Contribution : R�PONSE � ALI MABROUKINE
Le professeur chantre du desposte


Par Mohamed Ma�rfia
Pourquoi engager une pol�mique avec un personnage m� par des pulsions rebelles � toute th�rapeutique m�dicale, un boumedien�latre � l�aff�t du moindre billet pour �peronner Rossinante ? La sagesse commande de se taire lorsque est ass�n� le fameux point final dont se gaussent nos villageois : �Elle vole, oui, mais c�est comme une ch�vre !�
Bien �videmment, je ne reviendrai pas sur le drame du 14 d�cembre 1967. M. Mabroukine semble en conna�tre les causes et les circonstances mieux que ceux qui ont �t� au c�ur de l��v�nement. Il faut respecter l�omniscience quand elle campe, s�re d�elle-m�me, sur le moindre d�tail. Cependant, par respect pour les lecteurs du Soir d�Alg�rie, pour leur �dification, il est de mon devoir de r�pondre � certaines assertions, lesquelles n�ont rien � voir avec l�affaire du 14 d�cembre. Les malversations, les pr�varications et la corruption �taient, d�apr�s Monsieur Mabroukine, monnaie courante dans les rangs de l�ALN. Mais qui �taient ces pr�varicateurs qui s�vissaient dans les rangs de l�ALN et contre lesquels M. Mabroukine s�en va-ten guerre ? H. Boumedi�ne a pris la succession de Mohamedi Sa�d Nacer � l�Est. Si ce dernier, tant vilipend�, a eu une seule vertu, c�est assur�ment celle de la probit�. Il �tait honn�te jusqu�� la caricature. Les moudjahidine qui l�ont connu ne me d�mentiront pas. Alors, Abdelhafid Boussouf ? Ceux qui avancent des affirmations p�remptoires concernant le �tr�sor� du Malg que Boussouf aurait d�tourn� n�ont pas l�ombre d�une preuve. Ce grand patriote ne vivait que pour sa passion de l�Alg�rie. Il a tout sacrifi� � cette passion, sa jeunesse, sa sant�, sa vie priv�e. Des hommes de cette trempe n�acceptent jamais de greffer � leur socle une pierre ignominieuse. Boussouf a d�pens� de l�argent pour cr�er des centres de formation, pour acqu�rir des mat�riels de transmission moderne, pour lancer des fabrications militaires, pour acheter, partout o� cela pouvait �tre possible, des armes et des �quipements. Il ne s�est pas enrichi avec l�argent de la R�volution. Alors Belkacem Krim et Bentobal ? A un moment donn�, des rumeurs avaient couru. Krim, Bentobal et Mahmoud Ch�rif, dans les capitales qu�ils visitaient, descendraient dans des �quatre-�toiles�. La rumeur insidieuse, la rumeur aux mille pattes, le coin de b�cheron dans le tronc du ch�ne destin� � le faire �clater a couru � travers le maquis. L�ennemi faisait donner ses cryptes cach�es pour convaincre la base de �la pourriture� du sommet. Je me souviens. Nous �tions quelques-uns dans un refuge. Le tract parlait de lits moelleux, de tapis de haute laine et de mets d�licats. Le torchon, largu� par un �piper�, voulait nous convaincre que les hauts responsables de l�ALN se vautraient dans les d�lices de Capoue alors que notre lot quotidien �tait fait �d�abruptit� de djebels, d��pines de maquis, de froid de l�hiver et de coutelas de l�gionnaires. Notre officier � il est toujours de ce monde � nous regarda l�un apr�s l�autre et interrogea � la ronde : �Quel sentiment ressentirez-vous si vous appreniez que les chefs de la R�volution habitent dans un fondouk ?� �H�chouma�, avions- nous r�pondu � l�unisson. Je revois, comme si cela datait d�hier, le colonel Amara Bouglez, lequel a �t� omnipr�sent pendant longtemps dans le nordest alg�rien (l� o� avait lieu l�essentiel des mouvements des unit�s de l�acheminement), v�tu d�une canadienne fatigu�e, la carabine US � la main, en grande discussion avec le commandant Tahar Sa�dani sur ce que pourraient rapporter les immenses lots de li�ge entass�s et laiss�s � l�abandon dans les for�ts du Nord- Est. C�est avec le rapport de cette vente, r�alis�e gr�ce � Hadj Mohamed Othmani et � son fils Salah, et supervis�e par le commandant Tahar Saidani que la base de l�Est a pu acqu�rir ses premiers mat�riels. Pas un dinar tunisien, pas un seul, n�a transit� par les mains du colonel Bouglez ou du commandant Saidani. J�ajoute que Hadj Mohamed Othmani, une fois notre maigre p�cule d�pens�, continua � ravitailler, � partir de son d�p�t du 2, rue Aldjaza�r � Tunis, nos maquis sans jamais pr�tendre � un quelconque paiement. Les commer�ants membres de la diaspora kabyle diss�min�s � Sakiet Sidi Youssef, au Kef, � B�ja, � Souk El-Arba, � Tunis et ailleurs, mobilis�s par Amirouche, lors de son �tape tunisoise en 1957, sont efficacement venus � la rescousse. L�ALN, � l�int�rieur, a surv�cu gr�ce � la solidarit� de notre peuple. O� sont donc ces exc�dants financiers qui auraient pu tenter d��ventuels d�linquants ? Les chefs de Wilaya, comme les chefs de zone ou de r�gion, avaient d�autres soucis que ceux de l�argent. Durer, survivre, continuer le combat �tait la seule pr�occupation. Le livre �mouvant du moudjahed Mansour Rahal, Les maquisards, d�crit, d�une fa�on magistrale, la vie quotidienne sous l�enfer des bombes. Les finances de la coordination du CCE, puis du GPRA (ann�es 1957, 1958, 1959, 1960) bas�e au n�26 de la rue Sadikia, � Tunis, �taient �ordonn�es� par l�intransigeant, le rigide Hamman Kaci et g�r�es par l�aust�re si Moussa Mohamed dont la probit� notoire lui valut d��tre nomm� directeur des imp�ts, puis des douanes apr�s l�ind�pendance. Au Kef, l�intendance �tait confi�e � Abdelmajid Aouchiche (futur colonel de l�ANP), dont le souci permanent �tait de boucler des fins de mois difficiles, tant les finances �taient rares. Mohamed Lamouri, Ahmed Nouaoura, Mohamed Aouachria, Mustapha Lakhal, le capitaine Zoubir et avant eux Taleb Larbi, Abdelha�, Abdelkrim ou Laghrour Abbes, qui furent des responsables de premier plan, n�ont pas �t� convaincus de malversations, sinon ceux qui les ont mis � mort n�auraient pas manqu� de le dire. Amirouche, que notre for�at des dithyrambes a tant accabl�, �tait m�ticuleux et impitoyable quand il s�agissait du bon usage des deniers de la R�volution et ainsi ont agi Ali Kafi, Si M�hamed, Si El-Haoues, Hadj Lakhdar Abid, le Dr Khatib, Tahar Zbiri, Lotfi, Athmane et tous leurs compagnons. Alors, � une �chelle subalterne ? Lorsque le CCE commen�a � installer les bases du futur Etat alg�rien, le �nidham� a mis en place des p�nitenciers qui �h�berg�rent � beaucoup de monde. Le responsable de ces structures est toujours de ce monde. C�est un compagnon. Je l�ai interrog�. �Ils se comptent sur les doigts d�une seule main les membres de l�ALN qui ont �t� incarc�r�s pour des d�lits li�s � l�argent�, m�a-t-il affirm�. Le CCE, et plus tard le GPRA, ont eu les moyens d�agir gr�ce � la remarquable organisation mise en place par la F�d�ration de France pour drainer vers les caisses de la R�volution les cotisations de nos �migr�s. Les aides des pays fr�res et amis �taient irr�guli�res et parcimonieuses. Ces mannes, quoique modestes, ont servi, gr�ce � une gestion rigoureuse, � budg�tiser efficacement les diff�rentes activit�s des institutions de l�Alg�rie en guerre. Je d�fie notre autiste de la boumedi�nomanie de nommer un seul chef de Wilaya, un seul responsable de l�ALN, parmi ceux qui ont surv�cu, qui a �tal�, apr�s l�ind�pendance, des signes ext�rieurs de richesse. Les membres du cabinet de Krim, l�homme fort du CCE et ensuite du GPRA : Kessar Sa�d, Abdelazziz Zerdani, Mohamed Harbi, le regrett� Tewfik Bouattoura, Hocine Zaatout ont tous, apr�s la guerre, gagn� leur vie � la sueur de leur front. Kh�lifa Laroussi (secr�taire g�n�ral du Malg qui a �t� tant suspect�, au moment o� le tout-Alger s�interrogeait sur l�origine de la fortune de son fils) a b�n�fici� de la g�n�rosit� de sa belle-famille et de la solidarit� de quelques amis pour lancer sa petite fabrique de bandes �velpeau� � Ch�raga ; quant au commandant Mouloud Idir (bras droit de Belkacem Krim pendant la GLN, cens� avoir �t� le d�positaire du �pactole� de Krim ), il a vendu un mouchoir de poche de rocaille du c�t� de Mechtras pour financer son modeste commerce � Blida. Mais o� donc notre professeur du pluriel anecdotique a-t-il pris ses sources quant � la pr�varication, aux d�tournements qui auraient �t� monnaie courante dans l�ALN avant Boumedi�ne ? Dans quelque �mission de �la voix du bled�. Je me suis �tal� longuement sur cette question, non pour l��dification du manich�en inv�t�r� pour lequel tout �tait noir avant Boumedi�ne et que tout est redevenu noir apr�s sa disparition, mais pour les lecteurs du Soir d�Alg�rie qui pourraient �tre abus�s par des �crits o� le fantaisiste foisonne. Notre adorateur en boucle s�emm�le les pinceaux en confondant DAF et daf, et donne dans la diffamation en reprenant � son compte les affirmations qui professent que �les DAF �taient des mercenaires � la solde de leurs commanditaires successifs�. Il insulte Larbi Belkheir qui a command� un bataillon d��lite, il outrage la m�moire de Chabou qui a contribu� puissamment � la modernisation de l�arm�e alg�rienne. Il invente un �clan d�Oujda� qui n�a jamais exist�. Il est vrai que ce clan fant�me a �t� un th�me de conversation quand les comptoirs des bars d�Alger �taient la seule Agora possible. Il fait dire � Ferhat Abbas, pr�sident du premier GPRA, ce qu�il na jamais dit. Il confond, � propos du Conseil de la r�volution, directoire politique supr�me et organe de gestion. La majorit� du Conseil de la r�volution n�a jamais pr�tendu qu�� une seule chose : mener le pays le plus rapidement possible vers la stabilit� gr�ce � des institutions d�mocratiques mises en place par le vote libre des Alg�riens. En quoi les anciens chefs des Wilayas historiques et les autres membres du CR �taient-ils incapables de veiller � la bonne application de ce programme ? Des troubadours incultes ? Quel m�pris pour Salah Boubnider, le docteur Khatib, Ka�d Ahmed, Abdelghani, Sa�d Abid, Tahar Zbiri, Mohamed Salah Yahyaoui et leurs compagnons ! �Troubadours incultes�, surprenant trait d�union. Encore une chose et son contraire. Relisez vos classiques, monsieur le professeur ! Les troubadours �taient la m�moire vivante du peuple de France. Ils �taient po�tes, musiciens, com�diens, historiens, souvent polyglottes. Ils parcouraient l�Europe pour illuminer la grisaille des donjons pour le plus grand plaisir des dames esseul�es, des rois et des seigneurs en d�clamant la passion d�Yseult ou la geste du roi Arthur. La po�sie du Moyen-�ge leur doit quelques-uns de ses th�mes les plus populaires. Ils ont apport� leur pierre au socle culturel fran�ais. Les chefs des Wilayas historiques qui �taient membres du CR furent d�incomparables inspirateurs d�odes et de ballades. Avant qu�un accident de l�histoire ne les r�duise � la portion congrue du droit de dire et d�agir. Au moment o�, partout dans le monde arabe, l�heure est � la contestation des r�gimes autoritaires et � l��valuation de leurs bilans, voil� un �professeur� de droit qui s��rige, au m�pris du contrat moral qui doit lier l�intellectuel � son peuple, au m�pris du sacerdoce d�un enseignant du droit, en d�fenseur de la plus f�roce des dictatures dont le fondement premier �tait la n�gation du droit. Il se fait le chantre d�un despote � un despote qui s�est toujours assum� en tant que tel � qui a fait taire toutes les contestations, toutes les oppositions par l�exil, la lettre de cachet, la torture et l�assassinat politique et pire que tout cela � parce qu�il y a pire, h�las � l�outrage fait aux martyrs. Lorsque, il y a une ann�e, avait paru un livre qui d�non�ait l�inqualifiable sacril�ge, notre Fouquiet-Tinville avait, ind�cemment, requis � charge contre la victime. Le goulag que le plaidoyeur asserment� ne veut pas reconna�tre avait une devise �hraoutt lekleb�, (la m�thode a �t� reconnue et revendiqu�e publiquement par un de ses officiants). Il avait une substance : un immense labyrinthe fait de murailles et de brouillards (des milliers d�Alg�riens ont connu ces catacombes. Beaucoup n�en sont jamais revenus). Il avait une devanture, faite de slogans populistes et de r�ussites �conomiques invent�es de toutes pi�ces. Il avait surtout des cols blancs, t�cherons de la diversion, assumant sans fausse honte, sous les sunlights, leur mercenariat. Ils n�ont pas tous disparu.
M. M.

Mes excuses � la famille de Sa�d Abid
Conscient d�avoir dans mes �crits parus r�cemment dans le Soir d�Alg�rie employ� des mots malheureux � propos du parcours frontalier du moudjahed Sa�d Abid, je pr�sente mes excuses les plus sinc�res aux proches et aux compagnons du grand disparu, et particuli�rement � Mme Sa�d Abid qui a toujours �t� admirable de courage et de dignit�.
J�affirme que je n�ai jamais voulu amoindrir la dimension de Sa�d Abid, ami d�enfance, camarade d��cole et compagnon de lutte.
Je regrette de n�avoir pas su exprimer plus clairement ce que j�ai dit d�essentiel, � savoir : Sa�d abid �tait un brave homme, qu�il n�a jamais �t� un instrument aux mains de Houari Boumedi�ne, qu�il a tout fait pour �viter l�effusion de sang mais qui a �t� broy� par la fatalit�.
Quarante-quatre ans apr�s le drame, on doit, quand on �voque son nom, s�incliner avec respect en sa m�moire.
Mohamed Ma�rfia

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