De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
Ses combats pour la libert� des peuples, la justice et les droits de l�Homme l�ont men�e partout o� ces principes �taient bafou�s. Sur le Sahara occidental, o� elle s�est souvent rendue pour apporter son soutien � la lutte du peuple sahraoui contre l�occupant marocain, ses positions ont �volu� d�une solidarit� sans r�serve � la d�nonciation �de crimes de guerres du Front Polisario�. Ce paradoxe n�a pas toujours �t� compris.
Une femme de convictions vient de s��teindre � l��ge de 87ans. Durant toute sa vie, Danielle Mitterrand, l��pouse de l�ancien pr�sident socialiste, s�est distingu�e des premi�res dames de France qui l�ont pr�c�d�es et succ�d�, en ce sens qu�elle n�a jamais jou� le r�le de potiche que font jouer habituellement � leurs �pouses de nombreux chefs d�Etat. Par sa libert� de ton et son engagement qui ont parfois �t� � contresens de la diplomatie officielle, y compris celle de son pr�sident de mari, elle a men� son combat dans la fondation �France Libert�s� qu�elle a cr��e en 1986. �La vie a voulu que je parcoure un long chemin dans le temps. Le destin m'a donn� l�occasion de fouler de nombreux tapis rouges et de rencontrer les grands de ce monde. Mais il m'a surtout permis de c�toyer des populations de tous les continents, d�entendre les t�moignages d�hommes et de femmes oubli�s du bonheur de vivre et accabl�s par la mis�re. Les tapis rouges des voyages pr�sidentiels ne m'ont pas �gar�e, pas plus que les lustres ne m'ont �blouie. J'ai vu s�effondrer des dictatures, d�autres se constituer avec la protection et parfois l�encouragement des puissants de ce monde�, c�est ainsi qu�elle parlait de son inlassable combat. Dans son parcours de lutte pour les droits de l�Homme, elle d�noncera avec force l�esclavagisme et toutes ses formes nouvelles � travers le monde et soutiendra le peuple kurde, les tib�tains, les Indiens du Chiapas� Elle suscite la pol�mique en se rendant � Cuba et en embrassant Fidel Castro sur le perron de l�Elys�e lors de sa visite en France en 1995. Elle n�avait cure de ces r�actions et poursuivait son chemin, pas toujours facile et pas toujours partag�. Il en est ainsi de son soutien � l�association SOS disparus. Son engagement et celui de sa fondation aupr�s de cette association avaient fait r�agir Farouk Ksentini, pr�sident de la Commission ad hoc en charge des disparus. SOS disparus, qui, selon lui, ne repr�sente qu�elle-m�me, serait financ�e par la fondation France Libert�s et qui plus est serait manipul�e par l�Internationale socialiste. Ce soutien a �t� per�u par les officiels alg�riens comme une ing�rence dans les affaires internes de l�Etat alg�rien. Danielle Mitterrand a toutefois �t� longtemps appr�ci�e de ces m�mes autorit�s.
Ses positions sur le Polisario et le Sahara occidental
C��tait lorsqu�elle s�engagea r�solument et fermement aux c�t�s du peuple sahraoui. Elle apporta � ce peuple un soutien sans faille : �Vingt-cinq ans apr�s la proclamation de la R�publique arabe sahraouie d�mocratique, un peuple continue � vivre sous occupation ou en exil�, �crivait-elle dans une tribune ( l�Humanit� du 2 mars 2001) et poursuivait plus loin : �Nous nous devions de rappeler que le peuple sahraoui s�est vu confisquer l�exercice de son droit par la volont� h�g�monique de puissances r�gionales, dont au premier chef l�Espagne et le Maroc, avec l�assentiment tacite de leurs alli�s. Il n�est qu�� rappeler que le Maroc est un Etat associ� � l�Union europ�enne par des accords �conomiques, notamment de p�che.� Sa tribune se termine par ce cri : �Quand le peuple sahraoui exercera-t-il son droit � l�autod�termination ? La r�ponse est d�terminante pour tout l�avenir de la r�gion. Et tant que cette question sera pos�e, un v�ritable �change entre les deux rives de la M�diterran�e sera illusoire.� Danielle Mitterrand a d�fendu cette position jusqu�� l��t� 2003. A cette date et � la suite d�une mission de sa fondation en avril � Tindouf et du rapport qui s�en est suivi, France Libert�s a d�cid� de suspendre son aide aux r�fugi�s sahraouis, et ce, � cause du �travail forc� auquel seraient soumis les prisonniers marocains d�tenus par le Polisario. Ce dernier avait alors r�torqu� en indiquant qu�il �tait faux de parler de travail forc� et que le Comit� international de la Croix-Rouge, par exemple, �a toujours recommand� de faire travailler les prisonniers pour les maintenir en forme et les aider � supporter leur d�tention�. Est-ce � dire que Danielle Mitterrand et sa fondation ont abandonn� le soutien � l�autod�termination du peuple sahraoui ? Assur�ment non, m�me si l�aide financi�re aux r�fugi�s n��tait plus assur�e. Pour preuve, cette intervention de la fondation, � la 10e session du Conseil des droits de l�Homme (Gen�ve mars 2009) et dans laquelle il a �t� d�clar� � propos du Sahara occidental : �Du r�f�rendum que l�Espagne aurait d� organiser avant son retrait unilat�ral du territoire, � l�avis consultatif n�glig� et oubli� de la Cour internationale de justice de La Haye en passant par la non-application du plan de r�glement de 1991, tout a conjur� pour mener ce pays � une situation d�occupation de facto, cause de violations graves des droits du peuple sahraoui.� Il est vrai qu�en m�me temps qu�elle arr�tait son financement au Polisario, la fondation de Danielle Mitterrand pr�cisait qu�elle �ne remettait pas en question son engagement en faveur de l�autod�termination du peuple sahraoui�. Dans les nombreux hommages qui lui sont faits depuis l�annonce de son d�c�s, deux sont � relever : celui de Nicolas Sarkozy qui a salu� �le parcours exemplaire d�une femme qui n�abdiqua jamais ses valeurs et poursuivi jusqu�au bout de ses forces les combats qu�elle jugeait justes� et ce t�moignage de Roland Dumas qui racontait que lors d�un voyage au Maroc qu�il faisait en tant que ministre des Affaires �trang�res, Danielle Mitterrand, qui �tait du voyage, a failli cr�er un grand couac diplomatique en refusant de s�asseoir � la m�me table que Hassan II, le roi de l��poque.
K. B.-A.

Format imprimable