Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Un Ramadan pas si �Moubarak� que �a


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

On ne peut pas se d�partir d'une certaine g�ne, voire d'un sentiment de piti� certain devant le spectacle d'un homme allong� sur une civi�re et �coutant les charges retenues contre lui. Hosni Moubarak a r�gn� sans partage durant trois d�cennies et a tenu l'�gypte d'une main impitoyable, mais cette main est d�sormais r�duite � l'impuissance, � peine a-t-elle assez de force pour esquisser le credo final.
Devant ce vieux tyran d�chu, accabl� par la maladie, vaincu par les revers de fortune, on ne peut manquer de le comparer � son ex-coll�gue Saddam Hussein, arrogant et m�prisant jusqu'au geste final. La comparaison s'arr�te l� : Saddam Hussein, cruel despote, n'a pas �t� jug�, mais a eu droit � un simulacre de proc�s, orchestr� par des dirigeants revanchards, en majorit� chiites et pour cause. On est sorti du �proc�s� Saddam avec le sentiment d'avoir assist� � un r�glement de comptes, enrob� dans une robe de magistrat. Dans le cas de Moubarak, les magistrats �gyptiens prennent leur r�le au s�rieux, et c'est le moment b�ni pour eux de d�montrer que le r�gime ne les a pas totalement corrompus. On peut douter, certes, du bienfond� de certaines d�cisions, comme celle de mettre en jugement Moubarak et sa coterie, mais avec la certitude que les magistrats �gyptiens ont assur�ment des consciences plus nettes que sous d'autres cieux arabes. On est ici � mille lieues des haussements d'�paules sceptiques suscit�s r�cemment par la mascarade du �proc�s Ben Ali� en Tunisie. Sans s'arr�ter, encore une fois, sur les calculs et les objectifs de ce proc�s Moubarak, il faut reconna�tre que la justice �gyptienne, qui a ses corrompus comme tout le monde, sait se montrer � la hauteur quand il le faut. A elle seule, la pr�sentation des pi�ces � conviction du proc�s valait le d�tour, surtout pour ceux qui se font une pi�tre id�e du fonctionnement de la justice dans leur propre pays. Au premier jour du proc�s, on savait d�j� que l'ancien pr�sident Moubarak n'en serait pas la seule vedette, et qu'il pourrait y avoir des invit�s de marque. Premier enseignement de ce proc�s, en effet, le ra�s d�chu n'entendait pas assumer tout seul la responsabilit� des actes de tout un r�gime. Il a d'ores et d�j� d�sign� comme complice le �Mouchir� (Mar�chal) Tantaoui, l'actuel homme fort de l'�gypte, et pilier de l'ancien r�gime. C'est Tantaoui qui aurait notamment pris la d�cision de bloquer les communications, par t�l�phone et par internet, d�s les premi�res heures de la r�volution du 25 janvier. Moubarak affirme, et personne ne le croira, que cette d�cision a �t� prise � son insu par le chef des forces arm�es. L'institution militaire r�plique que Moubarak s'est senti trahi par son corps d'origine, le 28 janvier, et qu'il agit ainsi par esprit de vengeance. �A beau mentir qui vient de loin.� Les centurions �gyptiens nient, et c'est la tradition, mais ils n'expliquent toujours pas comment op�re cette �trange machine � s�lectionner les victimes et les bourreaux au sein d'un m�me clan. Devant l'entr�e de l'acad�mie de police o� se tient le �proc�s du si�cle�, des �chauffour�es ont eu lieu entre adversaires et partisans de celui qu'on nomme aujourd'hui �l'accus� Hosni Moubarak. Un Moubarak qui doit se dire, � l'instar du Don Di�gue de Corneille : �N'ai-je donc tant v�cu que pour cette infamie?