, il
s�est plu � infirmer les rumeurs sur sa d�mission, il s�est quand m�me
gard� de dire qu�il pourrait �tre d�gomm� sans qu�il lui soit demand�
son avis. Une nuance qu�il a vite fait de rattraper par une profession
de foi de j�suite. �Je suis un serviteur de l�Etat et je suis fier de le
faire�, dira-t-il avec une pointe de lyrisme. D�cid�ment, �la glorieuse
servitude de l�Etat� inscrite au fronton des bonnes r�publiques est bien
malmen�e sous nos latitudes. Notamment lorsqu�elle sert de rh�torique
mensong�re � des politiciens qui ont longtemps bafou� et la v�rit� et
l�Etat. Sur ce sujet, Ouyahia n�a-t-il pas finalement rat� l�occasion de
ne pas feindre le chagrin d�un dirigeant probe ? Lui qui a tant � se
reprocher lui restait-il en fait quelques remords �thiques pour dire au
moins ceci : �Comme tout un chacun, moi aussi je me suis tromp�.� Or, un
aveu de cette taille a toujours une cons�quence exorbitante. Celle de la
d�mission volontaire qui, comme on le sait, est inconcevable dans ce
genre de servitude. Moins fringant qu�� l�habitude, l�homme en question
�tait mercredi � bout de souffle et d�arguments r�citant comme une
litanie des contrev�rit�s du pass�. Son ultime mani�re de faire de la
r�sistance face � tant d��vidences accusatrices. Il sentait le bois
mort.
B. H.
|