Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Le g�n�ral traqu� et l�indiff�rence d�en haut


Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr

Paisible retrait� dans son pays, o� il ne se pr�occupe de rien d�autre que de sa sant�, ce g�n�ral demeure toutefois traqu� hors des fronti�res de l�Alg�rie. L�acharnement dont il fait l�objet ne semble pourtant pas �mouvoir le pouvoir d�Etat qui, officiellement, n�a pas exprim� le moindre regret au moment de son interpellation par la justice suisse. De surcro�t, il s�est abstenu de lui fournir une assistance judiciaire solennelle comme ce fut le cas pour un certain diplomate. Une telle indiff�rence � l��gard d�un ex-chef d��tat-major de l�arm�e, parce qu�elle est inexplicable et inexpliqu�e clairement, n�ouvre-t-elle pas la voie � de graves supputations ?
Parmi celles-ci, peut-on encore citer les secr�tes connivences du pass� avec les proc�dures des tribunaux �trangers ? Au moment de la concorde, par laquelle l�actuel r�gime inaugurait son premier mandat, n�a-ton pas assist� � de semblables op�rations orchestr�es de l�ext�rieur et destin�es � diaboliser les forces arm�es locales � partir d�un questionnement simple, lapidaire et parfaitement compromettant pour une institution somm�e de justifier son r�le ? En effet le �qui-tue-qui ?� n�a jamais �t� une interrogation objective mais un acte d�accusation qui a fini par la mettre sur la d�fensive. Dix ann�es apr�s, la m�me pi�ce se rejoue dans les tribunaux d�Europe avec toujours dans le r�le principal l�officier Nezzar qui doit r�pondre au nom de toute une institution, comme il vient de le souligner avec justesse, dans les colonnes du Soir d�Alg�rie (interview parue le 16 novembre). Il est vrai qu�en ce qui le concerne, ce g�n�ral-major est un soldat atypique. �Primus inter pares�, ce premier parmi ses pairs n�a jamais aim� le mutisme qui est pourtant la marque et la tradition de la caserne. Tout � fait � son aise sur la place publique, il s��tait souvent livr� � l�exercice de la critique jusqu�� devenir une sorte de b�te noire des dirigeants politiques. Ainsi, en plus de ses �tats de service durant la p�riode 1988-1996, Khaled Nezzar poss�dait une ind�niable comp�tence en mati�re de subtilit�s politiciennes que parfois il ne gardait par devers soi. Cela lui a valu, d�ailleurs, un surcro�t de visibilit� dont allaient profiter toutes les voix accusatrices. En 2011, lors de la parution du br�lot de Soua�dia, on le vit en premi�re ligne pour en d�noncer le contenu infamant dont les descriptions rappelaient celles que venaient d�avouer Aussaresses. Il n�en fallait pas plus pour que la litt�rature journalistique en fasse et l�amalgame et de terribles parall�les. La formule �tait jet�e en p�ture et l�on ne parle plus que de �Nezzar- Aussaresses� lorsqu�on le d�signait. Or, sans cultiver outranci�rement de l�hostilit�, ou bien son contraire, de la sympathie pour le g�n�ral alg�rien, la comparaison �tait non seulement injustifi�e mais, de plus, ignoble. Car elle faisait all�grement abstraction de la nature des combats (besognes, au sens sales, dirons-nous) que chacun a eu � mener � des p�riodes diff�rentes et avec des id�aux diam�tralement oppos�s. Il fallait du reste souligner que ces protagonistes dont on voulait rapprocher les �similitudes� n�avaient pu agir, voire assumer des responsabilit�s qu�� partir de solides convictions totalement � l�oppos� l�une de l�autre. Aussaresses n�a �t� rien d�autre qu�un odieux fasciste qui assassina Ben M�hidi et Boumendjel quand Nezzar y �tait d�sign� pour d�fendre l�id�e de la R�publique et qu�il �tait du bon c�t� des barricades de la libert�. Sur ce sujet, l�assimilation abusive, et � dessein politique, qui se poursuit � travers des interpellations d�un g�n�ral ne tient d�sormais la route que par le recours aux credo moraux universels contre lesquels plus personne ne s�oppose. La torture, sujet �minemment troublant en ce si�cle des droits de l�homme, n��tait-elle pas devenue le levier id�al de la d�sinformation et de la manipulation ? C�est ainsi que l�Alg�rie de la d�cennie 90 �tait d�crite sous les traits d�un immense camp de concentration dont l�arm�e en aurait fait une enclave de non-droit. Imprudemment, la question des s�vices qui s�y pratiquaient devint, sous des plumes imaginatives, des Treblinka et des Dachau tropicaux. Et pour faire bonne mesure avec le pass� colonial, l�on ne manqua pas m�me de les comparer aux centres de la torture de la ferme Am�ziane de Constantine et de la villa Suzini d�Alger. Rien n��tait aussi inexact que la trame des faits tels qu�ils furent rapport�s. Quand bien m�me il y aurait toujours � redire sur la multiplication, � l��poque, des interrogatoires muscl�s, l�on ne peut manquer � l�honn�tet� intellectuelle sans rappeler que, dans la terrible lutte contre le terrorisme islamiste, la majorit� des Alg�riens avait souscrit � certains recours troublants, certes, mais imp�ratifs pour la survie du pays. Qu�est-ce � dire si ce n�est qu�� cette �poque, si l�arm�e a pu aller jusqu�aux limites de ce qu�il est moralement prescrit, elle n�a pu se contraindre � une telle situation qu�avec l�aval de la majorit� de la population. Un g�n�ral devenu, gr�ce � l�art du raccourci, le bourreau en titre montre bien que nous n�avons pas affaire � de simples �pisodes de plaideurs sinc�res qui saisissent les tribunaux. Car un feuilleton de cette facture qui dure depuis dix ann�es ne s��crit pas d�une seule main. Derri�re les rideaux, il y aurait quelques �clients� pour que l�imprescriptibilit� ne concerne que le bras arm�e de la R�publique quand l�amnistie de 2004 a d�j� absous les assassinats ritualis�s commis par les charlatans de Dieu. En d�pit de l�odeur de soufre qui accompagne la conspiration, les Ponce Pilate d�en haut gardent le silence alors que l�Alg�rie vacille � la moindre humiliation.
B. H.

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