Culture : COLLOQUE NATIONAL SUR ISABELLE EBERHARDT � A�N-SEFRA �Le Sahara et l�obsession de l��criture�
L�association culturelle Safia-Ketou de A�n-Sefra a organis�, vendredi, un colloque national sous le th�me : �Le Sahara et l�obsession de l��criture chez Isabelle�, comm�morant ainsi le 107e anniversaire de la mort tragique d�Isabelle Eberhardt.
Le pr�sident de l�association, Abdelkader Difallah dira :
�L�organisation du colloque nous permettra d�exploiter davantage et de
mettre en valeur le patrimoine culturel et touristique de la r�gion�. Au
programme de la matin�e, une c�r�monie de recueillement devant la tombe
d�Isabelle, suivie d�une visite au mus�e Cheikh-Bouamama, � Moghar-Tahtani.
Dans l�apr�s-midi, quatre conf�rences ont �t� donn�es. La premi�re a �t�
pr�sent�e par le Dr Abdelkader Rabhi de l�universit� de Sa�da, qui a
fait un long expos� sur �le soi et l�autre dans l�ensemble des nouvelles
d�Isabelle�. La deuxi�me conf�rence, pr�sent�e par le Dr Bachir Khelifi
de l�universit� de Mascara, avait pour th�me �le Sahara comme nouveau
regard dans les �crits d�Isabelle�. Ensuite vint l�intervention du Pr
Ali Nabti, de l�universit� de Sa�da, sous le th�me �l�espace sacr� dans
les �crits d�Isabelle �. Quant � l��crivain Khelifa Benamara, il a fait
un expos� sur les quatre s�jours d�Eberhardt � A�n-Sefra. Une lecture de
po�sies du po�te et romancier Ahmed Bench�rif a cl�tur� les
interventions. Plusieurs intervenants ont pris part au d�bat, dont des
�tudiants qui ont consacr� leurs m�moires et leurs recherches �
Eberhardt. Plusieurs recommandations ont �t� faites � la cl�ture de ce
colloque, notamment le jumelage entre les villes o� Isabelle a transit�
(Gen�ve, Annaba, Batna, Oued-Souf, Boussa�da, T�n�s, Alger et Kenadsa)
et la cr�ation de la fondation Eberhardt ; continuer � traduire en arabe
ses �crits ; la restauration du cimeti�re Sidi Boudjema� o� se trouve sa
tombe ; cr�ation d�un site Internet pour Isabelle ; la n�cessit� que le
prochain colloque serait celui de toutes les villes cit�es. Isabelle
Wilhemine Marie Eberhardt est n�e le 17 f�vrier 1877 � Gen�ve. D�origine
russe, sa m�re Natalia, aristocrate de St-P�tersbourg, �tait veuve d�un
g�n�ral tsariste qui s�installa en Suisse en 1871. A 20 ans, elle
parlait d�j� six langues (le fran�ais, le turc, l�arm�nien, l�anglais,
l�arabe et le russe). �Est-ce qu�elle a 20 ans d��criture ou elle a
l��ge de 20 ans ?� s�est-on interrog� � un moment. Apr�s avoir quitt� la
Suisse, B�ne a �t� la premi�re destination d�Isabelle et de sa m�re
Natalia. Voyant que les bienfaits du colonialisme n��taient pas aussi
�vidents que �a, apr�s avoir habit� le quartier europ�en, elles d�cident
de vivre au sein d�un quartier arabe. Sa m�re apr�s sa reconversion �
l�islam, s�est appel�e Fatima Menoubia (enterr�e au cimeti�re musulman
de Annaba). En 1900, Isabelle s�installa � Oued-Souf, adh�ra � la zaou�a
soufia, et se maria avec Slimane Ehni, selon les coutumes musulmanes. En
1901, elle fut bless�e � coups de sabre � Behima (El-Oued), au proc�s,
elle cr�a un scandale en sollicitant l�indulgence pour son agresseur.
Elle fut alors expuls�e du territoire alg�rien et s�en alla � Marseille.
L�acad�micienne Edmond Charles-Roux, dans l�un de ses �crits, d�crit cet
acte, comme le premier attentat int�griste de l�histoire contemporaine.
