Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
D�rives turques et Tunisie


Par Hassane Zerrouky
Le pr�sident Abdullah G�l a beau affirmer que �tous les citoyens sont �gaux devant la loi� apr�s l�arrestation vendredi dernier de l�ex-chef d��tat-major de l�arm�e, le g�n�ral Ilker Basbug � il �tait en fonction en 2010 � il n�en demeure pas moins que la Turquie est le th��tre d�une d�rive autoritaire inqui�tante : des centaines de journalistes et de d�mocrates, accus�s de �complot contre l�Etat�, sont l�objet de poursuites judiciaires quand ils ne sont pas jet�s en prison.
Ce pays, cit� comme �mod�le� par Washington de ce qui convient le mieux aux pays arabes et maghr�bins, est en train de renouer avec les ann�es de plomb des ann�es 1980 o� � la suite d�un coup d�Etat, les Kurdes, les d�mocrates et progressistes turcs avaient �t� impitoyablement traqu�s. L�arm�e avait alors promulgu� des lois liberticides et mis en place des tribunaux d�exception dont, aujourd�hui, cette m�me arm�e en fait les frais. En outre, c�est l�arm�e, apr�s le coup d�Etat de 1982, qui a introduit l�enseignement islamique dans les �coles turques. A l��poque, en bon �l�ve de l�Otan, son action s�inscrivait dans cette strat�gie dite de la �ceinture verte� initi�e par Zbignew Brezinski, conseiller � la s�curit� nationale de Jimmy Carter, pour contenir le �communisme�. Il s�agissait d�instrumentaliser l�islam contre le �communisme� en favorisant l��mergence de r�gimes islamiques dans le monde arabe et musulman. C�est l�arm�e encore qui avait fait la chasse � tous ceux qui �voquaient les massacres d�Arm�niens. C�est elle qui �tait derri�re l�accord strat�gique politique et militaire, aujourd�hui gel�, avec Isra�l avec l�aval des Etats-Unis. Il est vrai que des militaires de haut rang, dont beaucoup n�exercent plus aucune fonction, ont tremp� dans une affaire, dite Ernegecon, et ont �t� arr�t�s. Cette organisation ultranationaliste, regroupant des officiers sup�rieurs de l�arm�e � la retraite, d�mantel�e apr�s la d�couverte d�un plan de d�stabilisation du pays: assassinats d�hommes politiques, de journalistes et d�intellectuels, provocations d�incidents arm�s � la fronti�re turco-grecque, bombes dans des mosqu�es! Le tout visant � cr�er une situation de chaos et d�instabilit� g�n�ralis�e propice � une intervention militaire avec � la cl�, la proclamation de l��tat d�urgence, la dissolution du gouvernement et du Parlement ! Cette affaire a servi le Premier ministre Tayyip Erdogan et son parti l�AKP. Aussi, profitant que l�arm�e soit sur la d�fensive, l�AKP a-t-il d�cid� d�enfoncer le clou dans le but de r�duire son influence et celle de ses relais k�malistes au sein des institutions �tatiques, mais aussi museler des forces autrefois victimes de cette m�me arm�e : des journalistes, des �tudiants, des militants et des intellectuels prokurdes. Ce bras de fer AKP-g�n�raux n�est rien d�autre que l�expression d�une lutte pour le pouvoir entre les nouvelles �lites bourgeoises turques dont les objectifs sont entrav�s par ces franges de la bourgeoisie traditionnelle proche de l�arm�e, ancr�e dans une vision pseudo-moderniste, autrefois pro-occidentale, autoritaire et pass�iste. En Tunisie, c�est une tout autre r�alit�. Rien � voir avec la Turquie o�, contrairement aux pays du Maghreb, la diff�renciation de classe est comparable � celle existant dans les pays occidentaux, et o� les luttes sociales et politiques structurent le champ politique depuis les ann�es 1950. J�invite les d�mocrates alg�riens � se rendre dans ce pays pour mesurer le foss� qui nous s�pare de la r�alit� turque. De ce fait, en Tunisie, la r�f�rence au mod�le turc, brandi par Ennahda, rel�ve de l�instrumentalisation � des fins de pouvoir. A l�issue d�une �lection o� un Tunisien sur deux ne s�est pas rendu aux urnes, le parti de Ghanouchi dirige un gouvernement de coalition avec le parti du pr�sident Marzouki et celui du pr�sident de l�Assembl�e constituante, Mustapha Benjaafar, tous deux issus d�une mouvance de gauche. Les minist�res de l�Int�rieur et de la Justice sont aux mains d�Ennahda. Aussi a-t-il tent� d�en user pour asseoir son pouvoir sur les m�dias en nommant des responsables � sa solde � la t�te des principaux m�dias. La r�action des journalistes a �t� rapide : apr�s le rassemblement de plusieurs centaines de journalistes lundi devant le palais du gouvernement d�non�ant le retour aux pratiques de l�exr�gime de Ben Ali, les autorit�s tunisiennes ont �t� oblig�es de reculer. Cette bonne nouvelle montre que le combat des journalistes tunisiens nous concerne directement.
H. Z.

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