
Actualités : ARCELORMITTAL ANNABA La situation s’envenime davantage VINCENT LE GOUIC : «Je suis étonné et perplexe quant à la démarche syndicale»
Avec la détermination exprimée par les syndicalistes de la société ArcelorMittal Annaba jeudi en fin d’après-midi, la situation s’est davantage envenimée.
Il fallait s’y attendre, au regard des graves accusations formulées
par le syndicat le 24 mai courant quant à l’implication de la direction
générale dans des actes, prémédités, selon Smaïl Kouadria, SG du
syndicat, de freiner le niveau de production. Tout aussi grave est
l’accusation d’abus dans le versement de salaires mirobolants
(supérieurs de dix fois à ceux des nationaux d’égale qualification) aux
cadres expatriés. Selon les termes du document accusateur, ces derniers
bénéficieraient également d’autres avantages comme un repos dans leur
pays d’origine tous les 15 jours et 3 mois de congé payé par an. Ce que
récuse Vincent Le Gouic, directeur général de la société ArcelorMittal
Annaba, qui a indiqué que «les chiffres avancés par le syndicat évaluant
à 2 millions de dinars la prise en charge mensuelle de chacun de ces
expatriés sont de la désinformation. Ces chiffres sont très loin de la
réalité». Ce jeudi donc, était une autre possibilité pour les deux
parties en conflit de trouver un compromis pour éviter la mesure extrême
d’une grève générale illimitée dès aujourd’hui samedi. Ça n’a pas été le
cas. Après avoir écouté les nouvelles propositions de l’employeur sur
des augmentations de 30% étalées sur trois ans et qui accordent aux
salariés 5% à partir du 1er juin 2001, avec effet rétroactif allant du
1er janvier 2011, et 3% à partir du 1er septembre 2011 et 5% repartis en
deux tranches aux mois d’avril (2%) et de septembre (3%) 2012 et 2013
toujours sans conditions auxquelles viendront s’ajouter trois fois 4% au
1er décembre 2011, 2012 et 2013, le syndicat les a refusées. «Cette
proposition a été refusée par le syndicat car elle est loin de répondre
aux attentes des travailleurs», indique un communiqué du conseil
syndical, tout en précisant que celui-ci se réunira le samedi 28 mai
2011 à 10h. «Le mot d’ordre de grève pour le 28 mai comme convenu et
arrêté dans la résolution N° 02 de la conférence syndicale du 25 mai est
maintenu», rappelle-t-on dans le même document. Cette autre
radicalisation de la position des représentants des travailleurs est
significative de leur ferme volonté de ne plus vouloir négocier.
L’affaire prend ainsi une autre tournure d’autant que le secrétaire
général du syndicat et le président du comité de participation ont lancé
un appel commun à la direction générale du groupe ArcelorMittal au
Luxembourg. «Pour confirmer tous nos dires, vous pourrez à tout moment
faire venir de véritables experts s’entretenir avec nos expatriés pour
découvrir leur véritable niveau de compétence», ont-ils souligné dans
leur écrit. Ils sont approuvés par les 200 représentants des 32 sections
syndicales de l’entreprise. Le communiqué rendu public à cet effet cite
les unités concernées et précise l’heure du début du débrayage dans
chacune d’entre elles. La menace des syndicalistes va plus loin. Il est
en effet décidé d’arrêter toutes les expéditions, et dès le 31 mai,
procéder à la mise à l’arrêt de toutes les installations stratégiques de
production dont les laminoirs, le haut fourneau, la PMA, ACO1, ACO2,
ACE. Comme seront suspendues les ventes dans l’ensemble des dépôts
relevant de la société à travers le pays. Toutefois, il est question de
maintenir un service minimum conventionnel. Que reste-t-il donc aux
syndicalistes qui leur permette d’affirmer «nous restons ouverts au
dialogue et répondrons à toute sollicitation de l’employeur». C’est
justement la question que s’est posée Vincent Le Gouïc lorsque nous
l’avons interrogé sur les accusations dont son staff et lui font
l’objet. Il a exprimé sa perplexité et son étonnement tout en précisant
: «Nous relevons une réelle cohérence dans la démarche appliquée par
notre partenaire social. Nous avons déjà entendu parler depuis des mois
de ce qui se dessine derrière.» Et pour mieux se faire comprendre, il a
estimé que «le complot auquel les syndicalistes font allusion est
hallucinant. Comment peut-on penser que notre groupe irait jusqu’à se
tirer une balle au pied en dévalorisant sa filiale de Annaba .» La thèse
du complot à laquelle fait référence le directeur général est bien
soulignée par le secrétaire général du syndicat : «…si l’on doit
comparer la situation actuelle avec les engagements initiaux (du groupe
ArcelorMittal ndlr), nous constatons que sur le papier, la production
devait atteindre les 4-5 millions de tonnes au bout des cinq premières
années avec le maintien de tous les ateliers de production. Or,
aujourd’hui, la production est pratiquement de moitié de celle d’avant
le partenariat du fait de la fermeture de quelques ateliers». En clair,
Smaïl Kouadria affirme que les associés franco- indiens ArcelorMittal
n’ont pas investi pour respecter leurs engagements de production
formulés à leur arrivée en 2001.