� En plus de la honte d'�tre clou� au pilori, le Ra�s, dont on chantait la gloire il y a peu sur tous les registres, doit affronter une r�volution lexicale. Le Ramadan reste �noble et g�n�reux�, c'est �vident, mais il n'est plus aussi �b�ni� qu'il l'�tait du temps de la splendeur du r�gne. Il n'est plus de bon ton de dire �Ramadan Moubarak�, et on cherche d�j� un substitut au �A�dek Moubarak� qui doit succ�der, sans autre r�volution, au mois de je�ne. La correspondante au Caire du quotidien londonien Al-Quds s'est ing�ni�e � faire la compilation des �nouktas � et jeu de mots, en vigueur depuis la r�volution, comme le jeu qui consiste � pr�senter des v�ux en utilisant les patronymes des barons d�chus. La plus hardie dans certains cercles politiques est celle-ci : �Il a �t� d�cid� de supprimer le Ramadan apr�s que les r�volutionnaires aient obtenu la preuve intangible qu'il �tait moubarak.� Plus r�alistes, d'autres �gyptiens ont demand� que le proc�s soit report� et qu'il se tienne apr�s le Ramadan. La vue de certains accus�s pourrait les inciter � prononcer des mots ou leur faire dire des grossi�ret�s susceptibles de rompre l'obligation du je�ne. A ce jeu de l'impopularit�, il semble bien que les deux fils de Moubarak, Djamel le pr�somptif et Ala l'affairiste, aient remport� la palme. Les �gyptiens ont tr�s peu appr�ci� le fait qu'ils se soient pr�sent�s au tribunal avec un Coran � la main(1), comme s'ils s'en remettaient � Dieu, de la main droite apr�s en avoir mis pas mal � gauche. En attendant, et pour les jeunes r�volutionnaires de la place Al-Tahrir, il n'y a aucun doute qu'avec Hussein Tantaoui, c'est la contrer�volution qui triomphe, tout comme elle l'a fait en Tunisie avec Ca�d Essebci. Ils savent que les vingt millions d'�gyptiens qui ont profit�, � un degr� ou � un autre, de l'ancien r�gime travaillent d�j� � imposer leur volont� au pays. C'est ainsi qu'ils appellent � une grande marche le 9 septembre prochain afin qu'un despote sous couverture religieuse ne succ�de pas au tyran qu'a �t� Hosni Moubarak. Mais comme semble le craindre le chroniqueur �gyptien du magazine �lectronique Elaph, Sammy Al-Buha�ri, les jeux seraient presque faits, les lib�raux et les la�cs ayant �chou� � donner une autre orientation � la r�volution. N�anmoins, le proc�s Moubarak restera, quelle que soit son issue, un �l�ment de dissuasion fondamental pour les apprentis dictateurs et autres potentats en devenir. Ce proc�s fait na�tre d�j� des craintes s�rieuses chez les membres du clan Assad, accroch�s au pouvoir en Syrie. La t�l�vision d'�tat syrienne a �t� le t�moin �loquent de ces craintes en ne diffusant pas des images du proc�s du Caire � son premier jour. Ce n'est qu'au bout de quarante minutes de journal t�l�vis� que le pr�sentateur a �voqu� �des accrochages entre adversaires et partisans de Moubarak en marge du proc�s�. Il est vrai qu'il faut s'attendre � tout avec un r�gime qui d�ploie ses chars partout sauf sur le Golan occup� par Isra�l. Il en est ainsi parce que la Syrie est dirig�e par �un ophtalmologue frapp� de c�cit�, comme le remarque cet opposant syrien dans Elaph. Apr�s le l�chage de son alli� russe Vladimir Poutine, Bachar Al- Assad a re�u un nouveau coup ass�n�, cette fois, par le grand po�te Adonis. Ce dernier a d�savou�, � son tour, Bachar Al- Assad et lui a demand� de se d�mettre de ses pouvoirs, mais que peut-on attendre de raisonnable d'un ophtalmologue sourd, en plus d'�tre aveugle ?
A. H.

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