Contribution : Boudiaf ou l�impossible compromis

Par Mohand Bakir
On s�arr�te trop souvent sur la qualification �juridique� du 11 Janvier 1992. Il est �vident qu�il est une rupture dans l�ordre politico-institutionnel, tout comme il �tait probable que l�entente Chadli- Abassi aboutisse � une rupture de m�me ordre. Le processus transitionnel initi� dans le sillage d'Octobre 1988 �tait gros de ces deux ruptures potentielles.
Donc le coup d�Etat �tait inscrit dans l�ambivalence m�me de ce processus. Boudiaf a su saisir cet enjeu. Sa tentative d�ouverture du �processus du 11 Janvier 1992� sur le peuple reprenait le magnifique enseignement de Larbi Ben M�hidi qui disait : �Jeter la r�volution dans la rue, le peuple la prendra en charge.� Le �11 Janvier� �tait un n�cessaire et imp�rieux barrage � l�islamisme. Boudiaf l�assumait. Mais, en patriote clairvoyant, il tenait, aussi, � en consolider et � en radicaliser le potentiel de rupture avec le syst�me bureaucratique et mafieux. Au c�ur de ce coup d�arr�t, aux l�gislatives de la mort de l�Alg�rie, se lovait la possibilit� de liquidation du syst�me rentier bureaucratique. Le g�nie de Boudiaf est d�avoir plac� cela au centre de son action. C��tait l� son autre 1er Novembre. Le danger pour le syst�me �tait tel qu�il ne pouvait laisser Boudiaf agir. Quel compromis aurait pu �tre possible avec cet homme ? Aucun, en dehors de ce qui sert l�int�r�t sup�rieur du peuple alg�rien. Avec un autre, il aurait �t� possible de le contenter avec le sacrifice de quelques t�tes sur l�autel de la lutte contre la corruption. Et si, vraiment, Si Tayeb consid�rait la question sahraouie avec une quelconque sympathie makhzenienne, la question n�aurait pas �t� insurmontable pour le s�rail alg�rois. Non, il n�y avait pas de compromis possible sur la question de la liquidation de la bureaucratie en place. La d�mocratisation qu�entendait r�aliser Boudiaf �tait inacceptable. Depuis ses origines, le syst�me s�est toujours accommod� d�un lest, ou plut�t de ballasts islamistes. L�empreinte de la connivence nationalo-islamiste est assez ancienne. Feu Lacheref en a fait les frais avant Arkoun, et avant que n�arrive le tour des Alg�riennes avec l�inf�me code dit de la famille. Et apr�s tout, la pouss�e Fissiste de ces ann�es 90, bien g�r�e, ne suppose qu�un r��quilibrage de cette alliance objective ; quitte m�me � en faire une alliance assum�e. Qu�importe qui a d�cid�. Qu�importe qui a ex�cut�. L�essentiel est que le coup d�Etat contre Boudiaf, contre son projet de d�mocratisation, a �t� avalis�, a priori ou a posteriori, par l�ensemble des composantes du syst�me. L�homme a �t� tu� dans le dos. Il est mort au service de son peuple, et au sommet de son engagement. Sa mort a ouvert la porte � des n�gociations de red�finition de l�entente nationalo-islamiste. De dialogue en conf�rence, de concorde en r�conciliation, le dos tourn� au peuple, la trahison et la vilenie port�es en m�dailles, l�Etat hybride, bureaucratique et rentier, islamiste et nationaliste, ce monstre mutant vampirise l�Alg�rie d�aujourd�hui et de demain.
M. B.

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