Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Le salut �majeur� d'Ali Ferzat


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

Kadhafi, ou El-Gueddafi comme le veut la terminologie officielle, n'est pas seulement un dictateur imbu de sa personne, il fait aussi dans l'imposture, le mensonge, et la supercherie. Sur ce registre, son plus beau coup aura �t� de faire croire au monde que sa fille adoptive, alors dans les langes, avait �t� tu�e par les bombardements am�ricains sur sa r�sidence en avril 1986.
Persuad� que les Libyens �taient responsables de l'attentat contre une discoth�que, fr�quent�e par les soldats am�ricains en Allemagne, Washington avait ordonn� un bombardement de repr�sailles sur plusieurs cibles, dont la �kheima� de Kadhafi lui-m�me. Tout le monde se souvient de la fa�on dont le dirigeant libyen avait jou� les victimes �plor�es, en affirmant que sa fille adoptive de six mois, Hanna, avait �t� tu�e par une fus�e am�ricaine. Or, la r�cente conqu�te de la r�sidence-bunker de Kadhafi � Tripoli a d�voil� la combine avec des documents attestant que la suppos�e fille tu�e �tait bien vivante. Hanna, 25 ans, officiait comme m�decin dans la capitale, et elle aurait quitt� la Libye, en compagnie des autres membres de la famille. Selon Al-Arabia.Net, Hanna se serait enfuie, il y a plusieurs jours, vers la Tunisie, en compagnie des trois fils de Kadhafi et de sa fille A�cha. �a ne nous rassure qu'� moiti�, parce qu'avec une telle engeance, il faut s'attendre au pire, c'est-�-dire � les voir s'installer dans notre environnement national et patriotique. Notre gouvernement, toujours aussi �clair� � la chandelle, a d�menti l'entr�e en Alg�rie d'un convoi de Mercedes blind�es, � bord desquelles aurait pu se trouver le dictateur d�chu. L'information avait �t� diffus�e par l'agence de presse �gyptienne, ce qui explique un peu la promptitude de la r�action officielle de notre diplomatie, malmen�e entre ses positions de principe et les sautes d'humeur du grand chef. Ce d�menti qui r�pond � des sp�culations strictement �gyptiennes, et donc forc�ment hostiles depuis Khartoum, est d'ailleurs la seule initiative �manant du plateau des Annassers(1). On a bien essay� de nous persuader que l'Alg�rie observait une stricte neutralit� dans le conflit interne libyen, mais en pure perte. Il y a de quoi �tre m�fiant, surtout depuis qu'un �missaire sp�cial a �t� d�p�ch� � Tripoli pour y proclamer le soutien du peuple alg�rien � Kadhafi. Je pensais �tre partie int�grante, et de plein droit, du peuple alg�rien, mais comme Bouguettaya(2) ne m'a pas consult� avant d'aller faire all�geance au �Roi d'Afrique�� Toutefois, il n'y a aucun alg�rien sens� qui fera mine de croire que Bouguettaya a agi de sa propre initiative, et sans l'autorisation des d�cideurs du moment. Donc, jouons le jeu et agissons comme si Kadhafi n'�tait pas parmi nous, vu qu'il n'a jamais �t� des n�tres. Pensons plut�t � sa pauvre fille A�cha qui doit remplir des bassins de larmes � la vue de sa piscine envahie par des enfants, qui font d�j� comme s'ils �taient chez eux. De la graine de lib�rateurs qui finiront sans doute par devenir ministres s'ils ne se font pas prendre au pi�ge de la coca�ne, et d'autres produits dopants. Il para�t que d'autres se sont laiss�s (et fait) prendre, par ailleurs� Grandeur et d�cadence de Kadhafi : les amis et clients qui chantaient jadis ses louanges et profitaient de ses largesses financi�res le l�chent un par un. Le po�te �gyptien Fouad Negm a reconnu la semaine derni�re sur le plateau de la cha�ne Al-Kah�ra Wal'Nass, qu'il avait �t� un supporter de Kadhafi. �J'ai �t� son ami, car j'admirais sa personnalit� et sa folie, et parce que j'ai toujours aim� passionn�ment la folie. Mais je l'ai plaqu�, comme une �pouse le ferait avec son mari, il a d�truit la Libye. Je d�teste aujourd'hui la folie de Kadhafi et je n'ai plus aucune admiration pour lui. Je lui souhaite une mort rapide, ou de subir le sort de Moubarak dont ni la vie ni la mort ne veulent.� Dictateurs de tous pays (arabes), r�veillez-vous ! Voil� le genre d'�pitaphe qui vous attend ! Loin de nos turpitudes libyennes, le Syrien Bachar Al- Assad tient toujours t�te � la contestation populaire et persiste avec le soutien r�solu et ind�fectible de l'Union des �crivains arabes(3). Le �Za�m� attitr� des patriotes arabistes, plumitifs, folliculaires, ou �crivains sans lecteurs, est encore plus sanguinaire que Kadhafi, dont il applique � la lettre le slogan �Be�t be�t, zenga zenga� (Maison par maison, ruelle par ruelle). C'est ainsi que proc�de Assad dans les villes insurg�es qu'il nettoie au canon de char, des chars qui n'ont jamais tir� un seul projectile contre Isra�l. Jeudi dernier, le cruel autocrate de Damas a commis un nouveau forfait en s'attaquant au caricaturiste syrien Ali Ferzat. Le dessinateur de presse, mondialement connu, ne faisait pas de politique, mais il publiait des caricatures f�roces contre le r�gime. D��u par l'attitude de soumission des intellectuels et artistes syriens � l'�gard du r�gime, il avait propos� de publier une �Liste d'infamie� comportant les noms des personnalit�s compromises avec le pouvoir. Ali Ferzat a �t� kidnapp� par des hommes de main, et sauvagement battu, les agresseurs lui ont notamment �cras� les mains, pour le punir de ses dessins. C'est ainsi que le clan Assad avait proc�d�, il y a une trentaine d'ann�es, avec le journaliste libanais Salim Ellouzi. Ce dernier, r�fugi� � Londres, avait �t� enlev� et assassin� � Beyrouth, o� il �tait venu assister � l'enterrement de sa m�re. Avant de le tuer, les mercenaires de Damas lui avaient coup� les doigts, signifiant par l� que c'�tait l'homme de plume qui �tait vis�. Il y a deux mois, c'est le chanteur de la r�volution syrienne, Ibrahim Kachouche, qui a eu la gorge tranch�e parce que ses chansons faisaient enrager les autorit�s. Quant � Ali Ferzat qui se remet de ses blessures, il se console du silence arabe en lisant les messages de soutien qui lui viennent d'Europe et d'Am�rique. Sur son �blog�, l'un de ses confr�res caricaturistes a publi� un dessin le repr�sentant couvert de pansements sur son lit d'h�pital. Les mains sont �galement band�es, et � l'emplacement des doigts, on voit �merger le seul �majeur�(4), dress� comme un d�fi lanc� � Bachar. Il y a des �v�nements et des jours qui ont une saveur particuli�re, comme celle que procure l'appel pr�coce d'un muezzin press� � l'heure du �ftour�.
A. H.
(1) Que diable ! Les Fran�ais ont bien leur �Quai d'Orsay�, et je ne pense pas qu'il dispose d'une vue aussi imprenable, que ce promontoire des Annassers qui permet de voir tr�s loin, surtout par temps clair et sans perturbations nuageuses en provenance de Libye.
(2) Cet ancien journaliste qui s'est hiss� jusqu'aux trav�es du parlement � la force du poignet, celui reli� � la main qui n'�crit pas, est la vivante illustration du mot de la sentence de Mark Twain qui disait que le journalisme m�ne � tout � condition d'en sortir. Nombre d'ex-confr�res l'ont suivie, et ils s'en sont bien sortis, pour l'instant du moins.
(3) Une union � sens unique, � laquelle est affili�e, avec fiert�, engagement et enthousiasme, l'union de nos �crivains alg�riens, faute de mieux dans le gotha litt�raire. Aucun membre de l'Union des �crivains arabes ne peut obtenir le prix Nobel de litt�rature sous peine d'�tre expuls�, en vertu des statuts de ladite union.
(4) Pour les lecteurs int�ress�s, ce dessin est visible � cette adresse : http://www.ali-ferzat.com/ar/home.html Vous pouvez aussi laisser des messages de r�confort et d'amiti� au caricaturiste syrien.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable