Chronique du jour : A FONDS PERDUS
Recolonisation en vue


Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com

Dans La face cach�e de la r�volution tunisienne. Islamisme et Occident, une alliance � haut risque (*), Mezri Haddad introduit son ouvrage avec beaucoup d�amertume : �Ce qui sentait le jasmin les premiers jours apr�s la chute du r�gime tunisien, d�gage depuis quelques mois une odeur naus�abonde, celle du tribalisme et de l�obscurantisme en Tunisie ; celle des cadavres par milliers en Libye, en Syrie et au Y�men, sans parler des autres pays qui sont cibl�s par les strat�ges am�ricains, ceux-l� m�mes qui avaient con�u le projet n�oconservateur du Grand-Moyen-Orient.
Et on veut faire croire aux peuples que toutes ces r�volutions sont spontan�es ! Que cette Grande Discorde (Fitna Koubra) est une bonne chose pour le monde arabe ! Que je vous le dise tout de suite : derri�re cette ivresse de la libert� et ce triomphe de la d�mocratie, se profilent trois poisons mortels : la tentation de l�int�grisme, la sublimation de l�anarchisme et l�abandon de la souverainet�. Au cas o� mes compatriotes ne le sauraient pas encore, il y a pire que la dictature : l�anarchie. Et il y a plus tragique que l�anarchie : la guerre civile. Et il y a plus affligeant que la guerre civile : le retour du colonialisme (�.) �. Le politicien tunisien va encore plus loin : �Les Etats-Unis ont d�cid� de jouer la carte islamiste, pas seulement pour la Tunisie, la cellule m�re du �printemps arabe�, le laboratoire d�essai, la rampe de lancement, mais pour l�ensemble des pays vis�s par ces �r�volutions 2.0� et qui �taient d�j�, sous George W. Bush, s�lectionn�s pour configurer le Grand-Moyen-Orient (GMO). En termes de g�opolitique, les Am�ricains cherchent � constituer en M�diterran�e un arc g�ostrat�gique sunnite, qui partirait du Maroc jusqu�en Turquie, en passant par l�Alg�rie, la Tunisie, la Libye, l�Egypte, le Liban, la Syrie et le futur Etat jordano-palestinien ! Avec le Pakistan, l�Afghanistan, l�Arabie saoudite et les autres p�tromonarchies, l�Iran chiite sera ainsi d�finitivement isol�, le p�trole sera bien gard� et la foi des musulmans bien conserv�e.� Si � l�alliance � �voqu�e dans le titre et le propos de Mezri Haddad existe r�ellement, on doit bien en trouver traces probantes, loin des propos de sous-traitants locaux et autres �seconds couteaux�. Ce qui structure le comportement occidental contemporain � l�endroit de notre r�gion a �t� m�rement r�fl�chi. Retour � l�essentiel. A leur sommet de Strasbourg Kehl, en avril 2009, les dirigeants des pays de l�Alliance avaient charg� le secr�taire g�n�ral, Anders Fogh Rasmussen, de r�unir un groupe d�experts qualifi�s, issus d�horizons divers, afin de jeter les bases d�un nouveau concept strat�gique pour l�Otan. Pr�sid� par Madeleine K. Albright (Etats-Unis) et vice-pr�sid� par Jeroen van der Veer (Pays-Bas), le Groupe a commenc� ses travaux en septembre 2009. Le 17 mai 2010, il pr�sentait son analyse et ses recommandations finales (**). Dans la synth�se de leurs conclusions, intitul�e �A nouveaux p�rils, nouvelle r�solution �, les auteurs du rapport dressent le tableau d�un �monde incertain et impr�visible �, tout en demeurant �confiants� pour ce qui est de l�avenir gr�ce au maintien du �r�le de l�Otan comme garant de l�unit�, de la s�curit� et de la libert� de la r�gion euroatlantique �. Leur �incertitude� provient de nombreux facteurs affectant plus ou moins directement l�espace arabo-musulman et parmi lesquels sont recens�es : �Les ambitions de groupes terroristes internationaux ; la persistance de rivalit�s r�gionales, nationales, ethniques et religieuses aux effets corrosifs ; la d�pendance croissante du monde � l��gard de syst�mes informatiques potentiellement vuln�rables ; la concurrence pour le p�trole et d�autres ressources strat�giques (d�o� l�importance de la s�ret� maritime) ; l��volution d�mographique, qui pourrait accentuer des probl�mes mondiaux tels que la pauvret�, la faim, les migrations ill�gales ou les pand�mies. � Leurs projections d�ici � 2020 mettent en �vidence �l��mergence de nouveaux dangers, les exigences multiformes d�op�rations complexes et la gageure de s�organiser avec efficacit� dans un si�cle o� la r�activit� est vitale, l�adaptabilit� est critique et les ressources sont rares�. Le nouveau concept strat�gique envisag� place au c�ur des enjeux �les al�as de l�approvisionnement �nerg�tique�. Ce concept strat�gique, �labor� en 1999, se veut adapt� aux exigences s�curitaires qui s��taient fait jour dans les dix premi�res ann�es de l�apr�s-Guerre froide. Il �nonce un certain nombre de �fondamentaux � pour une organisation plus id�ologis�e que jamais puisqu�il s�agit, est-il �crit, de �donner du muscle et du nerf aux id�aux d�mocratiques�. Traduire par : �id�aux du capitalisme�, si tant est que ce dernier puisse en avoir. Les menaces potentielles qui p�sent sur ces �id�aux� ne sont pas conventionnelles parce que la probabilit� d�une attaque militaire directe aux fronti�res de l�Alliance est faible, �du moins pour l�avenir pr�visible�. Tout aussi critiques sont cependant les �menaces moins conventionnelles�, au rang desquelles revient de fa�on r�currente et instante �la perturbation illicite des lignes d�approvisionnement critiques�. Au chapitre de la s�curit� �nerg�tique, il est fermement rappel� que �tout Etat moderne doit avoir acc�s � des fournitures �nerg�tiques en quantit�s suffisantes. Or, pour leurs approvisionnements, la plupart des pays sont tributaires, � des degr�s divers, de sources ext�rieures et de moyens d�acheminement comme les pipelines ou les navires. Toute rupture soudaine ou majeure des approvisionnements d�un pays de l�Alliance serait pr�occupante, surtout si elle �tait due au sabotage d�infrastructures �nerg�tiques ou � une intervention illicite affectant le commerce maritime (�) L�Otan a l�obligation de prot�ger ses propres r�serves �nerg�tiques pour garantir la capacit� d�action de ses forces.� D�ailleurs, au sommet de Bucarest en 2008, l�Alliance avait d�cid� de prendre un certain nombre de mesures suppl�mentaires en mati�re de s�curit� �nerg�tique, parmi lesquelles �le partage du renseignement, le soutien � la protection des infrastructures critiques et l�aide � la mise en place d�un dialogue renforc� avec les pays fournisseurs d��nergie�. Compte tenu de la sensibilit� des enjeux �nerg�tiques, la zone englobant l�Afrique du Nord et le Moyen-Orient est qualifi�e comme faisant �depuis longtemps partie des r�gions du monde les plus importantes sur le plan strat�gique�. Son �volution future affectera les int�r�ts de l�Otan pour ce qui est notamment de �la s�curit� �nerg�tique �. L�Otan annonce aborder ses relations avec les pays de la zone �en faisant preuve de patience strat�gique�. Mais aussi d�action. �Une approche globale des probl�mes complexes� est �nonc�e combinant �l�ments militaires et �l�ments civils : �L�Otan est forte et polyvalente, mais elle n�est assur�ment pas la mieux plac�e pour toutes les t�ches. D�autres organisations, des Etats ou des entit�s non gouvernementales peuvent prendre la direction des op�rations lorsqu�il s�agit d�atteindre des objectifs aussi essentiels que la reconstruction �conomique, la r�conciliation politique, l�am�lioration des pratiques de gouvernance ou le renforcement de la soci�t� civile. Suivant les besoins propres � chaque situation, l�Otan pourra offrir ses services comme organisateur principal d�une action conjointe, comme prestataire d�assistance sp�cialis�, ou encore dans un r�le compl�mentaire (�) Par rapport aux premi�res d�cennies de son existence, l�Otan appara�tra vraisemblablement moins souvent sur le devant de la sc�ne internationale entre 2010 et 2020. En revanche, elle aura � jouer des r�les vari�s, tant�t en chef de file, tant�t en soutien, partageant alors les feux de la rampe avec ses partenaires et amis.� Mention sp�ciale est faite des �partenaires d�op�rations� qui d�signent certains pays qui participent � des missions de l�Otan, sans pour autant s�inscrire dans une structure de partenariat formelle. Dixit le Qatar en Libye ou l�Arabie saoudite � Bahre�n.
A. B.

(*) Mezri Haddad, La face cach�e de la r�volution tunisienne. Islamisme et Occident, une alliance � haut risque, �dition Apopsix, 420 pages. Edit� en Tunisie chez Arabesques, en vente depuis le 1er septembre 2011
(**) �OTAN 2020 : une s�curit� assur�e, un engagement dynamique�, Analyse et recommandations du groupe d�experts pour un nouveau concept strat�gique de l�Otan, 17 mai 2010, www.nato.intwww. nato.int/ebookshop.

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