Culture : ARTS PLASTIQUES
Les �Expressions urbaines� d�Aghiles


Comme chaque soir, les gens ordinaires sont vite rentr�s. Ils sont calfeutr�s chez eux, bien barricad�s. A l�ext�rieur, la grande ville ne dort pas tout � fait. les bruissements de la faune des marginaux se font entendre ici et l�...
Une telle partition accompagne, comme toujours, le voyage au bout de la nuit. Les murs l�preux et sombres en sont le d�cor, alors que les trottoirs sales et d�serts de la cit� forment la sc�ne. L�exposition de I. Aghiles, intitul�e �Expressions urbaines�, s�apparente � des photographies instantan�es de tous ces personnages d�class�s qui peuplent les nuits d�Alger. Les 25 nouvelles toiles du jeune plasticien et qu�abrite la galerie Art 4 You jusqu�au 3 d�cembre prochain sont en effet presque toutes d�di�es � cet univers parall�le, � ce monde noir qui continue de fasciner et d�inspirer l�artiste. Drogu�s, alcooliques, malades mentaux, clochards, malfrats... repr�sentent les acteurs d�une pi�ce ici magnifiquement interpr�t�e. Des personnages complexes, mais bien visibles, que l��uvre esth�tique rend profond�ment humains. Chez I. Aghiles, la laideur est accoucheuse de beaut�, dans le sens baudelairien. Le petit neveu de l�immense M�hamed Issiakhem poursuit ainsi sa qu�te existentielle, une fa�on de se construire. Il explore de nouvelles pistes, pousse encore plus loin, hors des sentiers battus de la cr�ation picturale. Cela s�appelle tout simplement oser pour cet authentique autodidacte dont le talent frise l�insolence. A seulement 22 ans, I. Aghiles apporte beaucoup de fra�cheur aux arts plastiques alg�riens, s�affirmant au fil des mois comme une valeur s�re qui commence � se faire conna�tre et reconna�tre. Une th�matique originale, mais surtout un style personnel de mieux en mieux ma�tris� personnalisent d�sormais la griffe Aghiles. Mais pourquoi tous ces visages laids, tristes et d�sesp�r�s sur ses toiles ? �L�-dedans, nous dit-il, il y a une part de moi-m�me, mais aussi de tous les gens que je rencontre et sur lesquels je flashe. Le plus souvent, ce sont des personnages de marginaux car quand on sort la nuit � Alger, c�est ce genre de personnes qu�on rencontre. N�anmoins, une personne pensive peut aussi m�inspirer, comme cette femme au sourire absent... Dans le tableau Expression urbaine 3�, j�ai par exemple cach� les yeux de la femme, j�ai seulement gard� son sourire, n�ayant pas ressenti son regard.� Bien s�r, l�emploi du style figuratif m�l� de touches abstraites et de beaucoup d�expressionnisme fait l�originalit� du trait, mais aussi la complexit� des �uvres compos�es et leur profondeur. Cela peut d�router le public n�ophyte. Le jeune artiste estime, rassurant : �Il y a beaucoup de gens qui comprennent mon langage. Ce qui m�int�resse en premier, c�est surtout ce qu�ils ressentent � la vue de mes tableaux, quand ils arrivent � s�identifier et ensuite chercher � savoir pourquoi ils s�identifient.� Dans tous ces visages grima�ants et laids, il y a de la po�sie, une part de v�rit� et des sentiments humains. Pour le jeune plasticien (qu�on devine d�une sensibilit� � fleur de peau), il est donc exclu de faire figurer � son registre les �tres d�nu�s de valeurs humaines essentielles, � commencer par ceux qui n�ont aucune fiert� et qui cultivent le mensonge. Les murs et toutes ces hachures qui �gratignent ses toiles ? �Dans les murs, il y a le graphisme, les taches... Je m�en inspire pour la profondeur du tableau. Quant aux hachures, elles surviennent lorsque j�entre en transe et me d�foule sur la toile. Je me lib�re en quelque sorte, quand je ne suis pas bien dans ma peau�, nous explique Aghiles. Eh oui ! quand il est cool, l�inspiration n�est jamais au rendez-vous. Sinon, il est le genre � travailler la nuit, parfois au petit matin, empoignant ses pinceaux comme un enrag� (ce qu�il appelle entrer en transe). Le coup de pouce � l�inspiration, le d�clic, cela fait g�n�ralement suite � une longue marche ou en �coutant de la musique. Apr�s cela, il replonge dans la solitude, sa meilleure compagne, pour pouvoir se noyer � son aise dans son art. Dans la pr�sente exposition � la galerie Art 4 You (Sacr�-C�ur), les tableaux en grand format pr�dominent, de m�me que les couleurs sombres au vu des techniques utilis�es. Notamment le crayon pour les �uvres Expression urbaine 3(60x40 cm), Syst�me nerveux(13x9 cm, sur des feuilles de magazine). Ou encore une technique mixte (pastel, acrylique, encre de Chine, b�tadine) pour le tableau Nos murs sont des toiles (13x8 cm), seulement l�acrylique pour Vue de ma fen�tre (50x25 cm). Quant au tableau intitul� Fiert� (80x50 cm), peint au charbon, I. Aghiles a utilis� du papier kraft recycl� comme support. Les couleurs ? �Je les utilise quand j�en ai besoin, en fonction de ce que je ressens�, fait-il remarquer � propos de l�absence de couleurs chaudes et vives dans ses toiles. Pourtant, il y a bien l� un tableau d�di� � Azzefoun (la r�gion o� il aime se ressourcer), avec du bleu, celui de la mer. Une br�ve immersion dans un monde color� car, en face, le visage d�un canc�reux nous replonge aussit�t dans l�univers sombre de toutes ces �expressions urbaines�... La double influence de M�hamed Issiakhem (tous ces personnages tortur�s) et de Rembrandt (le ma�tre du clair-obscur, si mystique) n�est pas loin. La prochaine expo de I. Aghiles aura d�ailleurs comme th�me le cancer, en plus de sculptures sur le sujet (une premi�re pour lui). Tous ceux qui auraient pr�f�r� d�couvrir de jolis paysages ou des sc�nes intimistes seront peut-�tre d��us, mais on ne peut modifier le cours d�une source d�inspiration. Le jeune Aghiles a tout l�avenir devant lui pour explorer d�autres pistes dans son travail de cr�ation.
Hocine T.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable