
Contribution : 11 DÉCEMBRE 1960 Les chouhada oubliés de Bab El Oued
Solidement imbriqué dans le souvenir impérissable des Algériens, le 11 décembre 1960 restera un des moments les plus importants de la tragédie algérienne. Alors que l’Algérie indépendante, celle qui refusait avec courage et détermination le joug colonial faisait, en ce jour historique du 11 décembre 1960, entendre sa voix, ici et là, notamment du côté de Diar El Mahçoul et Belcourt, où de nombreux Algériens épris de liberté, et de nationalisme, se faisaient arrêter voire tuer, 14 autres Algériens (ces oubliés de l’histoire) seront au même moment les martyrs d’un lâche et sauvage attentat perpétré à Bab El Oued par un commando d’activistes de l’OAS.
Attablés tranquillement dans l’un des rares cafés algériens (sis à la
rue des Moulins) de Bab El Oued (mitoyenne avec le marché des
Trois-Horloges), discutant de tout et de rien, mais surtout de
militantisme, défendant les idéaux de la révolution, les Algériens en
question qui, dans leur grande majorité, habitaient les quartiers
populaires limitrophes (Climat-de-France, Notre-Dame d’Afrique, hauteurs
de BEO...), seront surpris par deux jets de grenades par un groupe
d’éléments de l’OAS qui, connaissant bien les lieux, bouclera les deux
extrémités de la ruelle. Ne se contenant pas des dégâts occasionnés par
les deux grenades, les ennemis de l’Algérie indépendante, qui, à coup
sûr, ont bénéficié de complicités, pénètrent à l’intérieur même du café
où sous les décombres, la fumée et beaucoup de corps déchiquetés, ils
anéantiront à coup de rafales certains blessés encore en vie. Bouclant
sa lâche et sinistre besogne, le commando en question quittera
immédiatement les lieux sans la moindre inquiétude. Sur la plaque
commémorative fixée par la kasma FLN de Bab El Oued, sur le mur du café
de la rue des Moulins où a eu lieu le carnage, sont portés 14 noms de
chouhada dont celui du petit Samer Saïd, né en 1953 et âgé alors de
seulement 7 ans. Pour Hamma Hocine, le frère cadet Hamma Dahmane (né en
1936), l’un des chouhada de l’agression du café de la rue des Moulins et
dont le souvenir est encore vivace, «la sinistre besogne du commando de
l’OAS, a été complétée par la rafale de mitraillette d’un Français
résidant au 1er étage de l’immeuble faisant face au café qui ne laissera
aucune chance à certains Algériens qui ont tenté de fuir le café».
Regrettant que le massacre du café de la rue des Moulins est quasiment
toujours passé sous silence, Hamma Hocine ajoutera, la gorge serrée et
les yeux embués de tristesse, encore vivace, «les corps des 14 chouhada,
du café de l’Etoile de la rue des Moulins, ont, selon certains
témoignages crédibles, été acheminés vers la morgue de l’hôpital Maillot
de Bab El Oued. Jusqu’à nos jours, les familles ne savent pas où sont
enterrés les 14 chouhada pourtant recensés officiellement. Hamid dit
Hamid Boulanger, un des rares rescapés de l’attentat du 11 décembre
1960, encore en vie, garde une mémoire intacte et pourra en témoigner».
Abdenour Belkheir
Voici les noms des chouhada portés sur la plaque commémorative de
la rue des Moulins de Bab El Oued :
Aïla Rabah (né en 1911), Ouargli AEK (1893), Boughadiche Abderrahmane
(1936), Hamma Dahmane (1936), Samer Saïd (1953) Laghlit Tahar (1928),
Loukal Smaïn (1932), Allali Saïd (1935), Amiri Mohamed (1926), Chih
Mohamed (1934), Tidjidam Omar (1930), Mostefaoui Salah (1927), Zaâlouk
Ali (?).
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