A. Bouacha
VINCENT LE GOUIC :
«Je suis étonné et perplexe quant à la démarche syndicale»
Entretien réalisé par A. Bouacha
Sollicité par le Soir d’Algérie afin de donner son point de vue sur les
graves accusations portées par le syndicat, Vincent Le Gouic, directeur
général de cette société, a bien voulu nous recevoir dans son bureau en
présence de son directeur de la communication, Mohamed Guedha.
Le Soir d’Algérie : De graves accusations sont portées par le
syndicat à l’encontre du staff dirigeant de l’entreprise ArcelorMittal
Annaba. Elles remettent en cause le principe même de «gagnantgagnant »
sur lequel a été bâti le partenariat à sa naissance.
Vincent Le Gouic : Nous réfutons catégoriquement ces accusations
tout autant que les termes utilisés dans le rapport par le SG du
syndicat. Elles ne reflètent pas la réalité vécue au sein de cette
importante unité du fer et de l’acier. D’où mon étonnement et ma
perplexité quant à la démarche syndicale qui parle implicitement de
complot. Il n’en est rien et c’est véritablement hallucinant que de le
penser.
Oui, mais il y a cette détermination des syndicalistes à aller vers la
grève au titre de réaction à votre proposition d’augmentation des
salaires planifiée sur 3 ans.
Tout en affirmant que la porte du dialogue reste ouverte, nous
estimons qu’au cas où le partenaire social mettrait à exécution son mot
d’ordre de débrayage, nous serons amenés à nous adresser à la justice
pour trancher. Nous ne contestons pas une certaine reprise de la
production courant ce mois, mais nous devons lier les augmentations
salariales à la production. Les propositions de 24% que nous avons
avancées et étalées sur 3 ans sont honnêtes. Nous sommes toujours
disposés à négocier avec le syndicat.
Peut-on connaître jusqu’où votre direction est en mesure d’augmenter
les salaires ?
Comme je l’ai déjà dit, nous sommes ouverts à la négociation. C’est
d’ailleurs le même souhait de notre partenaire social. Nous verrons au
fil des discussions jusqu’où chaque partie peut aller pour trouver un
compromis et sortir de la crise qui ne profitera à personne.
La détermination des travailleurs d’aller à la grève ne semble pas
vous inquiéter outre mesure.
Au contraire, au cas où il y aurait débrayage, ça sera des pertes
financières sèches quotidiennes. J’avoue que cela ne m’intéresserai pas
de perdre 2 millions de dollars /jour entre production d’acier liquide
et expéditions de produits.
La compétence des expatriés composant votre staff a été mise en cause
par le syndicat comme du reste les avantages dont ils bénéficieraient
contrairement à leurs homologues algériens...
A mon avis, il s’agit tout simplement de jalousie, à la limite, je
dirai de xénophobie, terme que je déteste même employer. Il est aberrant
de parler de 2 millions de dinars de salaires et indemnités versés
mensuellement aux expatriés. C’est totalement faux. Ce chiffre est très
loin de la réalité.
Quelle est la part de vérité dans les avantages accordés par les
pouvoirs publics pour vous permettre d’augmenter la production à moindre
coût ?
A ma connaissance, nous avons bénéficié de certaines réductions sur les
redevances sur l’énergie, eau, durant les quatre premières années depuis
notre arrivée au complexe. Puis, plus rien, en ce sens que, par la
suite, les prix de nos redevances ont été alignés sur ceux du marché. La
même démarche a été adoptée en ce qui concerne l’utilisation du rail
pour la satisfaction de nos besoins en matière de transport que ce soit
pour le minerai ou pour les produits. Je rappelle qu’il y a eu un projet
de création d’une filiale rail nous impliquant financièrement dans la
constitution du capital social aux côtés de la SNTF et Ferphos. En tout
état de cause, je dois préciser que cela ne figure pas sur le contrat de
partenariat de 2001.
Il y a également le problème de la ferraille, des effectifs et de la
baisse de la production que pose le syndicat dans son document
accusateur. Eclairez, si vous le voulez-bien, notre lanterne sur ces
questions.
Il est faux de prétendre que nous avons acquis de la ferraille à
moindre coût et nous n’avons jamais été conventionnés pour ce type
d’acquisition. Ce dossier nous a valu des problèmes avec des
fournisseurs. Pour ce qui est des effectifs, il est vrai qu’à notre
arrivée, il y avait 10 600 salariés et que ce nombre a baissé à 6 600,
toutes les unités confondues. Cette réduction est due aux départs
volontaires et à la retraite. Il ne faut surtout pas oublier que depuis
2001 à ce jour nous avons procédé au recrutement de 3 000 agents.
Maintenant pour la question de la production, je m’étonne que les
syndicalistes puissent parler de 4 à 5 millions tonnes/an à l’issue des
cinq premières années de notre présence à Annaba. Pas un seul document
en ma possession ne fait référence à ce niveau de production.
A. B.
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