Culture : LA PLASTICIENNE ZAHIA KACI �VOQUE SON PARCOURS
Au commencement, la femme-courage


�Je suis venue au monde de l�art par accident. Mais un hasard heureux, la peinture m�ayant beaucoup apport� et mon parcours a �t� riche. De ce c�t�-l�, je peux dire que je suis une femme combl�e�, raconte Zahia Kaci.
C��tait lors d�une rencontre organis�e en son honneur, le 14 novembre dernier, par l��tablissement Arts et Culture de la wilaya d�Alger. La plasticienne et d�signer bien connue n��tait pas invit�e � exposer ses toiles, mais plut�t pour parler d�elle-m�me, �voquer son long parcours et donner son point de vue sur les arts plastiques en Alg�rie. Un zoom critique sur l��tat des lieux. Pour cette artiste confirm�e, s�exprimer oralement et non par les pinceaux �tait une �premi�re �. Sa l�gendaire bonne humeur, son sourire et sa modestie ont vite fait de chasser un d�but de trac. La sympathie que Zahia Kaci d�gage a une explication tr�s simple : savoir garder le moral, rester optimiste en toute circonstance. Ses �uvres refl�tent d�ailleurs cet �tat d�esprit, m�me (et surtout) lorsqu'elle traite de sujets s�rieux. Ici, l�art plastique au f�minin �clate dans toute sa splendeur, il est source de vie et d�espoir, car puisant son inspiration du v�cu. Chez Zahia Kaci, les sentiments, les �motions, la sensibilit� et l�amour priment sur tout le reste. Et c�est cette affectivit� omnipr�sente que la femme tisseuse de vie s�me sur ses toiles pour transcender les douleurs, panser les blessures et transmettre les rayons de soleil d�une vie sans cesse recommenc�e. Sa peinture en mouvement, les couleurs chaudes, les tons �clatants donnant � son style souvent semi-figuratif un aspect reposant. Le regard en est revivifi�. Pour dire que la g�n�rosit� est le principal trait de caract�re de cette dame. Devant un auditoire attentif, celle qui est n�e Bouchebaba un certain 25 f�vrier 1947 � Alger confie avoir p�n�tr� comme par effraction dans le monde des arts plastiques. En 1965, alors que son avenir semblait tout trac� (elle �tait lyc�enne, en terminale scientifique, ses parents voyaient d�j� leur fille a�n�e embrasser une brillante carri�re de m�decin), elle prend � contrepied son entourage. Elle raconte non sans �motion : �Au lyc�e, j�avais une prof qui me conseillait d�entrer aux Beaux-Arts, car j��tais tr�s dou�e en dessin et peinture. Je finis par concourir. Nous �tions 120 candidats et je figurais parmi les meilleurs des 22 re�us. Bien s�r, mes parents �taient tr�s d��us, ma m�re surtout. La pilule �tait difficile � avaler pour une famille � cheval sur certains principes, mais mon choix �tait fait...� La jeune fille timide, un peu gauche, dont la longue chevelure soyeuse faisait la fiert� de sa maman, int�gre l�Ecole nationale des beaux-arts et d�architecture. Elle a comme enseignants des artistes illustres, dont M�hamed Issiakhem. �En parall�le � ma formation, je participais � des expositions depuis ma premi�re ann�e d��tudes, encourag�e par Issiakhem lui-m�me. Il y avait aussi les festivals, notamment le Festival panafricain en 1969�, se souvient Zahia Kaci. Elle a ensuite enseign� aux Beaux- Arts, s�est mari�e... Sa vie �tait chang�e. �Je m��tais retrouv�e coup�e du foyer parental. Dans mon petit logement au T�lemly, je m�occupais � peindre les murs pendant que mon mari �tait � son travail. En 1974, je finis par int�grer la Sonelgaz dont le si�ge se trouvait juste � c�t� de chez moi. J�y �tais charg�e de la communication et du marketing jusqu�en 1998, ann�e de ma retraite�, poursuit-elle. Cet autre volet de son parcours a �t�, dit-elle, riche d�expositions, de cr�ation de logos, de travaux de design... Entre-temps, la perte de son cher �poux �tait pour elle un choc si brutal que Zahia Kaci crut qu�elle ne s�en rel�verait jamais. Heureusement, les siens �taient l� pour la soutenir. La vie continue apr�s tant d��preuves douloureuses. La m�re-courage reprend son r�cit : �J�ai alors ouvert une bo�te de communication. J�y ai travaill� pendant cinq ans. Ce sont mes enfants, d�sormais autonomes, qui m�ont recommand� d�arr�ter pour me consacrer enfin et exclusivement � mes toiles�, confie-t-elle. La connaissant, ses enfants avaient compris que la meilleure th�rapie, le rem�de � ses souffrances, son �panouissement c��tait de replonger corps et �me dans son art... R�sultat, Zahia Kaci produit vraiment depuis pr�s de quatorze ans, surtout des peintures sur toile. Elle expose r�guli�rement, nous dit qu�elle multiplie les occasions d�aller � la rencontre des jeunes artistes : �Je les conseille, les oriente, les encourage. Je les incite � beaucoup travailler, ne jamais se d�courager malgr� les difficult�s. � Au cours du d�bat, elle d�plore d�ailleurs le manque de moyens, l�absence de cadre d�expression et de prise en charge de la jeune g�n�ration d�artistes plasticiens. �Aussi, s�inqui�te-telle, beaucoup de nos jeunes talents sont-ils en train de brader leur travail, victimes du bricolage et de la m�diocrit�. Pour survivre, ils se rabattent carr�ment sur le r�alisme, et plagiat et commercial. L��uvre de cr�ation personnelle est absente. Partout en Alg�rie, il existe de vrais artistes qui, se sentant marginalis�s, sont nombreux � abandonner. � Il est vrai qu�il n�existe ni march� de l�art, ni associations dignes de ce nom, ni institut pour r�pertorier tous les artistes et leurs travaux, ni bar�mes de cotation des �uvres... Mais ceci est une autre histoire, � laquelle le parcours de Zahia Kaci ne peut donner des couleurs. Quand on apprend, par exemple, que cette grande figure de l�art f�minin en Alg�rie a expos� � l��tranger, certes, mais n�a jamais accompagn� ses tableaux. Ses toiles voyageaient sans elle, des �tuteurs� et autres bureaucrates se chargeant de les pr�senter en son nom !
Hocine T.

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