En 1902, elle est de retour en Alg�rie, pr�cis�ment � T�n�s, o� son mari
devint fonctionnaire. En septembre 1903, elle vint dans la r�gion de A�n-
Sefra en tant que reporter d� El-Akhbaret de la D�p�che alg�rienne,
quelques jours seulement avant que Lyautey ne devienne g�n�ral de la
subdivision militaire du territoire de A�n-Sefra. Elle est appel�e
commun�ment Si-Mahmoud, Mahmouda, ou Mahmoud Sa�di, pour son uniforme
masculin en cavalier arabe. Les sujets de curiosit�, les motivations,
tout dans son comportement �tait jug� r�pr�hensible. Elle revendiqua
seulement la libert� de se convertir � l�islam, d�aimer un peuple et un
pays � l�Alg�rie � un pays qui n��tait pas le sien, d�y vivre fi�rement
tout en cherchant une int�gration, � premi�re vue interdite. La libert�
de prendre ses distances vis�- vis de la soci�t� coloniale, c��tait
braver l�opinion et en subir les cons�quences, c��tait aller jusqu�au
bout de soi-m�me en provoquant haine et suspicions, c��tait aimer le
d�sert et en mourir. L��nigme Eberhardt, dont le mode de vie, les
amiti�s et les habits masculins avaient �tonn� plus d�un sur les rives
du L�man, �tonna bien davantage les Fran�ais d�Alg�rie qui l�observ�rent
avec m�fiance. Par sa plume pr�cise et acerbe, elle s�est insurg�e
contre les comportements inhumains des troupes coloniales et d�nonc�
leurs agissements en sa qualit� de romanci�re et de reporter aux
journaux El-Akhbar et la D�p�che alg�rienne. Isabelle racontait de
l�Alg�rie �rien de ce qui aurait pu plaire au colonialisme�. Son regard
n�allait se poser, ni sur l�Orient des richesses ni sur celui des
mirages, il n�allait qu�� l�Orient des r�alit�s quotidiennes, aux faits
et gestes des plus humbles, ��ceux qui n�ont rien et � qui on refuse
jusqu�� la tranquillit� de ce rien�. Isabelle demeurait une �me en
peine, en peine de libert�.... Comme elle le d�crit : �Je travaille �
noter mes impressions du Sud, mes �garements et mes inventaires, sans
savoir si des pages �crites si loin du monde int�resseront jamais
personne.� �N�est-ce pas la terre qui fait les peuples ? Que sera
l�empire europ�en d�Afrique dans quelques si�cles, quand le soleil aura
accompli dans le sang des races nouvelles ? A quel moment nos races du
Nord pourront-elles se dire indig�nes comme les Kabyles roux et les
Ksouriennes aux yeux p�les ? Ce sont l� des questions qui me pr�occupent
souvent��. Elle �crit durant l��t� 1904 : �J�ai quitt� A�n- Sefra l�an
dernier aux premiers souffles de l�hiver. Elle �tait transie de froid,
et de grands vents glapissants la balayaient courbant la nudit� fr�le
des arbres. Je la revois aujourd�hui tout autre. Maintenant que j�y vis,
en un petit logis provisoire, je commence � l�aimer. D�ailleurs, je ne
la quitterai plus pour un maussade retour vers le Tell banalis�, et cela
suffit pour que je la regarde avec d�autres yeux : ce ne sera que pour
descendre plus loin que j�irai l�-bas, o� dorment les hamadas sous
l��ternel soleil(�)� Notons que deux tabous ont �t� cass�s, le premier
sur la reconnaissance d�Isabelle, et le second sur l�islamit�
d�Isabelle. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika a, � deux reprises, cit�
Isabelle dans ses discours, notamment aux Emirats, o� se tenait le forum
�D�serts du monde�. Alors, que le pr�sident du HCI, M. Bouamrane Cheikh,
a tenu une conf�rence sur l�islamit� d�Isabelle lors de la comm�moration
du centenaire de sa mort, � A�n-Sefra en 2004. L��crivaine de l�acad�mie
Goncourt Edmonde Charles-Roux a consacr� � Isabelle une volumineuse
biographie, dont le dernier livre Isabelle du d�sert compte 1 108 pages.
Un film de 59 mn intitul� La fi�vre de l�Errancea �t� r�alis� par le
cin�aste Ali Akika. Isabelle Eberhardt meurt � l��ge de 27 ans, lors de
la crue subite de Oued Sefra, le 21 octobre 1904. Elle repose au
cimeti�re musulman Sidi- Boudjema�, aux c�t�s de sa cons�ur Safia Ketou,
sur cette terre d�Alg�rie qu�elle a tant ch�rie.
B. Henine
|